Assurance chômage, santé au travail : des premiers échanges prudents entre les partenaires sociaux et le gouvernement

Assurance chômage, santé au travail : des premiers échanges prudents entre les partenaires sociaux et le gouvernement

05.09.2018

Gestion du personnel

Edouard Philippe a reçu en une semaine les chefs de file des organisations syndicales et patronales, afin d'échanger autour des trois grands thèmes sociaux qui seront abordés dans les prochains mois. L'occasion, pour syndicats et patronat, d'affirmer leur position au sujet de la réforme de l'assurance chômage, la santé au travail et l'indemnisation des arrêts maladie.

Hier en fin d'après-midi s'est clôturé le ballet des douze représentants d'organisations syndicales et patronales (*), reçus tour à tour à Matignon depuis mercredi dernier. Chacun s'est entretenu avec le Premier ministre, Edouard Philippe et les ministres du travail et de la santé, Muriel Pénicaud et Agnès Buzyn, afin d'évoquer les principaux sujets sociaux de la rentrée. Au menu de ces échanges, trois sujets sensibles, qui augurent des débats houleux. En premier lieu, la future réforme de l'assurance chômage ainsi que la limitation des emplois précaires, qui feront l'objet d'une lettre de cadrage devant être présentée aux partenaires sociaux le 21 septembre. Ensuite, la question de la sant�� au travail, appuyée notamment sur les conclusions du rapport Lecocq. Enfin, les réunions bilatérales ont abordé l'épineuse question du système d'indemnisation des arrêts maladie, "coûteux, inéquitable et déresponsabilisant" selon l'exécutif.

Assurance chômage : les allocations en ligne de mire
  • Côté syndical

Le gouvernement a demandé aux partenaires sociaux de négocier une nouvelle convention d'assurance chômage. Refusant que de "nouvelles économies" soient faites "cette-fois sur le dos des chômeurs", la CGT souhaite envisager la question d'une sécurité sociale professionnelle, pour pallier un dysfonctionnement de l'assurance chômage, explique Denis Gravouil, membre de la commission exécutive confédérale. "Le taux d'indemnisé est de seulement 42,8 % selon les chiffres de l'Unédic, ce taux n'a jamais été aussi bas !". Refusant également toute réduction de la prise en charge, l'Unsa propose de mettre l'accent sur l'accompagnement des chômeurs, en particulier ceux de longue durée. Eric Beynel, délégué général de Sud Solidaires, est plus résigné. "Nous continuons à penser que meilleure sera l'indemnisation du chômage, meilleurs seront les salaires, car on aura des contrats de meilleure qualité. Mais on sait très bien que même si le gouvernement taxe les contrats courts, il compensera côté indemnisation. Les équilibres généraux financiers des entreprises ne seront pas bouleversés".

D'autres réclament des diagnostics avant de se prononcer sur le fond des mesures envisagées. Tel est le cas de la CFTC. "Il faut un diagnostic sur les dérives qui soit partagé par tous, estime le président de la CFTC, Philippe Louis. Il faut analyser le recours aux contrats courts entreprise par entreprise au sein des branches professionnelles et débusquer celles qui en ont fait leur politique RH". La CFE-CGC partage ce constat. "Nous avons besoin d'une phase de diagnostic sur les freins à l'embauche, affirme François Hommeril. Malheureusement le gouvernement a décidé d'aborder le sujet uniquement sous l'angle du montant des allocations." D'autre part, le chef de file de la CFE-CGC dénonce comme "discriminatoire" la proposition de dégressivité des allocations pour les cadres évoquée par le gouvernement. "Il s'agit d'une offensive populiste. 42 % des ressources de l'assurance chômage proviennent des cotisations des cadres, alors que seulement 15 % des dépenses vont à ce même public. Il est inadmissible que des personnes apparemment peu au fait du dossier proposent de rendre dégressives les allocations des cadres, alors que 27 % de leurs cotisations vont à la solidarité intercatégorielle !"

