Amiante : condamnation au pénal parce que salariés et public n'étaient pas protégés des poussières du chantier

Amiante : condamnation au pénal parce que salariés et public n'étaient pas protégés des poussières du chantier

27.04.2017

HSE

C'est notamment la "violation manifestement délibérée des dispositions du code du travail" qui conduit la Cour de cassation à valider la condamnation pour mise en danger de la vie d'autrui de la société Vinci Construction Terrassement et du directeur d'exploitation du chantier. L'obligation générale de sécurité de résultat, sur un chantier générant des poussières d'amiante, n'a pas été respectée.

Lorsque la mise en œuvre de la protection du public et des salariés contre les poussières d’amiante, produites par un chantier de construction, est défaillante, le risque de mort ou de blessures graves lié à l’inhalation de fibres d’amiante, peut constituer un délit de mise en danger de la vie d’autrui. Voici ce qu'affirme la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 avril 2017, assorti du plus haut degré de publication. Les magistrats approuvent ainsi la condamnation pour mise en danger de la vie d’autrui de la société Vinci Construction Terrassement.

"Violation consciente et délibérée de la norme imposée"

Si, selon le code pénal, ce délit est une "infraction non intentionnelle", rappellent-ils, l'exposition aux risques procède "d'un acte volontaire, et donc de la violation consciente et délibérée de la norme imposée". Et d'ajouter : "il suffit que le risque de dommage auquel était exposé la victime ait été certain et il n’est pas nécessaire que le risque se soit réalisé de manière effective pour que l’infraction puisse être retenue, l’exposition au risque anormal se suffisant à elle-même". La Cour de cassation donne raison à la cour d'appel, qui a retenu "qu’en l’état des données de la science disponibles bien avant le temps de la prévention, le degré de probabilité de développer un cancer du poumon ou un cancer de la plèvre dans les 30 à 40 ans de l’inhalation de poussières d’amiante est certain, sans qu’il n’y ait ni effet de seuil, en deçà duquel il n’existerait aucun risque, ni traitement curatif efficace".

Selon le code pénal, article 223-1, le délit de mise en danger de la vie d’autrui est constitué lorsqu’une personne a "exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement".
Lorsqu’une personne a exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures

 

Terrassement sur des roches naturellement amiantifères

C'est sur "des roches et des terres naturellement amiantifères, connues et identifiées avant l’acceptation du marché", dans le quartier de l’Annonciade à Bastia, que la société de construction et de vente Mandevilla, entreprend en 2012 la construction de trois immeubles. Les travaux d’excavation du site et de construction étant susceptibles d’exposer les salariés et les riverains à l’inhalation de poussières d’amiante, une ordonnance du juge des référés du 15 février 2012 interdit le commencement des travaux jusqu’à l’autorisation de l’inspection du travail. Cette autorisation de travaux est donnée le 13 juillet suivant, après que Mandevilla conclut, en mai, un marché avec la société Vinci Construction Terrassement, dont M. Fabien X... était le directeur d’exploitation.

Manquements relevés par l'inspection du travail

L'inspectrice du travail relève, par 5 procès-verbaux pris fin août et mi-septembre, plusieurs manquements : "le recouvrement insuffisant des déblais amiantifères, la présence d’une clôture de confinement ne permettant pas de limiter la propagation de fibres d’amiante, l’absence de nettoyage de la pelle de terrassement, la réalisation d’opérations de mesurage de l’air en fibres d’amiante non conformes, la définition d’un mode opératoire relatif aux mesures de prévention et de protection insuffisant". Elle constate aussi "un mesurage supérieur à la limite autorisée de fibres d’amiante par litre d’air".

"Obligation générale de sécurité de résultat"

Vinci Construction Terrassement, avec le directeur d'exploitation Fabien X…, sont cités devant le tribunal correctionnel "pour emploi de travailleurs à une activité comportant un risque d’exposition à des agents chimiques cancérogènes mutagènes ou toxiques pour la reproduction sans respect des r��gles de prévention et mise en danger de la vie d’autrui". Relaxés en première instance, ils sont déclarés coupables, en appel, de mise en danger de la vie d’autrui. La cour d'appel rappelle "l'obligation générale de sécurité de résultat" qui incombe à l’entreprise intervenant sur un chantier où le risque d’inhalation de fibres d’amiante est identifié et connu. Une obligation "non seulement à l’égard de ses salariés mais aussi à l’égard de toute personne se trouvant à proximité du site". Elle doit de plus être couplée à "l'obligation générale d’adaptation à l’évolution des connaissances scientifiques". Cela résulte, souligne la cour d'appel, "de l’ensemble des textes applicables à la date des faits", "avant même la mise en œuvre de l’arrêté du 14 août 2012 et l’entrée en vigueur du décret 2012-639 du 4 mai 2012", relatifs aux risques d’exposition à l’amiante.

"Un risque de mort ou de blessures graves"

Tous les manquements relevés font que, tranchent les juges en appel, la société Vinci Construction Terrassement et M. X. "ont violé délibérément l’obligation générale de sécurité qui pesait sur eux ainsi que les obligations particulières issues du décret 2006-761 du 30 juin 2006 relatif à la protection contre les risques liés à l’inhalation de poussières d’amiante, tant à l’égard des salariés qu’à l’égard du public avoisinant". "Le chantier de terrassement litigieux […], la défaillance dans la mise en œuvre de la protection du public et des salariés contre l’inhalation de poussières d’amiante produites par les travaux entrepris sur le site entraînait un risque de mort ou de blessures graves lié à l’inhalation de fibres d’amiante", estime la cour d'appel.

Absence de risque immédiat ?

En cassation, Vinci Construction Terrassement et M. X… invoquent l'absence de risque immédiat. Selon eux, la cour d'appel "a étendu le champ d’application du délit à l’hypothèse d’un risque différé dans le temps, non prévue par l’incrimination". Elle aurait ainsi méconnu le principe d’interprétation strict de la loi. Les prévenus soutiennent que le code pénal exige, pour qu'il y ait mise en danger de la vie d'autrui, que "la victime soit exposée à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente". Ils ne nient pas le risque, "certain", de développer un cancer suite à l'inhalation des poussières d'amiante. Mais ce risque "ne se réalisera que 30 à 40 ans après l’exposition à l’amiante".

"Violation manifestement délibérée du code du travail"

La Cour de cassation ne retient pas cet argument. Les magistrats de la chambre criminelle considèrent que la cour d'appel a correctement justifié sa décision, "en se déterminant par des motifs qui établissent l’exposition d’autrui à un risque de mort, de mutilation ou d’infirmité permanente, en relation directe et immédiate avec la violation manifestement délibérée des dispositions du code du travail".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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