Bordeaux : conflit social dans le troisième plus grand Ehpad de France

Bordeaux : conflit social dans le troisième plus grand Ehpad de France

03.11.2016

Action sociale

Plan de réorganisation, absence de dialogue social, absentéisme, grèves et mises à pied ont marqué les derniers mois de l'Ehpad associatif Terre Nègre, reconnu d'utilité publique, à la Présidence duquel siège le maire de Bordeaux.

Dans le centre de Bordeaux, une partie des salariés du troisième plus grand Ehpad de France, accueillant 400 personnes âgées, est en grève depuis le 27 septembre dernier. Les salariés menacent d’entamer une grève de la faim devant la mairie de Bordeaux à partir de vendredi 4 novembre si aucune solution n’est trouvée d’ici là. L’établissement, Terre Nègre, est un Ehpad privé à but non lucratif et reconnu d'utilité publique depuis 1847. La mairie de Bordeaux siège à la présidence de son conseil d’administration.

Un plan de réorganisation, une absence de dialogue social
A l’origine de la grève, un plan de réorganisation de l’établissement adopté en mars 2016 sans consultation visait notamment à supprimer les roulements horaires des salariés travaillant par tranches de dix heures. Absence de transmission des informations entre équipes, manque de visibilité des soignants sur l’état global des résidents, épuisement des équipes… En décembre 2015, l’intersyndicale CFDT-CGT avait déjà fait grève après avoir alerté des conséquences possibles de cette suppression des roulements. 

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

Découvrir tous les contenus liés
La mairie de Bordeaux « très étonnée » par la grève
Interrogé, le cabinet de l’adjoint d'Alain Juppé en charge des personnes âgées Nicolas Brugère se dit « très étonné » par la survenue de ce conflit au sein de l’Ehpad. L’attachée aux Personnes âgées de l’adjoint au maire Ana Torres va même jusqu’à affirmer ne pas avoir eu connaissance d’un plan de réorganisation avant la mi-octobre. Et ce malgré la grève de décembre 2015, le courrier envoyé alors à la mairie de Bordeaux et le fait que l’adjoint au maire Nicolas Brugère et Ana Torres siègent chaque mois au conseil d’administration de l’établissement. Interrogé, le représentant de l’ARS Nouvelle Aquitaine Olivier Serre explique la situation par « une fragilité du directeur de Terre Nègre en matière de concertation et de partage d’informations. Il semble qu’il n’informait pas régulièrement le conseil d’administration de ce qui se passait réellement au sein de l’établissement ».

Loi santé du 26 janvier 2016

Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes

Je télécharge gratuitement
Arrêts maladie, accidents du travail et mises à pied en cascades
Néanmoins, suite à l’adoption du plan de réorganisation, le CHSCT recensait un record de 143 arrêts maladie et 48 accidents du travail au premier semestre 2016. Un absentéisme aggravé par la décision du directeur de l’établissement de ne pas remplacer les salariés en congé. Six mois plus tard, la directrice des ressources humaines de l’établissement était mise à pied par le directeur, avant d’être lui-même mis en congé forcé rémunéré par l’ARS Nouvelle Aquitaine. 
Un établissement sans pilote pendant une semaine
Face à la grève qui persiste, au tollé médiatique à l’échelle locale et à l’absence de direction pour piloter l’Ehpad, le conseil d’administration de Terre Nègre a demandé à la directrice des ressources humaines de réintégrer l’Ehpad le 26 octobre dernier. Elle a depuis lors reconnu qu’elle n’aurait jamais dû accepter de supprimer les roulements de travail. Quant au directeur de l’établissement, il est en congé depuis le 20 octobre. Aucun remplacement n’est pour l’heure prévu. Un collectif de cadres de soin et de santé de l’établissement s’est joint au mouvement de grève pour dénoncer ses pratiques de harcèlement moral. 
Epuisement des salariés et qualité de service en berne
Quant aux familles des personnes âgées résidentes, elles ont constitué une pétition le 28 septembre dernier contre les conditions de travail des soignants et la qualité de vie des résidents. Karine Sans et Josiane Sagaspe, aide-soignantes et déléguées syndicales CFDT et CGT, évoquent un épuisement des soignants depuis le début de l’année et des exigences de rendement intenables, au détriment de la qualité de service aux résidents. Soit un ratio de trois, parfois deux, aide-soignants pour s’occuper de nourrir et coucher 65 résidents, de 14h40 à 00h40. Et d’évoquer la consigne de coucher les résidents à partir de 14h40 lorsque le manque de personnel se fait trop sentir.
Perspective de positionnement de l’ARS
Interrogé sur la dégradation du service aux personnes âgées induite par les conflits et l’absentéisme, le directeur de la délégation territoriale de la Gironde attachée à l’ARS explique que ses services suivent chaque jour l’évolution de la situation et se positionneront très prochainement. « Si les déclarations de ces délégués syndicaux s’avèrent, nous en tirerons les conclusions et n’hésiterons pas à remettre en cause l’organisation mise en place ». 
Une situation encore bloquée
En attendant, l’ultimatum approche d’une grève de la faim vendredi 4 novembre. Alors que l’attachée aux Personnes âgées de l’adjoint au maire estime qu’un accord est en vue et que les salariés ont quasiment accepté la nouvelle organisation du travail proposée à la concertation, les aide-soignantes et déléguées syndicales Josiane Sagaspe et Karine Sans démentent qu’un terrain d’entente ait été trouvé.
 

Lire aussi notre analyse « Ehpad et personnels sous haute tension » dans tsa magazine de novembre 2016.

Marie Pragout
Vous aimerez aussi

Nos engagements