Autisme : une priorité clairement donnée à l'inclusion scolaire et sociale

Autisme : une priorité clairement donnée à l'inclusion scolaire et sociale

09.04.2018

Action sociale

Le gouvernement a présenté le 6 avril sa "stratégie autisme" dont le maître mot est l'inclusion en milieu ordinaire, à l'école et dans la société. Exit les annonces de créations de places en ESMS, l'intervention médico-sociale se devant désormais d'être au service du virage inclusif réclamé par les familles. 344 millions d'euros sont prévus sur la période 2018-2022.

On attendait un "4e plan autisme", on aura une "stratégie nationale autisme". Un terme sans doute plus moderne aux yeux d'un gouvernement soucieux d'apparaître en rupture avec l'ancien monde. Sur le fond, cette nouvelle stratégie apparaît ambitieuse, tant l'exécutif cherche à l'ériger en fer de lance d'une politique inclusive qui irrigue désormais toutes les réformes sur le handicap. Une volonté ostensiblement affichée de bannir le terme de "places", de sortir des "réponses enfermantes" - produits de notre histoire (qui ne seraient pas la norme à l'étranger) - et de composer avec des solutions "plus agiles".

Un choix qui, s'il est aujourd'hui fortement assumé, avait néanmoins été amorcé à la fin du quinquennat Hollande-Neuville sous le concept de "transformation de l'offre médico-sociale" (avec des dispositifs comme une "Réponse accompagnée pour tous").

Sur la question des moyens, il n'est pas sûr que les 344 millions d'euros (M€) annoncés permettront de porter totalement ce virage inclusif, ni que la volonté politique portée au plus haut niveau de l'Etat suffira à bousculer des organisations administratives encore très cloisonnées (sanitaire, médico-social et Education nationale).

Faire tomber les murs

"Ma volonté, c'est d'ouvrir les murs des instituts pour construire une société où chacun a sa place. Nous devons passer d'une logique de protection qui isole à une logique d'inclusion qui accueille" : en ces quelques mots, le président de la République, Emmanuel Macron, en déplacement jeudi 5 avril dans un hôpital à Rouen sur le thème de l'autisme, a résumé la philosophie qui a servi de colonne vertébrale à l'élaboration du plan présenté le lendemain par son Premier ministre, Edouard Philippe, et les membres du gouvernement concernés (solidarités, handicap, Education nationale, enseignement supérieur), neuf mois après en avoir lancé la concertation à l'Elysée.

En effet, si l'essentiel des crédits du 3e plan autisme (2013-2017) était centré sur le développement de places en établissement ou service médico-social (ESMS), ce 4e plan cherche à mettre l'intervention médico-sociale au service de l'inclusion scolaire et sociale (citoyenneté, emploi, logement, etc.), en toute cohérence avec les recommandations de l'Igas qui, dans son rapport de mai 2017, tirant les enseignements du 3e plan autisme, préconisait une distribution des moyens non exclusivement réservée au médico-social et l'implication renforcée d'interlocuteurs aussi déterminants que les professions de santé concernées (pédiatres, orthophonistes, psychologues, etc.) [1].

Le gouvernement prévoit une enveloppe nouvelle de 344 millions d’euros pour mettre en oeuvre cette stratégie autisme (2018-2022), auxquels il ajoute les 53 millions d’euros de crédits 2018 issus du 3e plan autisme qui doivent servir à financer 1 500 places en établissements et services médico-sociaux restant à ouvrir (entre 2018 et 2020), soit un total de 397 M€. Rappelons que le précédent plan autisme prévoyait une enveloppe de 205 M€ (dont 185 M€ pour les créations de places en ESMS).

Les nouveaux crédits serviront à financer les cinq grands engagements du gouvernement en faveur de l'autisme.

Action sociale

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1) Intervention précoce auprès des enfants : 106 M€

L'un des engagements principal de ce plan : organiser un parcours de soins coordonné et fluide pour les 0-4 ans et créer un "forfait intervention précoce" finançant le recours aux professionnels libéraux labellisés.