La CFDT, de son côté, s'opposera à toute remise en cause du régime assurantiel, comme le propose le Medef (lire ci-dessous). "Il faut continuer à faire vivre une indemnisation liée aux revenus qu'on perçoit pendant sa carrière", soutient Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. Il rejoint la nécessité d'un diagnostic préalable. "Regardons où sont les points d'amélioration et nous verrons cela dans la négociation, si elle s'ouvre

Pascal Pavageau, le secrétaire général de Force ouvrière, fera des préconisations lors de cette phase de diagnostic, notamment sur le bonus-malus. "Nous restons cohérents puisque nous portons cette revendication depuis des années". Passée la phase de diagnostic préalable, FO souhaite que la négociation qui pourrait s'ouvrir se fasse sur des bases souples. "Nous avons demandé au gouvernement de ne pas faire une lettre de cadrage, mais un document d'orientation". Par ailleurs, FO souhaite que la décision d'engager ou non des négociations soit une décision collective de l'ensemble des partenaires sociaux. FO a toutefois prévenu le gouvernement que les discussions s'annonceraient très difficiles si d'aventure il leur était demandé dans le document de cadrage de revenir sur le caractère assurantiel de l'assurance chômage.

  • Côté patronal

Les deux organisations professionnelles, Medef et CPME, souhaitent des négociations les plus ouvertes possibles.

Le Medef souhaite, à l'occasion de cette nouvelle négociation, une remise à plat totale du système d'assurance chômage. Hubert Mongon, président de la commission "Relations du travail - Emploi" au sein du Medef pointe trois sujets de préoccupation : "la difficulté pour les entreprises à trouver les compétences dont elles ont besoin, la problématique financière de l'assurance chômage - qu'il s'agisse du déficit structurel ou des aléas conjoncturels - et le passage d'un système assurantiel à un financement universel via la CSG. Si on additionne ces trois sujets, il est urgent de remettre tout à plat sans aucun sujet tabou. Il faut faire évoluer les règles pour inciter plus efficacement au retour à l'emploi. Nous souhaitons ouvrir une réflexion sur l'idée d'un socle de droits universels qui intégrerait l'ASS, les minimas sociaux, la prime d'activité et un régime assurantiel complémentaire financé par les contributions des entreprises".

S'agissant des contrats courts, le Medef n'est pas favorable à un bonus-malus, rejetant "une vision punitive de l'économie". Ils souhaitent d'ailleurs élargir le débat sur les contrats courts, ce que permet, selon Hubert Mongon, le nouvel article L.5422-12 du code du travail issu de la loi Avenir professionnel. Cette disposition permet de majorer ou de minorer les contributions dues par les employeurs en fonction de cinq critères (nombre de fins de contrat de travail, nature, durée ou motif du contrat de travail, âge du salarié, taille de l'entreprise et secteur d'activité de l'entreprise).

La CPME rejoint elle la revendication de FO sur le document de cadrage. "Nous avons proposé qu'il soit le plus large et le plus équilibré possible afin qu'il ne rende pas la négociation impossible", explique Jean-Michel Pottier, vice-président en charge du social.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Indemnités maladie : recentrer le débat sur les causes des arrêts
  • Côté syndical

La négociation sur l'indemnisation des arrêts maladie "inquiète" la CGT, reconnaît Jérôme Vivenza, membre de la commission exécutive confédérale. "Le problème est abordé sous l'angle du budget, et non sous son aspect de santé. Or, la multiplication des arrêts maladie de courte durée est une alerte, d'une part en termes de risques psychosociaux (RPS), d'autre part en ce qu'ils annoncent souvent une crise sociale dans l'entreprise. Nous comptons bien recentrer ce débat sur le lien entre les arrêts maladie et le travail". La CFE-CGC alerte également sur les RPS : "si les gens s'arrêtent davantage, ce n'est pas parce qu'il y a davantage de rhumes ou de grippes ! Les organisations stressantes transfèrent les pressions économiques de l'entreprise sur les travailleurs. Le chantier de l'indemnité maladie doit être mis en lien avec celui des conditions de travail". Même son de cloche pour la CFTC, qui souhaite aussi mettre sur la table le sujet de la qualité de vie au travail lors de la négociation interprofessionnelle à venir. "Il s'agit moins de se préoccuper de la charge financière des indemnités journalières que de la manière de limiter les arrêts maladie par la prévention" estime-t-on à la confédération.

