Autisme : la HAS s'attaque au diagnostic de l'enfant et à l'accompagnement de l'adulte

Autisme : la HAS s'attaque au diagnostic de l'enfant et à l'accompagnement de l'adulte

19.02.2018

Action sociale

La Haute autorité de santé publie deux séries de recommandations de bonne pratique sur l'autisme. La première concerne le repérage, le diagnostic et l'évaluation chez l'enfant et l'adolescent. La seconde porte sur les interventions et les parcours de vie de l'adulte. Ces textes sortent alors que se prépare le nouveau plan autisme.

Dans quelques semaines, un nouveau plan autisme doit être rendu public. Il pourrait insister, entre autres, sur deux points faibles du dispositif français : le dépistage précoce et l'accompagnement des adultes dans tous les pans de leur vie. C'est justement sur ces deux plans que la Haute autorité de santé vient de se positionner en publiant deux séries de recommandations de bonne pratique [1].

Trois lignes de professionnels...

Le premier document est intitulé : "Troubles du spectre de l'autisme : signes d'alerte, repérage, diagnostic et évaluation chez l'enfant et l'adolescent". Les professionnels à qui ces recommandations sont destinées, sont soit en première ligne (petite enfance, Education nationale, médecins libéraux), soit en seconde ligne (professionnels des centres médico-psychologiques - CMP -, des centres médico-psycho-pédagogiques - CMPP - ou encore des centres d'action médico-sociale précoce - CAMSP). En bout de chaîne, en troisième ligne, on trouve essentiellement les centres ressources autisme, mobilisés pour des avis très pointus.

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

Découvrir tous les contenus liés
... et trois grands objectifs

Les objectifs de ces recommandations sont triples : "poursuivre la réduction observée de l'âge moyen au diagnostic ; améliorer le parcours diagnostique, notamment réduire les délais d'obtention d'un diagnostic ; articuler dans les délais les plus courts diagnostic et projet personnalisé d'interventions précoces".

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

Je télécharge gratuitement
Obstacles pour un diagnostic précoce

Le diagnostic précoce, souhaitable pour enclencher des interventions très rapidement, ne va pas toujours de soi. En effet, l'autisme peut être confondu avec différents troubles pouvant altérer la communication sociale et les interactions d'une façon similaire, notamment les troubles de l'audition, de la vision, du langage ou du développement moteur. L'autisme, s'il est de faible intensité et n'est pas associé à une déficience intellectuelle, peut passer inaperçu jusqu'à ce que les exigences sociales soient plus importantes, par exemple à l'entrée à l'école. Voilà pourquoi la détection de l'autisme suppose la collaboration de plusieurs professionnels spécialisés.

Ne pas négliger l'inquiétude des parents

Le document insiste sur l'importance à accorder à l'inquiétude des parents devant le retard de leur enfant. Cela doit être considéré comme "un signe d'alerte majeure", est-il expliqué. Certains indices précoces peuvent être décelés, comme des délais excessifs d'endormissement, le refus de textures ou d'aliments nouveaux, les crises de colère inexpliquées ou bien le refus d'être pris dans les bras. Vers 18 mois, d'autres signes peuvent être éclairants comme les difficultés dans la relation avec les parents, la non-réactivité à son prénom ou encore l'absence de sourire partagé, etc. Attention, prévient la HAS, "aucun de ces signes pris de façon isolée n'a de valeur prédictive, mais l'association d'au moins deux signes nécessite un examen clinique approfondi". Le document détaille l'ensemble des étapes qui doivent être suivies pour un diagnostic solide.

Autisme au féminin

Il insiste sur la vigilance à avoir vis-à-vis des filles. "Certaines filles pourraient être repérées plus tardivement et moins souvent que les garçons en raison d'une présentation clinique ne coïncidant que partiellement avec celle des garçons". Les relations sociales sont moins altérées chez elles et elles ont moins de comportements répétitifs.

Accompagnement des parents

Les recommandations de la HAS sont très précises sur l'attention à accorder aux parents, notamment lors de l'annonce du diagnostic qui "doit s'accompagner d'une information précise sur les potentialités et difficultés de leur enfant". L'accompagnement ne peut se limiter au temps de l'annonce : il doit notamment se poursuivre lors des démarches des parents pour l'élaboration du projet d'interventions personnalisé.

