Arnaud Montebourg veut répondre à "la dégradation des conditions de travail"

Arnaud Montebourg veut répondre à "la dégradation des conditions de travail"

12.01.2017

HSE

Télétravail défiscalisé, prise en compte de la pénibilité "simplifiée et renforcée", loi travail abrogée pour revenir en arrière sur l'inversion de la hiérarchie des normes et "la quasi-suppression du suivi médical des salariés". Les 3 propositions du candidat à la primaire en matière de conditions de travail que nous retenons.

"Il n'y a pas de raréfaction du travail, mais une dégradation des conditions de travail. On ne peut pas ignorer la pression dans la chair des travailleurs, mais aussi dans le cerveau des travailleurs. La société change, la protection doit évoluer." Arnaud Montebourg, candidat à la primaire de gauche qui se tiendra les 22 et 29 janvier 2017, se veut volontariste sur le volet social du programme qu'il est, mardi 10 janvier, venu confronter aux journalistes de l'Ajis (association des journalistes de l'information sociale). Il s'agit selon lui de "porter une nouvelle frontière" et d'avoir une "réponse sociale" face à la "mutation de l'économie", qui se traduit notamment par la "robolution", un néologisme qu'il avait déjà utilisé en 2014 lorsqu'il avait le portefeuille de l'industrie au gouvernement et créait "Robolution Capital", un fonds d'investissement dédié au développement de la robotique. Il ne croit cependant pas que les robots peuvent remplacer le travail humain : "On aura toujours besoin d’humains, même si, demain, c’est pour assister des robots", déclarait-il cette semaine à Libération, "d’autres emplois, pas forcément plus qualifiés il est vrai".

Ce soir aura lieu le premier des débats télévisés de la primaire de gauche. Arnaud Montebourg y aura-t-il aussi l'occasion de faire référence à Alain Supiot, professeur au Collège de France, expliquant que "les hommes ne peuvent être réduits à l’état d’un troupeau productif" ? Ou bien à la psychologue du travail Lise Gaignard, auteure des Chroniques du travail aliéné, comme dans le "manifeste économique pour la société du travail" ? À suivre. "Pour défendre le travail comme un pilier de notre société, il faut d’abord reconnaître qu’il n’est malheureusement pas toujours source de sens et d’accomplissement, et peut détruire la santé", affirme le candidat. Voici les 3 principales propositions que nous retenons en matière de conditions de travail et de santé au travail.

1. "J'abrogerai la loi travail pour éviter la généralisation du dumping social"

"J'abrogerai donc l'inversion de la hiérarchie des normes en matière de temps de travail et de repos, la quasi-suppression du suivi médical des salariés", précise Arnaud Montebourg. Considérer que "la responsabilité du chômage est en rapport avec le droit du travail" est pour lui un "péché capital pas réparable" qui justifie l'abrogation, tout comme "les conditions d'adoption de la loi". Le candidat ne rejette cependant pas toute la loi El Khomri du 8 août 2016 en bloc et y voit aussi des "éléments dont il faut reprendre l'utilité", ce qu'il ferait. Et de lister les "dispositions favorables aux salariés", parmi lesquelles la "nouvelle mission du CHSCT en matière de handicap", le "renforcement de la formation des acteurs du dialogue social", le "droit à la déconnexion", le "renforcement des garanties pour les salariés au forfait-jours" et l'"association plus étroite des représentants du personnel en cas d'inaptitude".

Pas question en revanche de soustraire l'accord d'entreprise à la hiérarchie des normes, "c'est organiser le dumping social à l'intérieur des branches, entre les entreprises". "L'idée de la hiérarchie des normes est simple, c'est celle d'une 'police sociale de la concurrence'. Elle part du principe que la concurrence est bénéfique si elle encourage l'innovation et le perfectionnement des produits et services. Elle est revanche néfaste si elle incite à surexploiter les hommes et la nature." Pour Arnaud Montebourg, "les branches doivent être le lieu de la négociation, elles y sont parfaitement adaptées". Et pourquoi pas imaginer des "codes PME branche par branche, ce qui permettrait de différencier le droit selon la taille de l'entreprise", puisque "les très grands groupes, qui ont des moyens considérables pour la mise en oeuvre du droit du travail" font face à "de petites entreprises qui n'ont pas le temps, les moyens de se consacrer à un droit de plus en plus incertain".

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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2. "La prise en compte de la pénibilité sera simplifiée et renforcée."

S'il permet d'"entériner dans la loi le fait que nous ne sommes pas tous égaux face à la difficulté de notre travail et à son impact sur notre santé", le compte pénibilité ne va cependant pas suffisamment loin, pour Arnaud Montebourg. "Les inégalités en matière de santé liées aux conditions de travail des salariés et des fonctionnaires demeurent importantes." Il plaide pour la possibilité d'un départ à la retraite à 60 ans basée sur les critères de pénibilité, pour les "6 millions d'ouvriers français", mais aussi pour les "3,2 millions de travailleurs précaires". "Les ouvriers doivent-ils attendre d'être en mauvaise santé pour partir à la retraite ?", questionne-t-il dans le "plan de bataille contre l'insécurité sociale, rappelant qu'"un ouvrier de 35 ans a une espérance de vie en bonne santé de 24 ans, soit 59 ans, contre 69 ans pour un cadre".

3. "Je propose de défiscaliser le télétravail en incitant les entreprises à se réorganiser."

La proposition a été posée dès le discours d'entrée en campagne d'Arnaud Montebourg, le 1er décembre 2016, appuyée sur le constat que "18 millions de Français prennent leur voiture chaque jour pour aller au travail, 4 millions de Français empruntent les transports en commun pour se rendre au travail", alors que beaucoup aspirent à "quitter les grandes villes et les métropoles pour vivre dans les petites villes et les campagnes". En plus d'"une manière concrète d'améliorer la qualité de vie au travail", le candidat y voit "une idée assez simple et belle : réhabiter la France", en créant des espaces de télétravail dans les zones rurales, dans "tous les bassins de vie, toutes les communautés de communes", qui seraient reliés à la fibre optique.

Il rêve que les 1% de télétravailleurs d'aujourd'hui soient demain 20% et espère que "les obstacles culturels seront surmontables". Faisant référence au retour d'expérience des "20 grands groupes du CAC 40 qui ont mis en place des programmes de télétravail", l'absentéisme chuterait de 33% quand la productivité serait en hausse de 20%. Ce serait aussi, selon Arnaud Montebourg, "l'occasion de briser le cercle de la défiance en instaurant une nouvelle culture managériale, marquée par l’autonomie plutôt que le contrôle visuel, et la mesure de l’efficacité par les objectifs plutôt que par le présentéisme".

Élodie Touret
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