300 000 personnes âgées totalement isolées

300 000 personnes âgées totalement isolées

29.09.2017

Action sociale

Selon une étude réalisée pour les petits frères des Pauvres, 300 000 personnes âgées de plus de 60 ans sont en situation de mort sociale, c'est-à-dire reliées à aucune forme de sociabilité : la famille, les amis, les voisins, les réseaux associatifs. Le cap des 85 ans est souvent déterminant pour la bascule vers le grand isolement.

"Oui, je me sens seul. Comme un prisonnier de la solitude. Je n'ai pas de communication avec les autres. Je manque de confiance dans les autres. Les gens sont méchants". Ces mots d'un vieil immigré témoignent d'une réalité méconnue : des personnes âgées vivent dans une situation d'isolement extrême. Le grand mérite de l'étude commanditée par les petits frères des Pauvres (1) et réalisée auprès de 1 800 personnes de plus de 60 ans est de quantifier ce phénomène et de montrer les différentes strates d'isolement.
Quatre types de sociabilité
L'étude distingue quatre types de sociabilité : la famille, les amis, les voisins et les réseaux associatifs. Les personnes interrogées ont indiqué si elles étaient en relation avec l'un ou plusieurs de ces cercles. 22 % des personnes sont ainsi isolées de leur famille, 28 % de leurs amis, 21 % du voisinage et 55 % des réseaux associatifs. En tout, 900 000 personnes sont isolées de la famille et des amis.

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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L'équivalent de la ville de Nantes
Parmi cette population, on en trouve tout de même 300 000 (soit 2 % des plus de 60 ans) qui, en outre, n'ont aucun lien avec leur voisinage ou les cercles associatifs. On peut alors parler de mort sociale pour cette population dont le nombre équivaut à la 6e ville française, Nantes. 

Loi santé du 26 janvier 2016

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Disparités territoriales
L'isolement connaît de fortes disparités territoriales. Le réseau amical reste plus présent dans les Pays-de-la-Loire (19 % de personnes en situation d'isolement) qu'en Occitanie (33 %). Par rapport au tissu associatif, le lien est plus fréquent en Ile-de-France (47 % des personnes isolées) que dans les Hauts-de-France (66 %).
Pas ou peu de sorties du domicile
Le portrait-robot de la personne isolée est une femme de plus de 75 ans avec des revenus modestes.  Cette situation se traduit par des réalités très concrètes : 27 % de ces personnes isolées totalement sortent au mieux une fois par semaine de leur domicile ; 50 % ne connaissent personne avec qui elles peuvent déjeuner ou dîner, etc.
Exclusion numérique
Cet isolement se combine souvent avec l'exclusion numérique : 31 % des plus de 60 ans n'utilisent jamais internet, un taux qui double chez les plus de 85 ans. L'étude montre que c'est justement à 85 ans que l'isolement se renforce chez une minorité de personnes âgées déjà fragilisées : les contacts avec la famille, les amis, la fréquentation des associations se raréfient. L'isolement est renforcé par le fait que les sorties du domicile se font moins fréquentes. Le cercle vicieux de la mort sociale se met en place.
Le critère revenu déterminant
L'enquête montre également le lien étroit qui existe entre des revenus faibles (inférieurs à 1 000 €) et le niveau d'isolement. "Plus les revenus sont faibles, moins on a de contacts avec son voisinage, avec les commerçants, moins on se sent heureux", souligne l'étude. La question de la revalorisation du minimum vieillesse (actuellement fixé à 803 €) est aussi un enjeu pour que les personnes âgées soient moins touchées par l'isolement. En améliorant un peu leur niveau de vie, elles vont fréquenter davantage les commerces et sortir plus facilement.
Solidarités familiales bien vivantes
Cette enquête révèle enfin des réalités qui "tordent le cou aux idées reçues". Ainsi, les familles n'abandonnent pas leurs aïeux. Elles ont même tendance à se rapprocher d'eux avec la montée en âge. "62 % des 80 ans et plus voient au moins l'un de ses enfants une à plusieurs fois par semaine contre 49 % à 70-79 ans", note l'étude réalisée par l'institut CSA. Le réseau associatif est un formidable antidote à l'isolement : 1 personne sur trois participe dans la semaine aux activités. Seulement voilà, les plus âgés et les plus pauvres restent généralement à l'écart de ces lieux sources de rencontres.
14 propositions contre l'isolement
Au regard de ces constats de terrain, les petits frères des Pauvres formulent 14 propositions pour lutter contre l'isolement. Il faut mieux repérer les situations les plus graves en coordonnant davantage les acteurs de terrain, en maintenant un tissu commercial, des services publics de proximité ainsi que les CCAS. Par ailleurs, l'organisation est vent debout contre la marchandisation du lien social (voir sa réaction suite à la création d'un service de la Poste). Sur le numérique, elle demande un grand effort de formation des personnes âgées (avec des méthodes adaptées) et la vigilance vis-à-vis de la dématérialisation des démarches administratives qui exclut certaines personnes âgées.
Attention à la dématérialisation des documents !
Une antienne que reprend le sociologue Michel Billé qui commente l'étude : "Comment auraient-ils [les personnes les plus isolées, NDLR] demain accès aux services en ligne que l'administration française ne manque pas de développer pour compenser la disparition des services de proximité ?" Un enjeu de taille quand on sait qu'à l'horizon 2050, les plus de 75 ans devraient représenter 16 % de la population, contre 9 % en 2013.
 
(1) Sur l'histoire des petits frères des Pauvres, lire notre article.
Noël Bouttier
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