Autorisation de travail de plein droit pour les mineurs confiés à l'Ase après seize ans

27.02.2017

Droit public

Selon le juge des référés du Conseil d'État, les mineurs non accompagnés pris en charge par l'aide sociale à l'enfance après l'âge de seize ans doivent bénéficier de plein droit d'une autorisation de travail lorsqu'ils sont admis en formation d'apprentissage.

Dans une ordonnance du 15 février 2017, publiée au recueil Lebon, le juge des référés du Conseil d’État interprète les dispositions des articles L. 5221-5 du code du travail combinées à celles de l’article L. 313-15 du Ceseda comme impliquant la délivrance de plein droit d’une autorisation de travail au mineur isolé étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance (Ase) après l’âge de seize ans et qui, de ce fait, doit être regardé comme étant autorisé à séjourner en France avant l’âge de dix-huit ans, sous réserve de la présentation d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée.
 
Le juge souligne également que les restrictions prévues à l’article R. 5221-22 du code du travail concernant la situation de l’emploi ne peuvent pas lui être opposées. Tout refus est alors constitutif d’une atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant et à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.
Remarque : l’affaire concernait un jeune garçon qui avait été admis dans un centre de formation des apprentis et avait conclu un contrat d’apprentissage validé temporairement dans l’attente d’une autorisation de travail. Sollicitée en urgence, l’autorisation de travail lui avait été refusée au motif qu’il ne disposait pas de titre de séjour.
Illégalité du refus de délivrance d’une autorisation de travail
Après avoir jugé la condition d’urgence remplie au motif que l’impossibilité de débuter l’apprentissage reportait d’une année le début de la formation envisagée et que le jeune homme avait été suffisamment diligent pour ne pas être regardé comme ayant contribué à cette situation, le juge des référés du Conseil d’État estime que la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) a commis une erreur de droit en imposant à l'intéressé de se rapprocher de la préfecture pour obtenir préalablement un titre de séjour.
 
En effet, pour le juge, du seul fait de sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, en application d’une ordonnance de protection judiciaire, le mineur qui répond aux conditions de l’article L. 313-15 (justifie suivre depuis au moins six mois une formation, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion), doit être regardé comme étant autorisé à séjourner sur le territoire français, au sens du second alinéa de l’article L. 5221-5 du code du travail, lequel dispose que « l’autorisation de travail est accordée de droit à l’étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée ».
Remarque : en l'espèce, la décision de la Direccte s’appuyait sur le fait qu’aucune disposition du Ceseda n’impose formellement la délivrance d’une autorisation de travail à un mineur pris en charge par l’ASE après l’âge de seize ans. Il y a sur ce point une lacune du droit. En effet, un mineur âgé de seize à dix-huit ans souhaitant exercer une activité professionnelle reçoit de plein droit, en fonction de sa situation, une carte de séjour mention « vie privée et familiale », une carte « compétences et talents » passeport « talent famille » depuis la réforme du 7 mars 2016 ou une carte de résident, chacun de ces titres étant constitutif d’une autorisation de travail (C. étrangers, art. L. 311-3). S'agissant des mineurs isolés, il est nécessaire que l’intéressé ait été confié à l’Ase, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, pour qu’il puisse bénéficier d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » (C. étrangers, art. L. 313-11, 2° bis). S’il a été pris en charge après l’âge de seize ans, il peut seulement bénéficier d’une admission exceptionnelle au séjour à sa majorité, mécanisme relevant du pouvoir discrétionnaire du préfet, sous réserve qu’il démontre « suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle » (C. étrangers, art. L. 313-15).
Le juge en déduit que l’autorisation de travail doit être d��livrée de plein droit lorsqu’elle a pour support un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation.
Remarque : cette décision fait écho à un avis du Défenseur des droits du 7 février 2017 (Défenseur des droits, avis n° 17-03, 7 févr. 2017) qui recommande notamment une clarification des dispositions relatives à la délivrance des autorisations de travail pour mettre fin « aux interprétations problématiques des préfectures ». En effet, le manque de cohérence entre les différentes dispositions applicables rend la situation de ces mineurs bien incertaine.
Une atteinte grave à l’exigence d’égal accès à l’instruction et à l’intérêt supérieur de l’enfant
Pour le Conseil d’État, outre qu’elle est manifestement illégale, la décision de la Direccte porte également une atteinte grave à une « liberté fondamentale », au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, en méconnaissant l’intérêt supérieur de l’enfant et « l’exigence constitutionnelle de l’égal accès à l’instruction ».
 
D’abord parce que le mineur se voit dans l’impossibilité de poursuivre une formation dans laquelle il a été admis régulièrement, impliquant le report à l’année suivante alors qu’il entrera dans la majorité.
Remarque : il faut préciser ici que l’admission exceptionnelle au séjour prévue à l’article L 313-15 du Ceseda subordonne la délivrance d’une carte de séjour à la circonstance que le jeune suive, à la date de sa demande, une « formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle », ce qui suppose donc que cette formation ait été débutée avant sa majorité, et implique dans la plupart des cas qu’une autorisation de travail ait ét�� délivrée durant la minorité, sauf à ce que la qualification professionnelle dont il est fait état soit exclusive des contrats d’apprentissage ou de professionnalisation qui sont, du reste, les principaux supports de formation professionnelle.
La décision de la Direccte le prive donc d’accéder à des études professionnelles ouvertes à tous.
 
Et, pour le Conseil d’État, les mineurs étrangers pris en charge par l’Ase doivent jouir des mêmes droits constitutionnellement garantis que tout autre enfant, indépendamment de leur nationalité et de leur situation juridique. Le refus d’une autorisation de travail dans le cadre d’un projet de formation professionnelle, lequel implique la possession d’une telle autorisation, est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à l’exercice de ce droit.
 
Par voie de conséquence, la décision de la Direccte méconnaissait, de manière manifeste, l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3-1 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant, lequel doit être une considération primordiale « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs ».

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Christophe Pouly, avocat
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