Certaines organisations dont Sud Solidaires attirent également l'attention du gouvernement sur une autre problématique : "L'évolution des arrêts maladie concerne majoritairement des salariés de plus de 60 ans, note Eric Beynel. Selon nous, le lien avec les réformes des retraites est évident ; l'espérance de vie en bonne santé se réduit avec l'allongement de la durée du travail". Le secrétaire général de l'Unsa Luc Bérille pointe également le vieillissement de la population et les RPS, mais également les troubles musculosquelettiques (TMS), à l'origine de nombreux arrêts de travail.

Pour Pascal Pavageau de FO, la question de l'augmentation des arrêts de travail pourrait être résolue très simplement. Et il en a d'ailleurs fait part au Premier ministre : "Fixez la retraite à 60 ans et à 37 annuités et demi !". Il souligne le fait que les arrêts de travail ont augmenté à partir de 2014, soit quelques années après la réforme des retraites de 2010. C'est bien pour cela que Pascal Pavageau a souhaité aborder la réforme des retraites lors de cette rencontre même si elle n'était pas au programme.

Laurent Berger souhaite, lui, discuter de la qualité de vie au travail "mais pas dans une logique de sanction et de culpabilisation des travailleurs". "Il faut une vraie négociation sur la qualité de vie au travail et que les questions d'organisation et de conditions de travail soient négociées". Il soutient par ailleurs l'idée de réaliser au préalable un diagnostic afin de connaitre "les multiples causes de cette augmentation des arrêts de travail".

  • Côté patronal

Cet été, les entreprises avaient levé le bouclier lorsque l'idée de faire davantage participer financièrement les entreprises à l'indemnisation des arrêts maladie a circulé. Les organisations patronales ont réitéré leur message. "Nous avons souligné que les entreprises faisaient déjà preuve de responsabilité en versant des compléments de salaire, explique Jean-Michel Pottier (CPME). Nous demandons, dans un premier temps, un diagnostic précis afin de comparer ce qui se fait dans le secteur public, le secteur privé et pour les travailleurs indépendants. Il existe des différences notables qui vont du simple au double. Il faut par ailleurs responsabiliser tous les acteurs et pas seulement les entreprises. Nous soutenons également une unification des jours de carence, mesure qui serait d’ordre public".

Hors de question aussi pour le Medef d'envisager une réforme des indemnités journalières sous le seul angle d'un transfert budgétaire. Pour l'organisation patronale, il y a trois paramètres qu'il faut passer à la loupe : le comportement des prescripteurs, celui des salariés et le rôle que jouent les conditions de travail sur les arrêts maladie. Le Medef souhaite que ce thème soit mieux documenté avant d'entrer dans le vif du sujet.

