Chiropraxie : nouvelle réforme de la formation

27.02.2018

Droit public

La réforme de la pratique de la chiropraxie en France se poursuit. Une salve de textes détaille le contenu et les modalités de validation de la formation.

Il aura fallu attendre 9 années pour que le pouvoir réglementaire se décide à rendre applicable l’article 75 de la Loi Kouchner et que la pratique de la chiropraxie en France soit enfin encadrée. Depuis, les gouvernements successifs semblent cependant ne plus vouloir s’arrêter sur cette lancée. En effet, au total, pas moins de 14 textes à caractère réglementaire sont déjà venus régir les actes et conditions d’exercice de la chiropraxie ou la formation de chiropracteur : 6 en 2011 (dont 3 ont été annulés par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 17 juillet 2013, n° 354103), un en 2013, 3 en 2014 et 4 au début de l’année 2018.
 
Les 4 textes édictés le 13 février 2018 ont trait à la formation conduisant au titre de chiropracteur.
Agrément des établissements de formation en chiropraxie
Le décret n° 2018-90 du 13 février 2018 et l’arrêté du même jour relatifs à « l’agrément des établissements de formation en chiropraxie » modifient les conditions de cet agrément dans l’objectif proclamé d’améliorer la qualité de la formation. Élément notable, ils sont d’application immédiate, y compris pour les établissements déjà agréés. Ces derniers devront donc solliciter un nouvel agrément, dans les conditions explicitées ci-après.
 
Les écoles de chiropraxie participent désormais au service public de l’enseignement supérieur. Elles sont donc soumises aux mêmes exigences, pour leur ouverture, que tout établissement privé d’enseignement supérieur. Ainsi, elles doivent notamment être administrées par 3 personnes au moins, qui accomplissent des obligations déclaratives à l’égard de l’autorité compétente de l’Etat en matière d’éducation et adressent tous les ans à cette même autorité la liste des professeurs et le programme des cours. À ce même titre, elles sont toujours ouvertes et accessibles aux délégués du ministre chargé de l'enseignement supérieur, afin de vérifier que l’enseignement n’est pas contraire « à la morale, à la Constitution et aux lois ». Elles ne peuvent en aucun cas prendre le titre d’université et les certificats d’études qui y sont délivrés aux élèves ne peuvent porter les titres de baccalauréat, de licence ou de doctorat.
 
Pour que l’agrément puisse lui être délivré, l’établissement doit respecter des critères tenant notamment à :
  • l’accomplissement des déclarations préalables susvisées ;
  • la proposition d’une formation conforme aux exigences réglementaires ;
  • la présentation d’un dossier pédagogique complet ;
  • une organisation interne conforme à certaines exigences : un directeur titulaire d’un diplôme parmi ceux énoncés (diplôme ou autorisation d’usage du titre de chiropracteur ou titre universitaire de niveau 1 - c’est-à-dire bac + 5 au moins - en management ou dans les domaines de la pédagogie, du droit, de la santé ou des sciences) et bénéficiant d’une expérience de trois ans au moins en management ; un conseil scientifique, un conseil pédagogique et une commission de validation des unités des formation et des compétences professionnelles ;
  • des locaux et une capacité financière suffisante ;
  • une équipe pédagogique justifiant de certaines qualifications et répondant à certaines conditions, notamment de nombre ;
  • une organisation de la formation clinique se déroulant pour deux tiers de sa durée dans la clinique de l’établissement de formation et pour un tiers sous forme de stages à l’extérieur.
Le dossier d’agrément est adressé au secrétariat de la Commission consultative nationale d’agrément, dont la composition, qui demeure de 9 membres, a toutefois été modifiée. En particulier, elle ne comporte plus de masseur-kinésithérapeute ni de représentant de la DGCCRF. Le dossier n’est réputé complet que s’il est accompagné des 61 pièces jointes dont la liste est donnée dans l’arrêté du 13 février 2018.
 
L’agrément est accordé, le cas échéant, pour une durée de 5 ans, par décision du ministre chargé de la santé sur avis de la commission consultative nationale d’agrément.
L’agrément fait l’objet d’une certaine publicité puisque le numéro de la décision d’agrément doit figurer sur tout document et support de communication de l’établissement et la liste des établissements agréés est publiée sur le site officiel du ministère de la santé.
 