L'ambition du gouvernement est de revoir toute l’organisation du système pour assurer une prise en charge extrêmement précoce des enfants présentant des troubles du neuro-développement. Les structures et personnes qui accueillent les jeunes enfants (crèches, assistantes maternelles, écoles), les PMI, les médecins généralistes et les pédiatres seront formés et mobilisés pour assurer un repérage précoce.

→ En cas de confirmation des signaux d'alerte, les médecins de 1ère ligne (généralistes, pédiatres, médecins de PMI) devront adresser l’enfant à des professionnels de 2e ligne spécialisés sur les troubles du neuro-développement.

→ Une plateforme d’intervention et de coordination "autisme-troubles du neuro-développement" de 2e ligne sera mise en place, dès 2019, dans chaque territoire (certaines, gérées par les Camsp, existent déjà). Elle sera chargée d’organiser rapidement les interventions de différents professionnels libéraux (ergothérapeutes, psychomotriciens, bilan neuropsychologique, etc.) sans attendre le diagnostic, selon un parcours de soins remboursé par l’assurance maladie. Ce "forfait intervention précoce", mis en place dès 2019, permettra de réduire le reste à charge des familles, au cours d'une période comprise entre 6 mois et 1 an, qui s'arrêtera une fois le diagnostic posé (ensuite c'est l'orientation classique MDPH qui prendra le relais). Il représentera une enveloppe annuelle de 90 millions au terme de son déploiement.

Le gouvernement veut agir vite : les enfants nés en 2018 devront avoir accès à ce dépistage dès 2019 et pouvoir entrer à l'école maternelle en 2021. "100 % des enfants pourront y prétendre", assure un conseiller ministériel.

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

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2) Rattraper le retard en matière de scolarisation : 103 M€

Pour l'exécutif, l'école est la clé de l’inclusion sociale. Or, seuls 30 % des enfants autistes sont scolarisés en maternelle, en moyenne moins de deux journées par semaine. À l’âge de l’élémentaire, seuls 40 % des enfants autistes sont scolarisés à l’école ordinaire. Pour changer la donne, les mesures sont les suivantes :

  • faciliter la scolarisation à l’école maternelle ordinaire, en faisant intervenir en classe des équipes médico-sociales ou libérales, en soutien aux équipes pédagogiques ;
  • tripler en cinq ans le nombre d’unités d’enseignement maternel autisme (UEMa) afin de scolariser tous les enfants à 3 ans y compris ceux présentant des troubles plus sévères (il existe actuellement 110 UEMa, avec 700 enfants ; demain, il devrait y avoir 2 000 places supplémentaires) ;
  • accélérer le plan de conversion des auxiliaires de vie scolaire (AVS), recrutés en contrat de courte durée, en "accompagnants des élèves en situation de handicap" (AESH), pour permettre des accompagnements plus pérennes et plus professionnels ;
  • augmenter le nombre d’élèves atteint de troubles du spectre de l’autisme (TSA) scolarisés en Unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) en élémentaire, au collège et en lycée professionnel ;
  • redéployer l’offre d’éducation spécialisée au sein de l’école et créer des unités d’enseignement en élémentaire dédiées à la scolarisation de jeunes élèves avec TSA requérant un appui médico-social soutenu.

Pour accompagner cette diversification des modes de scolarisation, il est prévu de former et d'outiller les équipes pédagogiques et les accompagnants : 100 enseignants spécialisés sur l’autisme (1 par département) seront dépêchés en soutien des enseignants.

