Aides sociales : Emmanuel Macron espère redonner le sourire

Aides sociales : Emmanuel Macron espère redonner le sourire

14.06.2018

Action sociale

Le président envisage-t-il de tailler dans les dépenses sociales ? Au Congrès de la Mutualité, Emmanuel Macron a au moins pu détailler une prise en charge à 100 % de certains frais dentaires, mais aussi optiques et auditifs. Mais il a aussi donné sa vision d'une « révolution profonde » de l'Etat-providence, qu'il entend mener aussi face au vieillissement ou aux exclusions.

« La politique sociale ? Regardez, on met un pognon de dingue dans des minima sociaux, les gens, ils sont quand même pauvres ! » Avec une telle avant-première, les attentions ne pouvaient que se braquer vers Emmanuel Macron, ce 13 juin, pour son discours déjà attendu, à Montpellier, pour le congrès de la Mutualité française. La bande-annonce, certes, ne consistait qu’en une simple vidéo de 2 minutes, présentée comme un « brief » du président à ses équipes, et postée sur Twitter par la conseillère en communication de l’Elysée. Mais avec une telle formule, Emmanuel Macron comptait-il donc définitivement amputer la fameuse « jambe gauche » de sa majorité ? Allait-il donner raison à sa droite, et aux ministres Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin, qui, ces dernières semaines, ont multiplié les complaintes contre les aides sociales ?

Prothèses

A sa jambe gauche, en définitive, Emmanuel Macron aura bien apporté quelques prothèses. Et notamment des appareillages dentaires, auditifs, ou optiques, qui devront être totalement remboursés, d’ici à 2021, grâce au dispositif « 100 % santé »… En effet, face aux mutualistes, le président a pu détailler plusieurs accords signés en partie le jour même à Montpellier. Actuellement, il faut payer de sa poche 65 euros en moyenne pour corriger une myopie, 200 euros pour une couronne, ou même 1 700 euros pour une audioprothèse, a-t-il d'abord rappelé. Progressivement, ces trois prochaines années, certains de ces équipements dentaires, auditifs, et optiques, seront accessibles sans aucun reste à charge pour les assurés. Voilà qui rendra à certains « la possibilité de sourire, de voir, d’entendre, de manger parfois normalement », s’est réjoui Emmanuel Macron. Cette conquête sociale représente « un investissement, que j’assume », et « que nous allons partager ensemble », a poursuivi le président - déclenchant un brouhaha au Corum de Montpellier. Cette réforme, assure-t-il néanmoins, « ne saurait engendrer d’augmentation spécifique du coût d’acquisition d’une complémentaire santé ».

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Mais ce « 100 % santé » n’est qu’un exemple de la politique sociale que le président de la République est venu définir pour son quinquennat. Et il n’ambitionne rien de moins que de « réinventer notre Etat-providence ». A ses yeux, en effet, « nous avons maintenu les droits formels, sans nous soucier assez de faire qu’ils soient des droits réels » ; et malgré des dépenses sociales croissantes, la société « sécrète toujours plus d’inégalités ». Tel est donc le combat qu’il s’assigne pour son quinquennat : qu’au-delà d’un « indispensable » filet de sécurité, l’Etat-providence garantisse « les conditions d’une vie digne ». Et pour retrouver ainsi la « justice sociale effective », Emmanuel Macron entend engager une « révolution profonde » en trois principes : la prévention des inégalités, l’universalité des droits, et la dignité par l’accompagnement et le travail. Que cela soit donc clair : pour l’ancien ministre de l’Economie, « la solution n’est pas de dépenser toujours plus d’argent »…

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Et ce n’est pas uniquement avec des lunettes ou des couronnes dentaires qu’Emmanuel Macron entend ainsi s’attaquer « aux problèmes à la racine ». Face à un système de santé usé par les maladies chroniques, ou par le manque de prévention, il entend aussi réorganiser le système de soins, pour « traiter les pathologies très en amont ». Des annonces sont promises pour cet été, notamment pour permettre au patient de « construire son parcours ».

Deux lois face au vieillissement

Mais le président promeut aussi une « transformation profonde » pour répondre au vieillissement. Car le système de retraites doit, selon lui, retrouver sa « viabilité » et la « confiance » des concitoyens. S’il entend maintenir le principe de la répartition et de la solidarité entre générations, il souhaite « qu’un euro cotisé donne le même montant de droits » à chacun. Au premier semestre 2019 devrait donc être votée une réforme des retraites, mettant en œuvre une convergence progressive des différents régimes.

Et face à la perte d’autonomie ? Afin de « mieux reconnaître et rémunérer » le travail auprès des personnes dépendantes, ou encore pour « médicaliser » les établissements, la feuille de route présentée le 30 mai par Agnès Buzyn, il l’admet, ne suffira pas. « Il nous faut construire un nouveau risque », annonce Emmanuel Macron. Une loi y sera donc consacrée, et votée avant la fin 2019, promet le président, sous les applaudissements des mutualistes.

Revenir au travail

Mais au fond, c’est d’abord contre les exclusions que détonne l’Etat-providence réinventé par Emmanuel Macron. « Regardons la réalité en face », plaide-t-il d’abord. « Nous avons ces dernières décennies dépensé de plus en plus sur ce sujet. Et avons-nous traité le problème ? Non. » Et le locataire de l’Elysée de prendre l’exemple du RSA, dont en dix ans, le montant a augmenté de 80 %, tandis que ses dépenses d’accompagnement ont baissé de 40 %. « Ce chiffre dit tout ! »

Avant de dévoiler sa Stratégie contre la pauvreté, dans les prochaines semaines, Emmanuel Macron affirme déjà vouloir prévenir, en ce domaine aussi - par exemple en dédoublant des classes dans des quartiers défavorisées, ou en aidant les gardes d’enfants pour les familles monoparentales. Mais il appelle aussi à « accompagner et responsabiliser », en même temps. D’un côté, pour « les plus vulnérables » qui ne peuvent revenir au travail, il faut « assumer » les dépenses sociales, et même les compléter par un accompagnement des travailleurs sociaux – dont il faut « reconnaître et mieux rémunérer » le « rôle formidable ». Mais d’un autre côté, il faut « responsabiliser » tous ceux « qui peuvent revenir au travail » et les « accompagner » vers la vie active et la « dignité » - « en transformant, aussi, cette place du travail social ». En somme, conclut le président, l'ambition n'est plus d'« aider à vivre dans la maladie ou à vivre dans la pauvreté » : l'horizon, désormais, est d'aider à en sortir. La bande-annonce de ce discours de Montpellier, en définitive, n’était pas si tapageuse.

Olivier Bonnin
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