Avis d'inaptitude : quels sont les recours contre le médecin du travail ?

25.10.2017

Gestion du personnel

La possibilité pour un employeur d'introduire une plainte disciplinaire contre un médecin du travail est confirmée par le Conseil d'Etat. Comme pour les autres recours envisageables, l'enjeu est de concilier le principe d'indépendance du médecin avec l'obligation de respecter les règles déontologiques.

L’employeur qui conteste un avis d’(in) aptitude (ou toute autre proposition, conclusion ou indication) émis par le médecin du travail dispose de plusieurs types de recours :

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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- un recours à l’encontre du médecin du travail lui-même par le biais d’une action disciplinaire ou une action en responsabilité civile .

- un recours contre l’avis rendu par le biais d’une action en contestation devant le conseil de prud’hommes.

La difficulté posée par ces recours est de concilier la possibilité de sanctionner le médecin du travail n’ayant pas respecté ses obligations déontologiques ou ayant commis des manquements dans ses missions avec le souci d’éviter que ces recours ou la menace de ces recours entravent l’exercice de la mission du médecin du travail. Etat des lieux de la législation et de la jurisprudence sur ces recours.

Action disciplinaire contre le médecin du travail
La possibilité pour l'employeur d'introduire une action disciplinaire contre le médecin du travail
L’article R. 4126-1 du code de la santé publique organise les conditions dans lesquelles le Conseil de l’ordre des médecins peut engager une action disciplinaire contre un médecin (dont le médecin du travail) et indique la liste des personnes susceptibles de déposer une plainte. Cette liste, introduite par l’adverbe « notamment », ne présente pas un caractère exhaustif et peut donc inclure l'employeur.
Remarque : plus précisément, la plainte est formée devant le conseil national ou départemental de l’ordre et c'est cette instance qui introduira l'action disciplinaire contre le médecin devant la chambre disciplinaire de première instance (C. santé publ., art. R. 4126-1).
C’est ce qu’a confirmé le Conseil d’Etat dans un arrêt du 11 octobre 2017 en précisant que les médecins du travail sont tenus, comme tout médecin, de respecter les obligations déontologiques.
En l’espèce, plusieurs associations de médecine du travail avaient contesté la liste des personnes pouvant porter plainte et avaient demandé au Premier ministre de supprimer l’adverbe « notamment » de l’article R. 4126-1 du code de santé public. Devant le refus de ce dernier, ces associations ont formé un recours devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat admet la faculté pour l’employeur d’introduire une action disciplinaire à l’encontre du médecin du travail mais prend le soin d’encadrer ce recours :
- il faut que l’employeur soit lésé de manière suffisamment directe et certaine par un manquement du médecin du travail à ses obligations déontologiques : il peut s’agir, notamment, de l’interdiction de délivrer un certificat de complaisance prévue à l’article R. 4127-28 du code de santé publique ;
- il appartient au juge judiciaire d’apprécier le respect de ces obligations en tenant compte des conditions dans lesquelles le médecin du travail exerce ses missions et ses prérogatives.
En effet, l'objectif est d’éviter que la menace d'une sanction disciplinaire pour violation des règles de déontologie soit un obstacle à  l’exercice de ses missions et au respect du principe d’indépendance. Ces recours ne doivent pas nuire, par la menace de poursuites disciplinaires, à l’exercice serein des missions dévolues au médecin du travail.
Exemples de sanctions disciplinaires en présence d'avis de complaisance
De plus en plus d’employeurs s’emparent de la possibilité offerte par l’article R. 4126-1 du code de la santé publique d’initier une procédure disciplinaire contre le médecin du travail. Certains ont obtenu gain de cause.
A titre d’exemple, l’employeur qui reproche au médecin du travail d’établir des avis d’inaptitude de complaisance peut saisir le Conseil de l’ordre des médecins d’une plainte et demander l’application d’une sanction disciplinaire.
Ainsi la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins a prononcé un blâme à l’encontre d’un médecin du travail pour manquement à ses obligations déontologiques pour avoir établi un avis d’inaptitude de complaisance. En l’espèce, le médecin avait remis un avis d’inaptitude alors qu’il était conscient de l’irrégularité de cet avis qui avait été rédigé en raison de la menace de suicide du salarié concerné. Il avait admis avoir établi des avis d’inaptitude à partir des seuls dires du salarié, sans analyse précise du poste de travail ni échange préalable avec l’employeur. La décision de l’ordre des médecins a été confirmée (CE, 10 févr. 2016, n°384299).Comme pour tout médecin, la délivrance d’un certificat de complaisance par le médecin du travail est interdite (C. santé publ., art. R. 4127-28).
Ont été également sanctionnés par un avertissement ou un blâme par la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins, les médecins du travail qui n’avaient pas respecté le principe de moralité et de probité en délivrant un certificat médical ou en remettant un rapport reprenant à leur compte les faits relatés par un salarié sans les vérifier (chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, décision du 30 novembre 2016, n°12765)(chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, décision du 8 juin 2016, n°12760).
Action en responsabilité civile du médecin du travail ou du service de santé au travail
La responsabilité civile du médecin du travail (ou du service de santé au travail) peut être engagée par l’employeur en présence d’un avis d’inaptitude irrégulier dès lors que cette irrégularité résulte d’une faute du médecin du travail ou d’une défaillance du service de santé au travail et lui a causé un préjudice. Tel est le cas lorsque :

