Ce que l’époque nous dit des enjeux syndicaux

Ce que l’époque nous dit des enjeux syndicaux

22.05.2018

Gestion du personnel

Rémi Bourguignon, Maître de Conférences en Sciences de gestion et responsable pédagogique du master RH et RSE à l'IAE de Paris analyse les enjeux auxquels les organisations syndicales font face : décentralisation de la négociation, concurrence de la démocratie directe, affaiblissement de la démocratie sociale. Un mouvement qui risque de s'accentuer dans les années à venir.

La situation actuelle, socialement agitée, soulève des questions quant à l’avenir du syndicalisme et de la démocratie sociale plus généralement. De fait, les organisations syndicales font face à trois évolutions tendancielles qui les invitent à se repenser :

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Premièrement, la décentralisation des relations sociales qui tendent à s’organiser au plus près du terrain. Bien qu’elles aient finalement concédé à la branche une place qui reste importante, les lois travail El Khomri puis Macron se sont toutes deux inscrites dans cette dynamique. L’entreprise serait appelée à devenir le niveau naturel des relations sociales, à l’image du modèle anglo-saxon. Cette tendance change la donne pour les organisations syndicales puisque le taux de couverture syndicale, soit la part des salariés couverts par un accord collectif – particulièrement élevé en France en comparaison des autres pays de l’OCDE – s’en trouverait mécaniquement affaibli. Surtout cela reviendrait à mettre en concurrence les entreprises "syndiquées" et les entreprises "non-syndiquées". En d’autres termes, l’obtention de droits nouveaux ou de hausses de salaire par la négociation serait limitée par la pression concurrentielle. La montée en puissance de la notion de compétitivité depuis une dizaine d'années est à comprendre de ce point de vue : la négociation syndicale ne vise plus la seule protection des salariés mais doit simultanément prendre en compte les effets de la négociation sur la compétitivité de l’entreprise. Pour les organisations syndicales, c’est un défi organisationnel majeur que pose une telle évolution. Les moyens humains et financiers qui sont aujourd’hui largement alloués aux branches, au paritarisme et à l’action interprofessionnelle doivent être redéployés vers l’action en entreprise, par exemple à la formation des militants syndicaux. La syndicalisation, notamment dans les PME, devient également un enjeu de taille qui suppose la création de nouvelles fonctions, par exemple celle de développeur syndical.

Seconde évolution tendancielle forte, la "mise à l’épreuve" des organisations syndicales. Depuis 2008, elles doivent en effet faire la démonstration, en se présentant aux élections professionnelles dans les entreprises, de leur représentativité. Il faut y voir là un mécanisme incitatif puisque les salariés peuvent désormais sanctionner un syndicat dans lequel une trop faible part des salariés se reconnaît. Mais c’est peut-être le référendum qui en a le mieux rendu compte ces dernières semaines puisqu’il s’agit pour certains employeurs de tester la légitimité des politiques syndicales en consultant directement des salariés. Les débats sur la remise en cause du monopole syndical au premier tour de l’élection professionnelle s���inscrit également dans cette tendance dont on voit qu’elle mobilise largement l’argument démocratique. La démocratie directe n’est-elle pas plus démocratique que la démocratie représentative ? Une élection ouverte n’est-elle pas plus démocratique qu’une élection fermée ? Ces questions se posent comme des pièges pour les organisations syndicales qui peinent à démontrer aujourd’hui leur plus-value démocratique.

Troisièmement, des gouvernements qui n’ont plus besoin des organisations syndicales. La méthode empruntée par Emmanuel Macron pour réformer marque un virage assez net avec les pratiques de ses prédécesseurs, notamment avec les conférences sociales de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Tout se passe comme si les organisations syndicales, aux yeux du président actuel, étaient inutiles en raison d’une trop faible influence sur l’opinion publique. Il ne cherche ainsi pas à trouver avec elles un compromis et si le dialogue est présent, c’est sous la forme de la consultation : le gouvernement recueille les avis mais se garde toute liberté dans les arbitrages. Pour le président de la république, les organisations syndicales ne représentent pas l’intérêt général mais un intérêt particulier, celui de leurs adhérents. Leur action, si elle lui apparait légitime, ne peut prétendre à la co-élaboration les politiques publiques au détriment, laisse-t-il entendre, d’autres intérêts tout aussi légitimes.

Ce triple constat donne à voir l’émergence d’une vision contractualiste qui entre en tension avec les pratiques syndicales françaises. D’aucun y voient d’ailleurs une possible disparition des syndicats s’ils ne s’adaptent pas à cette nouvelle donne. S’il faut considérer avec prudence les conjectures en matière sociale, il est juste de souligner que les organisations syndicales sont invitées à sortir des schémas habituels. La réponse qu’elles ont chacune à trouver ne se réduit pas à un positionnement sur l’échiquier syndical, à un placement de curseur entre contestation et accompagnement des réformes. Les combats entre réformistes et contestataires, tels qu’on les voit à l’œuvre au sein de la CGT depuis trois ans maintenant ou tels qu’on les a vus dans le congrès de FO il y a quelques jours, sont consubstantiels au syndicalisme et devraient structurer les débats pour encore un bon moment. Mais il importe de ne pas y enfermer le débat sur l’avenir du syndicalisme car, on le voit, les évolutions tendancielles à l’œuvre impliquent des transformations organisationnelles lourdes. Un sujet malheureusement encore trop souvent absent des congrès syndicaux.

Rémi Bourguignon
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