3) Soutenir la pleine citoyenneté des adultes : 115 M€

Les adultes autistes sont invisibles alors qu’ils représenteraient près de 600 000 personnes, comme le rappelait encore dernièrement la HAS. Faute de diagnostic, les personnes les moins autonomes ne bénéficient pas d’interventions adaptées, beaucoup sont à l’hôpital. Le gouvernement engage donc un plan national de repérage et de diagnostic des adultes en établissements de santé et en établissements médico-sociaux et sociaux. Il veut faire évoluer les unités accueillant des séjours longs en psychiatrie pour réduire les durées de séjour et augmenter les soins ambulatoires : soutenir des interventions d’équipes de secteur / équipes mobiles de psychiatrie à domicile ou en établissement médico-social et développer les soins de réhabilitation psychosociale.

Autre axe d'action : diversifier les solutions de logement inclusif via la création d’un forfait d’habitat inclusif, en ouvrant aux adultes autistes la possibilité de recourir à des colocations dans le parc de logement social (comme prévu dans le projet de loi Elan) et d’accéder au programme "10 000 logements accompagnés". Il est également prévu d'accompagner les personnes selon leurs besoins et les territoires en développant des services d’accompagnement médico-sociaux tels que les Samsah ou les récents "pôles de compétences et de prestations externalisées" (PCPE) qui permettent de solvabiliser les interventions en libéral.

La dernière priorité concerne l'insertion professionnelle, avec un doublement des crédits de l’emploi accompagné et un renforcement des dispositifs "d’Esat hors les murs" pour soutenir la mise en situation professionnelle en milieu ordinaire et l’accès à l’emploi des personnes.

4) Science, recherche et diffusion des connaissances : 14 M€

Le gouvernement veut structurer une communauté de recherche dans le domaine de l'autisme et créer un "écosystème performant" facilitant les interactions pluridisciplinaires (génétique, neuro-imagerie, sciences sociales, etc.) et attirant les jeunes chercheurs. Les objectifs sont les suivants : structuration de la recherche, développement des appels à projet, constitution de bases de données, soutien de l’innovation et diffusion des connaissances via la formation. Des avancées qui "devront remplacer les représentations encore erronées et transformer certaines pratiques obsolètes", indique le dossier de presse.

Rappelons en effet que selon un audit des formations de 2016 deux tiers des formations délivrées par les instituts régionaux en travail social (IRTS) n'étaient pas à jour des connaissances et des recommandations de bonnes pratiques HAS-Anesm de 2012 (qui valorisent les méthodes éducatives et comportementales). Par ailleurs, 50 % des généralistes et 20 % des pédiatres n’ont reçu aucune formation sur les troubles du spectre autistique. C'est pourquoi, le plan prévoit de "rénover les maquettes et référentiels de formation initiale de l’ensemble des professionnels intervenant auprès des personnes autistes" (dans le cadre des 3e cycles pour les professionnels de santé) conformément aux recommandations de la Haute autorité de santé, et de "déployer des programmes de formation continue diffusant les derniers acquis scientifiques".

5) Soutenir les familles et reconnaître leur expertise : 6 M€

Familles et aidants doivent être mieux reconnus et soutenus. Comment ? En renforçant notamment leur pouvoir d’agir par des programmes de "guidance parentale" et d’éducation thérapeutique (intégrés aux projets de service des établissements sanitaires et médico-sociaux), en les associant pleinement aux interventions et aux accompagnements par la mobilisation de leur expertise, en développant la pair-aidance (création de groupes d’entraide mutuelle autisme), et en leur offrant davantage de solutions de répit. Il sera créé une plateforme de répit par département, offrant des solutions temporaires de garde pour les enfants ou d’hébergement pour les adultes autistes, ainsi qu'un site d’information sur les ressources de proximité.

Suivi des engagements

Le suivi de ces cinq engagements incombera à un "délégué interministériel à l’autisme au sein des troubles du neuro-développement", rattaché à la secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, et appuyé d’une équipe dédiée.

 

[1] Précision importante : c'est Claire Compagnon, coauteur du rapport Igas, qui a piloté la concertation menant à cette nouvelle stratégie.

Linda Daovannary
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