Inciter à la prévention en matière de santé au travail
  • Côté syndical

Les conclusions du rapport Lecocq, axées sur l'amélioration de l'accompagnement des entreprises sur les questions de prévention, devraient servir de base aux négociations sur la santé au travail. "Nous avons fait remarquer au gouvernement qu'il est contradictoire de vouloir mettre la prévention en avant, après avoir supprimé le CHSCT ! s'agace Eric Beynel. Le rapport Lecocq propose essentiellement de mieux accompagner les entreprises en réduisant les contrôles et sanctions. Or, sans contrainte sur les entreprises, on ne peut pas avancer sur une meilleure prévention". De son côté, la CGT "a décidé de prendre les choses à l'offensive", explique Jérôme Vivenza. "Le rapport Lecocq est loin d'être vide de contenu. La fusion des organismes de prévention et la création d'une structure nationale publique remet l'Etat stratège. Nous souhaitons réinsérer de la démocratie dans le travail. Les salariés sont les plus grands experts de leur travail, eux seuls peuvent construire un système qui respecte leur santé." La confédération se rendra aux négociations avec, en poche, les problématiques de terrain recueillies auprès de professionnels de la prévention de l'Anact, la Carsat ou encore l'INRS. La CFE-CGC préfererait, elle, une réforme élaborée par les partenaires sociaux du Coct, "qui ne seront pas les jouets des rapports de force". Luc Bérille (Unsa) propose quant à lui de "travailler à la racine du risque, par la mise en place d'une négociation sur la prévention et les conditions de travail dans les entreprises et les branches."

FO, de son côté, se dit satisfaite de l'ouverture d'une négociation sur la santé au travail qu'elle demandait depuis le mois de mai. "Il y aura des éléments de négociation issus du rapport Lecocq mais pas seulement". Le rapport Frimat mais aussi la question de la médecine du travail pourrait être mises sur la table par FO.

Si la CFTC est plutôt favorable à la réforme proposée par le rapport Lecocq, elle soulève deux points de vigilance. D'une part, la question du financement et du regroupement des deux cotisations (SST et ATMP) et, d'autre part, le sort des emplois. Y-a-t-il une volonté de faire des économies sur les fonctions support et sur les emplois liés à la pr��vention ? se demande-t-on à la confédération. Cette dernière sera en tous cas vigilante à ce que les services proposés aux entreprises et aux salariés restent de même qualité. La CFTC exprime par ailleurs deux bémols sur le rapport. Le premier concerne les médecins du travail qui passeront sous une tutelle régionale. "Le risque est que des médecins du travail décident de partir à la retraite plus tôt pour y échapper". Le second regret : les travailleurs indépendants passent sous les radars du rapport.

  • Côté patronal

La CPME met en garde contre la tentation de vouloir "lisser la prévention et la réparation, ce qui peut être source de confusion". "Nous ne croyons pas à la prévention avec un képi, un sifflet et un carnet à souche. Avec un organisme unique, il y a un risque de confusion des genres", prévient-il. La confédération des PME porte par ailleurs une revendication : "que les excédents du régime soient affectés à une baisse des cotisations patronales plutôt que de renflouer la sécurité sociale".

Au Medef, on partage le constat du rapport Lecocq sur le caractère insuffisant du système actuel. "Le compte n'y est pas pour les entreprises. La multiplicité des acteurs, le déficit de pilotage par l'Etat est une réalité qui nuit à tout le monde". Avenue Bosquet, on pointe toutefois l'insuffisance de s'attaquer au problème uniquement par le prisme de l'organisation des acteurs compétents et non en s'interrogeant plus globalement sur la politique de prévention en matière de santé au travail. Au Medef, on met sur le haut de la pile le sujet de la prévention des risques professionnels. "Nous avons bataillé pour que cette question soit au coeur de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion AT-MP". Avant de se poser la question d'une négociation interprofessionnelle, "il faut d'abord dresser un constat partagé et prendre les sujet sous l'angle de l'amélioration du service rendu aux entreprises et aux salariés. Modifier la gouvernance ne suffira pas".

 

(*) Ont été reçus successivement à Matignon : Philippe Martinez (secrétaire général de la CGT), Philippe Louis (président de la CFTC), Pascal Pavageau (secrétaire général de FO), Geoffroy Roux de Bézieux (président du Medef), François Hommeril (président de la CFE-CGC), Alain Griset (président de l'U2P), François Asselin (président de la CPME), Eric Beynel (délégué général de Sud Solidaires), Laurent Berger (secrétaire général de la CFDT), Hugues Vidor (président de l'Udes), Luc Bérille (secrétaire général de l'Unsa) et Jean-Yves Mirski (président de la Fesac).

 

 

Laurie Mahé Desportes et Florence Mehrez
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