Benoît Hamon : "Je ferai reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle"

Benoît Hamon : "Je ferai reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle"

16.01.2017

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Le candidat à la primaire défend depuis longtemps une meilleure reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail. Lorsqu'il prend exemple sur le modèle suédois ou déclare qu'il n'y a pas de reconnaissance possible en France, ses arguments sont-ils tous exacts ?

"Je ferai reconnaître le syndrome d’épuisement professionnel, dit 'burn out', comme une maladie professionnelle. Grâce à cette mesure, les entreprises seront reconnues responsables de la souffrance au travail de leurs salariés. Elles seront contraintes soit d’en assumer le coût (soins, prévention), soit de modifier en profondeur leurs méthodes de management", promet Benoît Hamon, candidat à la primaire de gauche qui se tiendra les 22 et 29 janvier 2017, sur son site de campagne. Lors du premier débat télévisé, il n'a pas hésité à emprunter un raccourci pour appuyer cette idée, arguant que la reconnaissance comme maladies professionnelles des pathologies psychiques en lien avec le travail n'est pas possible en France.

Un taux d'IPP abaissé à 0%

Le lendemain, vendredi 13 janvier, devant les journalistes de l'Ajis (association des journalistes de l'information sociale), le politique s'est fait plus précis, sur ce sujet qu'il défend depuis plusieurs années : "les pathologies psychiques dues au travail devraient être reconnues beaucoup plus facilement, avec un taux d'IPP (incapacité permanente partielle) abaissé à 0%, et non plus 25% comme c'est le cas actuellement, sur le modèle suédois". Benoît Hamon porte d'ailleurs une proposition de loi déposée il y a presqu'un an à l'Assemblée nationale, voulant la suppression de ce seuil de 25% (voir notre article).

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Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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La voie complémentaire de reconnaissance

La reconnaissance des pathologies psychiques – actuellement déjà possible en France – ne passe pas par la voie des tableaux de maladies professionnelles, puisqu'elles n'y sont pas inscrites, contrairement à d'autres affections telles que les troubles musculosquelettiques ou certains cancers. Les dossiers doivent passer par la voie complémentaire, c'est-à-dire par les CRRMP (comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles), à qui l'assurance-maladie n'est censée transmettre que ceux présentant un taux d'IPP de 25%. Selon la CnamTS, 315 cas de pathologies psychiques en lien avec le travail auraient ainsi été reconnus et pris en charge en 2014, et 394 en 2015, avec un nombre de demandes toujours plus important. En juin 2016, un décret d'application de la loi Rebsamen (voir notre article) a légèrement modifié la loi pour faciliter le cheminement des dossiers d'épuisement professionnel devant les CRRMP (voir notre article).

"Incapacité prévisible"

Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la CnamTS, n'ignore pas qu'il est, pour les pathologies psychiques, "difficile d'avoir une consolidation complète" au moment auquel doit être fixé le taux d'IPP, et tout aussi "difficile de savoir quelle est l'incapacité par rapport au travail sans attendre plusieurs années de recul". "C'est pour ça qu'a été introduite en 2012 la notion d'incapacité prévisible, sur laquelle s'appuient les médecins-conseil, rendant leur avis à partir de projections", explique-t-elle. Ce qui permettrait de renvoyer devant les CRRMP davantage de dossiers concernant des pathologies psychiques imputables au travail. "Et il arrive, in fine, lorsqu'on le réévalue a posteriori, que le taux d'incapacité soit inférieur à 25%. Peut-être d'ailleurs parce que la reconnaissance contribue à la réparation", souligne-t-elle. En 2014, la CnamTS a aussi diffusé une circulaire qui se voulait un document pragmatique à destination des CRRMP pour les accompagner sur ces dossiers (voir notre article).

En Suède

Comment le modèle suédois cité par Benoît Hamon fonctionne-t-il ? La Suède ne dispose pas, contrairement à la France, de tableaux de maladies professionnelles. Elle n'a qu'une voie de reconnaissance au cas par cas, fonctionnant sur le sytème de la preuve : pour que l'origine professionnelle d'une maladie soit reconnue et entraîne une prise en charge, il faut que les motifs sérieux en faveur de la présomption du caractère professionnel de la maladie soit plus nombreux et importants que ceux faisant pencher la balance dans l'autre sens. Selon Eurogip, observatoire de ces questions au niveau international et plus particulièrement européen, 70 cas auraient été ainsi reconnus en Suède en 2011, sur 451 dossiers présentés et pour environ 4,5 millions d'assurés. Le modèle suédois ne permet en revanche que très difficilement de faire reconnaître le caractère professionnel d'un suicide, alors qu'en France, il y a une présomption légale d’origine professionnelle lorsque le travailleur se suicide sur son lieu de travail ou durant son temps de travail.

"Le travail peut coloniser des vies"

Se positionner en "candidat de la société 'post-travail'" et ainsi "repenser le travail tel qu'il est et non tel qu'il fut", est un des points clés de la campagne de Benoît Hamon. Cela alimente nombre de ses autres propositions, à commencer par la création du "revenu universel d'existence", qu'il voit notamment comme "le moyen de pouvoir faire le choix de réduire son temps de travail pour mieux concilier vie privée et vie professionnelle". "Le travail peut coloniser des vies", lance-t-il. "Et quand cela arrive, le travail peut broyer des individus."

Élodie Touret
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