Banque : le Tribunal conforte l'organisation des groupes mutualistes français

22.01.2018

Gestion d'entreprise

Le Tribunal applique pour la première fois le règlement instituant le Mécanisme de surveillance unique des banques de la zone euro à un groupe bancaire français. Il livre à cette occasion de nombreuses précisions sur la notion d'organe central et de surveillance consolidée.

Sur le fond de crise politique fortement médiatisée, le groupe Crédit mutuel a donné l’occasion au Tribunal d’apporter des précisions intéressantes sur l’organisation des groupes bancaires mutualistes et coopératifs au regard du droit de l’Union. Les velléités d’indépendance du Crédit mutuel Arkéa, branche du groupe Crédit mutuel regroupant les fédérations bancaires du Crédit mutuel de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif Central, l’ont conduit à entrer en guerre contre la Confédération nationale du Crédit mutuel, son organe central. Si le Crédit mutuel Arkéa a gagné une bataille devant les juridictions françaises en obtenant l’annulation de la décision de son organe central de se transformer en société coopérative (TGI Paris, 5e ch., 1re sect., 19 janv. 2016, n° 15/15961 ; CA Paris, 17 janv. 2018), il en a, en revanche, perdu une devant les juridictions de l’Union. Les deux recours successifs en annulation qu’il a déposés contre les deux décisions successives de la BCE concernant les exigences prudentielles applicables au groupe Crédit mutuel ont été rejetés dans des décisions similaires rendues le 13 décembre 2017.

Le Crédit mutuel Arkéa contestait en effet la décision de la Banque centrale européenne (BCE) de soumettre le groupe Crédit mutuel à une surveillance prudentielle consolidée par l’intermédiaire de la Confédération nationale du Crédit mutuel, prise sur le fondement du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 qui a mis en place le mécanisme de surveillance unique (MSU). Pierre angulaire de l’Union bancaire instituée après la crise des subprimes et des dettes souveraines, ce texte confère à la BCE le pouvoir de surveiller les grands établissements dits « systémiques » de la zone euro sur une base consolidée. C’est dans ce cadre que la BCE a mis en place la surveillance du groupe Crédit mutuel.

Au fond, le Crédit mutuel Arkéa cherchait à voir reconnaître, sur le terrain de la régulation, l’indépendance appelée de ses vœux. Elle remettait pour cela en cause un certain nombre d’éléments qui fondaient la décision de la BCE et sur lesquels le Tribunal apporte des éclairages.

D’abord, le Crédit mutuel Arkéa contestait que la surveillance puisse s’opérer par le biais de la Confédération nationale du Crédit mutuel, au motif principal qu’il ne s’agit pas d’un établissement de crédit. Le Tribunal procède d’abord à une analyse théologique du règlement instituant le MSU : il retient que la première finalité consiste à permettre à la BCE d’appréhender les risques susceptibles d’affecter un établissement de crédit qui ne proviennent pas de celui-ci, mais du groupe auquel il appartient, la seconde finalité vise à éviter un fractionnement de la surveillance prudentielle des entités qui composent lesdits groupes en différentes autorités de surveillance. Il en conclut qu’il n’est pas nécessaire qu’un organe central dispose de la qualité d’établissement de crédit.

Ensuite, le Crédit mutuel Arkéa soutenait que la Confédération nationale du Crédit mutuel ne pouvait être considérée comme à la tête d’un groupe, faute d’existence d’un mécanisme de solidarité entre les établissements. Or le Tribunal juge qu’il existe bien une obligation de transferts de fonds et de liquidité au sein du groupe afin que les obligations à l’égard des créanciers soient remplies. En outre, la Confédération tient les comptes consolidés et est habilitée à représenter le Crédit mutuel auprès des autorités de surveillance. L’établissement remettait aussi en cause l’autorité de la Confédération sur les entités du groupe, mais le Tribunal juge que la loi française leur impose de respecter les instructions, sous peine de sanctions (C. mon. fin., art. L. 511-31).

Le Crédit mutuel Arkéa critiquait enfin la décision de la BCE de requérir des fonds propres supplémentaires que la BCE a justement exigés en raison du risque de sortie de Crédit mutuel Arkéa. Mais le Tribunal juge qu’en raison de la situation particulièrement conflictuelle, la BCE n’avait pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation et que le surcoût en résultant n’était pas disproportionné et ne constituait pas une sanction déguisée.

Myriam Roussille, Professeur agrégée des facultés de Droit, Université du Maine, IRJS-Sorbonne Finance

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