Application du régime du permis de construire au contentieux du permis valant autorisation d'exploitation commerciale

10.01.2017

Immobilier

Délai de recours des tiers, obligation de notification des recours, sursis de régularisation, autant de mesures rendues applicables aux concurrents intentant un recours contre un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale (PCVAEC), instauré par la loi du 18 juin 2014 dite "ACTPE" ou "Pinel", n'est pas un permis comme les autres (C. urb., art. L. 425-4). En particulier lorsqu'il s'agit d'en demander l'annulation. Ce contentieux présente, en effet, des spécificités qui résultent de la fusion de l'autorisation d'exploitation commerciale et de l'autorisation de construire. Le Conseil d'État, cependant, s'attache à le rapprocher du contentieux du permis de construire. Son avis du 23 décembre 2016 (à paraître au Lebon) est particulièrement bienvenu pour éclairer tant le pétitionnaire que ses concurrents sur le régime applicable (CE avis, 23 déc. 2016, n° 398077).

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Délivrance du permis dans le délai de recours contre l'avis de la CDAC

La délivrance du permis dans le mois suivant l'avis de la CDAC est possible, mais fortement déconseillée du fait de l'insécurité juridique qui en résulte. En effet, le PCVAEC ne peut être délivré que sur avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) ou, en cas de recours devant la CNAC, sur avis favorable (exprès ou tacite) de celle-ci, qui se substitue à celui de la CDAC. Interrogé par la cour administrative d'appel de Nancy, le Conseil d'État clarifie la situation d'un permis de construire qui serait délivré avant que la CNAC, régulièrement saisie, n'ait rendu son avis. Pour rappel, la CNAC, qui dispose d'un délai de quatre mois pour se prononcer, peut être saisie par un concurrent (notamment) dans le délai d'un mois, en vertu de l'article L. 752-17, I, du code de commerce. Elle peut également s'auto-saisir dans le mois suivant l'avis émis, en application de l'article L. 752-17, V, du même code.

Deux cas de figure peuvent se présenter :

- la CNAC est déjà saisie (ou s'est auto-saisie) : le permis de construire ne peut pas être délivré, il ne peut légalement intervenir sans une décision favorable de la CNAC. Dès lors, si l'avis de la CDAC fait l'objet d'un recours, l'autorité compétente pour délivrer le PCVAEC doit attendre l'intervention de l'avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis (à cet effet, le délai d'instruction est prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme) ;

- la CNAC n'est pas encore saisie (mais un recours reste possible) : le permis délivré dans le mois suivant l'avis de la CDAC n'est pas, de ce seul fait entaché d'illégalité. Mais, "l'insécurité qui résulterait de ce que sa légalité pourrait être mise ultérieurement en cause à raison d'un avis négatif de la commission nationale, que celle-ci soit saisie d'un recours ou qu'elle s'autosaisisse, conduit toutefois à recommander à l'administration d'éviter de délivrer le permis avant l'expiration de ces délais" prévus par les I et V de l'article L. 752-17 du code de commerce. Cette situation rare est néanmoins bien réelle puisque, en l'espèce, la cour administrative d'appel de Nancy y était confrontée.

 Remarque : une autre situation, non envisagée dans cet avis du Conseil d'État, pourrait résulter d'un recours devant la CNAC qui n'aurait pas encore été communiqué à l'autorité administrative au moment de la délivrance du permis.  Le secrétariat de la commission nationale dispose, en effet, d'un délai de sept jours francs suivant la réception du recours pour en informer, par tout moyen, l'autorité compétente en matière de permis. Compte tenu des moyens modernes de communication, cette hypothèse devrait rester marginale, sous réserve d'une certaine vigilence des services concernés.
Régime applicable au recours exercé par un concurrent

La loi encadre l'intérêt à agir contre le PCVAEC. Le recours pour excès de pouvoir (REP) peut être exercé par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17, I, du code de commerce, parmi lesquelles figurent les professionnels (concurrents) dont l'activité est exercée dans les limites de la zone de chalandise du projet lorsqu'elle est susceptible d'être affectée par celui-ci. Ils ne peuvent toutefois demander l'annulation du permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables (C. urb., art. L. 600-1-4). Ces professionnels disposent donc d'un intérêt à agir spécifique (issu de la règlementation des autorisations d'exploitation commerciales) qui diffère de l'intérêt à agir à l'encontre d'un permis de construire. Le Conseil d'État, cependant, s'attache à rapprocher les deux contentieux.