Il peut être retiré par décision motivée du ministre chargé de la sant�� si les conditions ne sont plus réunies, selon une procédure permettant à l’intéressé de se défendre mais dont le déroulement et les conditions, notamment de délais, ne sont pas précisées (ce qui pourrait être une source de contentieux). Les étudiants issus d’un établissement ayant perdu son agrément et n’ayant pas trouvé de nouvel établissement pour les accueillir bénéficient d’un report de scolarité de 3 ans. En d’autres termes, ils conservent pendant 3 ans le bénéfice des unités validées et peuvent, durant cette période, reprendre leurs études au même stade dans un autre établissement.
 
Précision importante, les agréments en vigueur à la date de parution du décret, c’est-à-dire le 14 février 2018, prendront fin le 31 août 2018. S’ils souhaitent renouveler leur agrément, les établissements concernés doivent adresser un dossier de demande, dans les conditions sus-énoncées, entre le 1er mars et le 30 avril 2018. Nul doute que cela fera grincer quelques dents et que, comme cela s’est produit dans certaines écoles d’ostéopathie, des étudiants risquent fort, à la rentrée prochaine, d’avoir des sueurs froides.
 
Globalement, il convient d’observer qu’avec ces textes, il est opéré un alignement du régime des établissements de formation en chiropraxie sur celui des ostéopathes. Les dispositions ci-dessus résumées sont en effet très proches de celles du décret n° 2014-1043 du 12 septembre 2014 relatif à l’agrément des établissements de formation en ostéopathie.
Contenu, déroulement et modalités de validation de la formation en chiropraxie
Le décret n° 2018-91 du 13 février 2018 et l’arrêté du même jour relatifs à « la formation en chiropraxie » précisent le contenu, le déroulement et les modalités de validation de cette formation, mais assouplissent aussi considérablement les possibilités de dispenses.
 
La formation est désormais d’une durée de 5 années réparties en 10 semestres auxquels sont alloués 30 crédits européens chacun. Elle se répartit, comme auparavant, en une formation théorique et pratique sous la forme de cours magistraux, de travaux dirigés et de travaux pratiques et une formation en pratique clinique encadrée.  
 
Cependant, jusqu’ici, la formation sous forme de cours magistraux, travaux dirigés et travaux pratiques était de 2120 heures. Elle passe à 3610 heures. Elle se trouve donc considérablement accrue. Il faut préciser qu’elle était très inférieure à celle imposée aux ostéopathes, qui est de 3360 heures.
 
La formation en pratique clinique est en revanche un peu diminuée puisqu’elle passe de 1400 heures à 1350 heures incluant 300 consultations complètes et validées. À titre de comparaison, celle des ostéopathes est plus importante puisqu’elle est de 1500 heures. En outre, il n’est plus précisé que cette formation en pratique clinique se déroule uniquement sous forme de stages. Au contraire, les textes relatifs à l’agrément des établissements précisent qu’elle a lieu pour les deux tiers de son temps dans la clinique de l’établissement de formation.
 
Pour être admis à suivre la formation en chiropraxie, il faut être âgé de 17 ans au moins, être titulaire du baccalauréat, adresser un dossier comprenant notamment une lettre de motivation et se présenter à un entretien destiné à évaluer la motivation et les aptitudes de l’étudiant.
 
La formation se décompose en unités d’enseignement dans 9 domaines.
Là encore, le parallèle avec l’ostéopathie est flagrant, à la lecture de l’arrêté du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie.
 
Enfin, des dispenses de suivi et de validation d’une partie des unités d’enseignement peuvent être accordées « par le directeur de l’établissement, après consultation du conseil pédagogique, en fonction de la formation antérieure validée, des certifications, titres et diplômes obtenus par le candidat et de son parcours professionnel. Les dispenses d’enseignement théoriques ou de stages sont examinées au regard du contenu des unités d’enseignement composant le programme de formation en chiropraxie en vigueur ».
 
À défaut d’autres précisions, les conditions de dispenses sont ainsi considérablement assouplies et, il faut bien le souligner, laissées pour une large part à la discrétion de chaque établissement. Les dispenses de plein droit auparavant accordées, sous diverses conditions, aux membres de certaines professions de santé ont été supprimées, de même que les critères beaucoup plus restrictifs antérieurement imposés. Il y a ainsi tout lieu de craindre des inégalités introduites par les établissements de formation eux-mêmes, en fonction des critères précis qu’ils adopteront, voire que des établissements soient tentés d’accorder largement les dispenses pour favoriser les inscriptions d’étudiants en leur sein.
 
Cela cadre assez mal avec les exigences accrues imposées simultanément par le Gouvernement en matière d’agrément et de contenu de la formation. À quand la prochaine révision ?

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Maïalen Contis, Docteur en droit, avocat au barreau de Toulouse
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