Changement climatique : accepter l'inévitable et s'adapter

Changement climatique : accepter l'inévitable et s'adapter

22.02.2017

Environnement

"Un jour, s'adapter ne suffira plus. Il faudra apprendre à se transformer", fait remarquer une responsable de l'Ademe. Il y a peu, l'agence distribuait ses deuxièmes trophées de l’adaptation au changement climatique, soulignant la capacité de résilience de certains, mais aussi l'urgence à agir pour ceux qui ferment les yeux.

Réduire ses émissions de gaz à effet de serre pour contribuer à limiter les dégâts est une chose. Avoir conscience que le climat est d’ores et déjà en train de se dérégler et que ce mouvement impacte la vie quotidienne des territoires, de leurs entreprises et de leurs habitants en est une autre. Profitant des Assises européennes de la transition énergétique organisées à Bordeaux du 24 au 26 janvier 2017 pour distribuer ses trophées de l’adaptation "changement climatique et territoires", l’Ademe a souhaité remettre le sujet au goût du jour. Bizarrement, deux ans et demi se sont écoulés depuis la première édition de la cérémonie. Compte tenu de l’emballement de la planète constaté en 2016, ces trophées pourraient bien revenir très vite.

Et moi, suis-je vraiment concerné ? 

"Cela fait trois ans qu’on bat des records de chaleur", rappelle le président de l’Ademe Bruno Léchevin. Conséquences : davantage d’épisodes de canicules, une fonte de la banquise qui modifie le niveau de la mer, un accroissement des phénomènes climatiques violents… Voilà pour les généralités que tout le monde connaît. Difficile en revanche de répondre à la question essentielle pour s’adapter : et moi, suis-je vraiment concerné et comment ? "On a du mal à savoir quel sera l’impact exact du climat à l’échelle de petits territoires", se désole Emmanuelle Latouche, directrice adjointe du Centre de ressource du développement durable (Cerdd). "L’enjeu est donc de planifier l’incertitude."

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Définir des hypothèses

Pour chacun, cela passe par une identification de ses risques potentiels et par la formulation d’hypothèses dont on peut ensuite étudier les conséquences en termes de vulnérabilité. Et puisque rien n’est moins sûr que l’incertitude, "posons tous les problèmes, mais laissons-nous une flexibilité dans le temps pour la prise de décision", conseille Céline Phillips, animatrice du secteur adaptation au changement climatique à l’Ademe, citant l’exemple de la ville de Londres qui a chiffré les coûts d’une crue de la Tamise à différents niveaux sans se préparer directement au pire mais en suivant de près les recherches sur le climat.

Résilience

Les 31 dossiers déposés pour recevoir le prix de l’agence – dont "pas mal sont de qualité", dixit Bruno Léchevin – montrent que le travail a aussi commencé de ce côté de la Manche… Avec des problématiques très différentes pour les trois lauréats. Avec son éco-quartier Clichy-Batignolles, la ville de Paris a d’abord été récompensée pour sa capacité à s’attaquer de front à trois risques climatiques : la chaleur, les pluies intenses et la sécheresse. Parmi les solutions trouvées : des systèmes de récupération d’eaux pluviales pour arroser une végétation omniprésente qui a pour fonction de tempérer naturellement les bâtiments. "Il n’y a pas de systèmes de climatisation dans les bureaux de la zone d’activité", se félicite Marie Gantois, responsable du pôle climat et adaptation de la ville, précisant que malgré les projections qui annoncent entre dix à vingt-cinq jours de canicule par an à la fin du siècle, la confiance est de mise. "Ces bâtiments ont trouvé preneurs sans problème", sourit-elle.

Submersion vs érosion

Problématique radicalement différente pour la communauté d’agglomération Montpellier-Méditerranée avec son projet d’aménagement du littoral. Avant même le risque de submersion, sa côte sablonneuse de Vias connaît un phénomène d’érosion et les enrochements placés sur certaines propriétés privées ne font qu’accroître l’effet des coups de mer qui se multiplient en dehors de la saison estivale. Sa bonne politique d’adaptation consiste au contraire à rétablir le fonctionnement naturel du littoral en supprimant les barrières minérales et en élargissant la plage.

De l’adaptation à la transformation

Roi de l’édition 2017 des trophées, le syndicat mixte du parc naturel régional du Vercors illustre enfin parfaitement ce que pourrait être un monde à +2°C puisqu’il a d’ores et déjà mesuré cette élévation de la température sur les soixante dernières années. Pire pour ce territoire qui a toujours beaucoup compté sur le tourisme hivernal, "le cumul de neige a lui diminué de 25 %", constate Emmanuel Jeanjean, chargé de mission du syndicat. Or "si on veut conserver une montagne vivante et habitée, on doit d’abord accepter le changement", note Fabien Mulyk, vice-président du syndicat. Pour le parc, cela passe par l’organisation d’un festival du film de montagne et de nouveaux itinéraires de déplacement doux pour l’été. Mais le message sous-jacent est limpide pour l’ensemble des acteurs économiques. "Un jour, s’adapter ne suffira plus. Il faudra apprendre à se transformer", prévient Céline Phillips.

Olivier Descamps

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