La formation des professionnels et le travail en réseau constituent des points clés des recommandations : "la mise en place d'un réseau structuré et d'une formation des professionnels de première ligne apparaît comme un préalable à la réduction des délais d'accès au diagnostic", conclut la HAS.

Peut-être 600 000 adultes autistes

La seconde série de recommandations concerne les "interventions et [le] parcours de vie de l'adulte". L'ensemble des personnes atteintes d'un trouble du spectre de l'autisme (TSA) sont concernées par ce document qu'elles soient seules ou accompagnées par une personne de confiance, une personne habilitée ou par une personne exerçant une mesure de protection juridique. Le nombre exact d'adultes autistes n'est pas connu, certains avançant le chiffre de 600 000.

Les interventions détaillées dans ce document visent à donner corps aux droits reconnus à tous, mais qui ne sont pas toujours évidents à mettre en oeuvre : le droit à la non-discrimination, à la dignité et à l'intimité, le droit à une vie personnelle et familiale, la liberté d'aller et venir, le droit à l'exercice de ses droits civiques, etc.

Privilégier le milieu ordinaire

Au nom de l'objectif d'inclusion sociale, la vie en milieu ordinaire doit être privilégiée, estime la HAS. Mais cet objectif se heurte à une cruelle réalité : l'insuffisante offre d'accompagnement des personnes autistes vivant à domicile. L'accueil en établissement, quand c'est le souhait de la personne ou quand il n'y a pas le choix, est rendu difficile par la pénurie de places : moins de 7 000 en 2014. En vertu de l'amendement Creton, un millier d'adultes continuent à vivre dans des foyers pour adolescents...

Nécessaire accord de l'adulte

L'accompagnement doit être vraiment centré sur la personne concernée. C'est elle qui définit le rôle que doivent jouer les proches et les limites de leur intervention. "L'accord de l'adulte autiste doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer pour toutes décisions le concernant", affirme le document. Le refus de la personne par rapport à telle ou telle intervention doit être accepté par les professionnels qui doivent "analyser les causes du refus pour y apporter des réponses adaptées".

Comment communiquer ?

Le document de la HAS examine l'ensemble des domaines de la vie quotidienne de l'adulte autiste en essayant de montrer le positionnement souhaitable des professionnels. Sur la communication, on notera qu'il peut y avoir une dissymétrie entre la communication réceptive et la communication expressive : "une personne autiste qui s'exprime très bien oralement peut avoir une très mauvaise compréhension du langage oral, et réciproquement." Pour les adultes qui ne s'expriment pas, la HAS recommande de fournir des outils d'aide à la communication, comme par exemple un emploi du temps affiché sur un mur. Ce travail de communication suppose de laisser du temps à la personne pour s'approprier une information. Si elle n'est pas comprise, il ne sert à rien de la répéter : il faut la formuler autrement.

Pas de tabou sur la sexualité, mais de la vigilance

Tout un chapitre concerne la vie affective et la sexualité. Il est indiqué que cela ne doit pas être un sujet tabou. L'intervention des professionnels peut se faire via des ateliers à condition que la personne soit volontaire. "Ces temps, explique la HAS, mis en place à l'aide de différents supports (pictogrammes, vidéos, poupées sexuées, etc.), permettent de répondre aux attentes de la personne, de mettre du sens sur la sexualité, et favorisent la relation et l'expression de ses émotions". L'un des objectifs de cette éducation sexuelle vise à "apprendre à l'adulte autiste à se protéger contre des comportements abusifs et à ne pas avoir de comportements abusifs socialement inadaptés ou répréhensibles".

Quand l'adulte vieillit...

D'autres questions sont examinées, comme la formation professionnelle et l'emploi, l'accès aux loisirs et à la culture, les parcours de santé. Tout un chapitre est consacré à la prévention et à la gestion des comportements-problèmes et un autre à la question du vieillissement. On y préconise notamment de "reconsidérer le projet de service ou d'établissement et la formation du personnel au regard du vieillissement du public accueilli afin de redonner du sens et des objectifs positifs à l'accompagnement personnalisé et introduire les pratiques recommandées pour toute personne âgée."

[1] Les recommandations sur les adultes ont été conçues avec l'Anesm qui, rappelons-le, sera absorbée par la HAS, à compter du 1er avril 2018.

Noël Bouttier
Vous aimerez aussi

Nos engagements