Remarque : le permis peut également faire l'ojet d'un REP intenté par les personnes traditionnellement recevables à contester un permis de construire (mentionnées à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme) lorsque la construction est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elles détiennent ou occupent régulièrement. Ces personnes ne peuvent contester le permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire.
Délai de recours des tiers
La Haute juridiction précise que les professionnels mentionnés à l'article L. 752-17, I, du code de commerce sont des tiers au sens de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme. Le délai de recours à leur égard court à compter du premier jour d'une période de deux mois d'affichage sur le terrain, bien qu'ils ne soient pas nécessairement voisins du projet. Ils bénéficient, en effet, d'une information sur l'existence de la demande de PCVAEC grâce aux mesures de publicité de l'avis de la CDAC, organisées par l'article R. 752-30 du code de commerce (publication au recueil des actes de la préfecture et publication d'un extrait de l'avis, s'il est favorable, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département).
 
Quid lorsque, comme dans l'hypothèse déjà évoquée, le permis de construire a été délivré avant que la CNAC, régulièrement saisie, ne rende son avis ? Le Conseil d'État règle cette question et précise que la publication de cet avis dans les conditions fixées à l'article R. 752-39 du code de commerce ouvre un délai de recours de deux mois contre le permis à l'égard des concurrents, y compris si le délai déclenché dans les conditions prévues par l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme est expiré. Autrement dit, un délai de deux mois de recours semble attaché à l'avis de la CNAC. La Haute juridiction n'opère aucune distinction  selon le sens de cet avis, favorable ou défavorable, confirmatif ou infirmatif. Cette solution vaut "dans tous les cas" où la CNAC rend son avis après la délivrance du PCVAEC.
Remarque : la saisine de la CNAC n'a pas pour effet d'interrompre le délai de recours contentieux à l'encontre du permis déjà délivré.
Obligation de notification des recours

Assez logiquement, le juge précise que les exigences de notification des recours, à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation, prévues par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, sont applicables au recours formé par un professionnel contre un PCVAEC. La cour administrative d'appel soulevait cette question au regard des moyens circonscrits d'annulation susceptibles d'être invoqués par un concurrent (en tant que le permis vaut autorisation commerciale) et du dispositif quelque peu similaire, inscrit à l'article R. 752-32 du code de commerce. Ce dernier impose au requérant de communiquer son recours au demandeur de l'autorisation commerciale, le préfet du département concerné et l'autorité qui délivre le permis étant, quant à eux, informés du recours par le secrétariat de la CNAC. Mais, ces hypothèses recouvrent seulement les recours devant la CNAC, le champ de l'article R. 600-1 est plus large.

L'annulation de l'avis de la CDAC fait obstacle à la réalisation du projet

Dès lors que les moyens soulevés par les concurrents ne sont recevables qu'en tant que le PCVAEC tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, le juge ne peut statuer au-delà de ces conclusions. Il ne peut donc annuler le permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation commerciale et non dans sa globalité. Pour autant, le pétitionnaire ne pourra pas réaliser son projet. Le permis de construire, en effet, ne peut être délivré que sur avis favorable de la commission, autrement dit seulement si le demandeur dispose d'une autorisation d'urbanisme commercial.

Faculté de régularisation

Le pétitionnaire peut solliciter à nouveau la CDAC en cas d'annulation du permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'urbanisme commercial. L'autorité compétente pourra délivrer le PCVAEC au seul vu d'un nouvel avis favorable de la commission si les modifications visant à rendre le projet conforme au regard de l'autorisation commerciale sont sans effet sur la conformité des travaux projetés aux dispositions relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une DUP.

Sursis à statuer de régularisation

Le Conseil d'État précise que, comme pour tout permis de construire, les règles qui gouvernent les pouvoirs et les devoirs du juge s'appliquent dans le cadre d'un recours contre un PCVAEC, notamment les dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, lorsqu'un juge administratif constate que les autres moyens ne sont pas fondés et que le vice entraînant l'illégalité du PCVAEC est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif, il peut surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation.

    

 

 

Laurence Guittard, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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