- le défaut de précision de l’avis d’inaptitude a entraîné l’annulation du licenciement pour inaptitude et le paiement de dommages-intérêts : comme la faute du médecin du travail est pour partie à l’origine du caractère illicite du licenciement, l'employeur a droit au paiement de dommages-intérêts (Cass. civ.1ère, 27 nov., 2013, n°12-25.242) ;

- le service de santé au travail ne réalise pas les visites médicales obligatoires demandées par l’employeur : en effet, l’inexécution par l’employeur des visites médicales obligatoires engage sa responsabilité pénale et donc constitue un préjudice pour celui-ci ; Il est en droit de demander des dommages-intérêts à hauteur du montant de la cotisation annuelle versée au service de santé (Cass. civ. 1ère, 19 déc. 2013, n°12-25056).

Action prud'homale de contestation de l'avis d'(in)aptitude ou des autres mesures émis par le médecin du travail
Les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être contestés par l’employeur ou le salarié devant le conseil de prud’hommes.
Remarque : avant le 1er janvier 2017, c’était l’inspecteur du travail qui était compétent.
Cette contestation doit être effectuée dans les 15 jours de la notification de l’avis d’(in) aptitude ou de la mesure. Le conseil de prud’hommes statue selon la procédure du référé en la forme prévue à l’article L. 1455-12 du code du travail (C. trav., art. L. 4624-7).
Jusqu’à présent, la contestation de l’avis (ou de la mesure) émis par le médecin du travail devant le conseil des prud’hommes ne pouvait porter que sur les éléments de nature médicale de ces décisions et la saisine des juges prud’homaux était limitée à la demande de désignation d’un médecin expert inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel (C. trav., art. L. 4624-7).
Devant les obstacles pratiques et juridiques de cette procédure, l’ordonnance n° 2017-1382 du 22 septembre 2017 a apporté des correctifs.
Remarque : plusieurs conseils de prud’hommes se sont fait l’écho des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la réforme initiée en janvier 2017 : manque de médecins experts, caractère payant de la procédure, interprétation délicate de la notion « éléments de nature médicale », incertitudes juridiques sur l’étendue et la portée de l’expertise... La méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif a même été évoquée pour demander l’annulation de cette procédure. En effet, le Conseil d’Etat a été saisi pour demander le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par un syndicat de salariés portant sur la légalité de la procédure de contestation de l’avis d’(in)aptitude introduite par l’article 102 de la loi du 8 août 2016 (CE, 19 juill. 2017, n°408377). Même si cette demande a été rejetée par le Conseil d’Etat qui a estimé que cette procédure ne méconnaissait pas le droit des salariés à un recours juridictionnel effectif, il n’en demeure pas moins que la mise en oeuvre de cette procédure est inadaptée.
Ces correctifs, qui ne seront applicables qu’après la publication du décret d’application, portent sur les points suivants (C. trav., art. L. 4624-7 mod. par Ord. N°2017-1382, 22 sept. 2017) :

- la contestation ne portera plus sur les seuls éléments médicaux de l’avis d’(in) aptitude ou de la mesure mais sur tous les éléments de l’avis ou la mesure ;

Remarque : plus précisément, la contestation devra porter sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4 » (C. trav., art. L. 4624-7).

- la demande de désignation d’un médecin expert ne sera plus exigée : le conseil de prud’hommes exécutera lui-même la mesure d’instruction en faisant appel, au besoin, au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent qui pourra, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers ;

Remarque : pour faire face à l’absence de médecin-inspecteur du travail dans certaines unités territoriales ou de leur indisponibilité ou en cas de récusation, le projet de décret précise que la formation de référé pourra faire appel à un autre médecin inspecteur du travail que celui territorialement compétent.

- à la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé l'avis ou la mesure contesté pourront être notifiés à un médecin que l’employeur mandate à cet effet : le salarié est informé de cette notification ;

- la décision du conseil de prud’hommes se substituera aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

Remarque : à noter que la procédure demeurera toujours payante. Selon le projet de décret, les sommes correspondant aux frais d'instruction et d'honoraires du médecin devront toujours être consignées à la Caisse des dépôts et consignation. Par ailleurs, c’est le président de la formation de référé qui fixera la rémunération du médecin inspecteur du travail et qui pourra décider que tout ou partie des frais seront à la charge de la partie perdante.
Nathalie Lebreton, Dictionnaire permanent Social
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