Bruit : vos bouchons d'oreilles vous protègent-ils vraiment ?

Bruit : vos bouchons d'oreilles vous protègent-ils vraiment ?

04.10.2018

HSE

Le nouveau règlement EPI exige notamment que les protections auditives soient adaptées à tous les utilisateurs, quelle que soit leur morphologie. Entre la valeur d'atténuation affichée sur l'emballage et celle réellement effective pour le travailleur sur le lieu de travail, la différence peut être importante. Comment s'assurer que la protection est correcte ? Quel système "fit-check" choisir ? Le point avec Nicolas Trompette de l'INRS.

Sur la boîte des petits bouchons en mousse fluo, la valeur d’atténuation promise permet de passer largement sous la VLE (valeur limite d’exposition) fixée par le code du travail : 87 dB (A) pour 8 heures. Dans le laboratoire de test, qui a certifié ce lot de PICB (protecteurs individuels contre le bruit), l’atténuation mesurée était aussi bien celle affichée par le fabricant. Mais est-ce toujours le cas dans l’atelier, lorsque le salarié – qui a consciencieusement pioché plusieurs paires de PICB le matin dans le bac placé à l’entrée – réajuste ses protections auditives alors qu’il transpire, qu’il y a de la poussière ? Rien n’est moins sûr ; le niveau de protection réel des PICB est souvent surestimé.

Nouveau règlement EPI

En 2016, le nouveau règlement EPI (équipements de protection individuels) est venu un peu changer la donne. "Pour les utilisateurs, on peut espérer des protections de meilleure qualité, avec des certificats à jour, et des données d’atténuation que l’on espère plus fiables", commente Nicolas Trompette, expert acousticien à l’INRS, à l’occasion d’une conférence donnée le 3 octobre 2018 au salon Préventica de Bordeaux.

 

► Lire aussi : Nouveau règlement EPI : qu’est-ce que ça change ?

 

Le règlement UE 2016/425 a fait changer les protections auditives de catégorie : elles sont passées de la 2 à la 3, qui concerne les risques les plus graves, pouvant laisser des séquelles irréversibles. Cela implique notamment que le fabricant devra se soumettre, à partir d’avril 2019, à un contrôle de production – qui sera sans doute annuel, mais dont les modalités restent à être précisées – ou montrer qu’il a mis en place un système qualité lui permettant de contrôler tout son mode de production.

De plus, d’ici 2023, tous les certificats devront être renouvelés et leur durée de vie sera limitée à 5 ans. "On ne trouvera plus, comme cela arrive aujourd’hui, des PICB avec un certificat datant de 1992", se réjouit Nicolas Trompette.

Plusieurs tailles de bouchons

Le règlement prévoit enfin que les EPI doivent pouvoir s’adapter à n’importe quel utilisateur, quelles que soient sa morphologie et sa taille. Différentes tailles devront donc être proposées pour les bouchons d’oreilles. Un détail qui est loin d’être anodin : selon Nicolas Trompette, si les grandes tailles ne sont nécessaires que pour peu d’utilisateurs, les petites tailles représenteraient 20 à 40 % des utilisateurs.

Un bouchon d’oreille trop grand, c’est un bouchon d’oreille qui ne va pas bien s’insérer dans le conduit auditif, ne va pas être étanche, et ne va donc pas protéger correctement du bruit. En tout cas pas comme il le devrait et comme le promet l’indice d’atténuation indiqué sur la boîte. L’étanchéité et le niveau d’atténuation sont les deux éléments qui doivent être testés lorsqu’on veut vérifier l’efficacité de PICB.

Du laboratoire au travail réel

Dans les laboratoires des fabricants, puis dans ceux des organismes notifiés qui délivrent l’attestation de conformité permettant le marquage CE, la méthode de test utilisée est la méthode dite de "déplacement du seuil d’audition" ou Reat, pour "real ear attenuation at threshold".

Il s'agit d'une méthode subjective : une personne est placée dans un lieu insonorisé et on lui demande dans un premier temps de détecter différents sons, avant de l’équiper de PICB et de lui demander de détecter les mêmes sons. C’est un peu plus complexe que ça, mais, en gros, on peut dire que la différence entre les deux séries permet d’obtenir le niveau d’atténuation.

Problème : "il faut savoir que cette méthode surévalue l’atténuation aux basses fréquences (125 Hz, 250 Hz), cela peut aller jusqu’à une différence de 9 dB", prévient Nicolas Trompette. Un travers inhérent à Reat, notamment dû à un "masquage physiologique amplifié par l’effet d’occlusion".

De plus, dans les laboratoires, les testeurs sont dans des conditions optimales pour bien utiliser les PICB : ils sont encadrés, ils ont l’habitude de placer les bouchons et de faire les tests, ils ont des protecteurs neufs, peuvent choisir la taille, etc. Dans les situations réelles de travail, la donne est souvent bien différente.

Fit-check : Mire

Faisant ce constat, les Anglo-Saxons ont mis au point les évaluations "fit check", pour vérifier que le protecteur auditif, lorsqu’il est inséré, est bien adapté au travailleur, sur le terrain. "Quand le règlement EPI dit que l’équipement doit être adapté à n’importe quel utilisateur, c’est bien cela qu’il faut vérifier, souligne Nicolas Trompette. L’ambition du fit-check, c’est je vais sur le site, je prends quelqu’un qui n’est pas entraîné et qui porte des bouchons d’oreilles, et je mesure l’atténuation qu’il arrive à obtenir."

Plusieurs dispositifs fit-check sont commercialisés par les fabricants de PICB. L’expert acousticien en recommande particulièrement une : Mire (microphone in real ear) ou plus précisément F-Mire (microphone in real ear in the field, sur le terrain). C’est une mesure objective (on ne demande pas à l’opérateur de détecter des signaux sonores) qui consiste à faire la mesure à l’intérieur du conduit auditif.

Un micro miniature est placé dans l’oreille, sur le lieu de travail, et la mesure de décibels est prise. Puis elle est renouvelée, toujours avec le micro en place, mais avec l’oreille bouchée par le PICB que l’on veut tester. La différence entre les deux résultats donne l’atténuation.

Fit-check : vérifier l’étanchéité

"Pour moi, Mire est la méthode la plus fiable", indique Nicolas Trompette. "C’est aussi un système très utile pour choisir la taille du protecteur, ou pour former le travailleur à bien l’utiliser", précise-t-il, ajoutant que l’INRS possède quelques exemplaires qui peuvent être prêtés aux employeurs ou aux services de santé au travail.

Si Mire reste trop compliquée à mettre en œuvre, sa "meilleure alternative" est la simple vérification de l’étanchéité du bouchon : "on le met en place, on injecte une petite pression à l’intérieur du conduit auditif, et on regarde comment cette pression diminue".

Un système fiable et simple à faire, mais qui a un défaut : on ne peut pas chiffrer l’atténuation. On saura donc si le bouchon est bien en place et convient à l’utilisateur, deux points essentiels. Mais on ne saura toujours pas avec certitude si la valeur promise sur notre boîte de mousses fluo permet effectivement de respecter la VLE fixée par le code du travail.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

Découvrir tous les contenus liés
Élodie Touret
Vous aimerez aussi