Cessation définitive d'activité : comment le propriétaire du terrain peut être responsable de la remise en état du site

05.07.2018

Environnement

Le propriétaire du terrain d'assiette de l'exploitation n'est pas, en cette seule qualité, débiteur de l'obligation de remise en état du site. Il n'en va autrement que si l'acte par lequel le propriétaire a acquis le terrain d'assiette a eu pour effet, en lui transférant l'ensemble des biens et droits se rapportant à l'exploitation concernée, de le substituer, même sans autorisation préfectorale, à l'exploitant.

Une usine de fabrication de fibres synthétiques et artificielles et, à proximité de cette installation, une décharge destinée à accueillir ses déchets ont été exploitées jusqu'en 1990.
 
Plus de vingt ans après, le préfet a mis en demeure la société X de poursuivre la remise en état du site en mettant en place un réseau de surveillance de la qualité des eaux souterraines.
 
Par un jugement du 21 mars 2014, le tribunal administratif a annulé cet arrêté préfectoral. Par un arrêt du 7 avril 2016, la cour administrative d'appel a rejeté l'appel contre le jugement.
 
Le pourvoi contre l'arrêt d'appel a été rejeté par le Conseil d'État dans une décision du 29 juin 2018.
Le propriétaire des anciennes décharges n'était ni le dernier exploitant, ni son ayant droit
Pour mémoire, selon les textes alors en vigueur, l'obligation de remise en état du site prescrite par les articles R. 512-39-1 et suivants du code de l'environnement pèse sur le dernier exploitant ou son ayant droit.
 
Le propriétaire du terrain d'assiette de l'exploitation n'est pas, en cette seule qualité, débiteur de cette obligation (jurisprudence SCI Les peupliers, CE, 21 févr. 1997, n° 160250).
 
Dans sa récente décision, le Conseil d'État vient préciser qu'il n'en va autrement que si l'acte par lequel le propriétaire a acquis le terrain d'assiette a eu pour effet, eu égard à son objet et à sa portée, en lui transférant l'ensemble des biens et droits se rapportant à l'exploitation concernée, de le substituer, même sans autorisation préfectorale, à l'exploitant.
 
Cela n'a pas été le cas en l'espèce.
 
En effet, la cour administrative d'appel a jugé que la société X, qualifiée par l'arrêté préfectoral attaqué de "propriétaire", n'était pas le dernier exploitant de la décharge, ni son ayant droit.
 
De plus, si, par un courrier du 30 novembre 1998, le groupe auquel appartenait la société X avait indiqué au préfet que ladite société X était devenue le propriétaire des anciennes décharges et des servitudes y afférant, la cour a jugé qu'une telle déclaration ne pouvait être regardée comme un acte par lequel le groupe ou l'une de ses sociétés se serait substitué à l'ancien exploitant.
 
Ainsi et précisément, pour le Conseil d'État, la cour a fait une bonne application des règles en la matière en jugeant que la société X n'était pas débitrice de l'obligation de remise en état du site, dès lors qu'elle n'était que le propriétaire des parcelles en cause, qu'aucune autorisation préfectorale de changement d'exploitant n'était intervenu, et que le courrier du 30 novembre 1998 du groupe relatif à l'acquisition des anciennes décharges ne pouvait être regardé comme un acte par lequel le groupe ou l'une de ses sociétés se serait substitué à l'ancien exploitant.
Précision : l'administration ne pouvait en outre -et sans surprise- se prévaloir d'un contrat de vente de droit privé dans cette affaire.
L'arrêté préfectoral attaqué pris au titre de la législation ICPE : pas d'application de la législation déchets
Dans sa décision, le Conseil d'État le rappelle : en l'absence des producteurs ou autres détenteurs connus des déchets déposés sur un site industriel, le propriétaire du terrain, s'il ne peut en cette seule qualité être soumis à des obligations de remise en état au titre de la police des installations classées, peut, le cas échéant, être regardé comme le détenteur des déchets. Il peut alors être assujetti à l'obligation de les éliminer, au titre de la police des déchets, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain ou s'il ne pouvait ignorer, à la date à laquelle il est devenu propriétaire de ce terrain, d'une part, l'existence de ces déchets et, d'autre part, que la personne ayant exercé une activité productrice de déchets ne serait pas ou plus en mesure de satisfaire à ses obligations (v. CE, 26 juill. 2011, n° 328651).
 
C'est dans ces conditions que le propriétaire d'un ancien site industriel peut être tenu d'éliminer les déchets présents sur le site, au titre de la police des déchets.
 
Cependant, en l'espèce, le préfet avait entendu prescrire la poursuite de la remise en état du site en application de la police des installations classées. La cour administrative d'appel n'a donc commis aucune erreur de droit en jugeant que l'obligation de remise en état en cause ne relevait pas de la police des déchets.

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