Comités de groupe européens, directives communautaires, mobilité : quels scénarios pour l’après-Brexit ?

Comités de groupe européens, directives communautaires, mobilité : quels scénarios pour l’après-Brexit ?

11.07.2016

Gestion du personnel

Le Brexit pourrait modifier les droits sociaux des salariés britanniques comme ceux des expatriés. Selon l’option choisie par le gouvernement britannique, les répercussions seront à géométrie variable. Le point avec trois experts.

Depuis la victoire du "Leave" au référendum du Royaume-Uni à l’Union européenne (UE) le 23 juin, l’avenir social du pays se dessine en pointillé. Quel avenir pour les comités de groupe européens comme ceux d’Airbus, de Safran ou encore de Thalès ? Devront-ils se séparer de leur délégation britannique ? Quel sera le sort des salariés placés jusqu’ici sous la protection des directives européennes ? Et quid des expatriés français ? Pourront-ils toujours y rester ? Quelque 300 000 y sont répertoriés.

"Rien ne s’arrête d’un seul coup, tempère Franck Petit, professeur de droit social à l’université d’Avignon. Car le résultat du référendum n’est pas juridiquement contraignant". Pour que le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, "il doit formellement annoncer ses intentions lors d’un conseil européen, comme le prévoit l’article 50 du traité de Lisbonne". Une période de deux ans est alors prévue pour préparer la sortie, renouvelable une fois, soit 4 ans maximum. "Mais elle peut être raccourcie si un accord est trouvé".

L’inquiétude est toutefois palpable. Car selon les modalités négociées, le sort des représentants du personnel, des salariés britanniques et des expatriés seront différents. Avec à la clef, des répercussions concrètes pour les DRH sur la gestion du personnel. Trois scénarios se dessinent.

L’option "norvégienne"

Le premier est de maintenir le Royaume-Uni dans un statut proche de celui de la Norvège, non membre de l’Union européenne mais adhérente à l’Espace économique européen (EEE) qui regroupe outre les membres de l’UE, le Liechtenstein et l’Islande. "Le Royaume-Uni devra appliquer, comme aujourd’hui, les directives européennes sociales au même titre que les Etats membres de l’Union", explique Marie-Noelle Lopez, directrice de Planet Labor, un site de veille sociale européenne et internationale. Plusieurs directives européennes ont, en effet, été reprises. C’est le cas pour la directive sur l’information et la consultation des travailleurs, sur les discriminations, l’égalité de traitement, la durée du congé maternité ou encore celle concernant la procédure obligatoire d’information-consultation dans le cadre des licenciements collectifs. "Le Royaume-Uni avait d’ailleurs été condamné en 1994 par la Cour européenne de justice pour manquement aux procédures d’information/consultation", rappelle Nicolas Moizard, professeur de droit social à l’université de Strasbourg.

"De même, les règles concernant les comités de groupe européens continueront à s’appliquer. Les salariés britanniques devront toujours être représentés dans les CE européens", poursuit Franck Petit. Le principe de la libre circulation des personnes ne changera pas non plus. Mais ce scénario du statu quo est le moins probable ; le résultat du référendum ayant révélé le souhait du Royaume-Uni de protéger son marché de l’emploi contre les flux migratoire.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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L’option "suisse"

Autre possibilité : négocier des accords bilatéraux avec l’Union européenne, sur le modèle de la Suisse. Les parties décideront de maintenir ou pas la libre circulation des personnes. En revanche, les règles sociales européennes cesseront de s'appliquer. "Rien n’empêchera le futur gouvernement britannique de supprimer les lois de transposition relatives à l’application de ses directives sociales, poursuit Marie-Noëlle Lopez. "Car il n’y aura plus d’obligations de conserver ces textes qui prévoyaient des filets de sécurité", renchérit Nicolas Moizard. Le Brexit pourrait ainsi avoir des conséquences sociales en cas de licenciement économique. "Le Royaume-Uni ne sera plus obligé de respecter la directive sur les licenciements économiques qui impose une information et une consultation des représentants des travailleurs et des mesures de reclassement", explique Nicolas Moizard. D’où "une crainte de la part des salariés et syndicats de devoir renoncer aux droits socle". Avec, en ligne de mire, "le spectre d’un retour aux années Thatcher".

De plus, "aucune obligation de représentation n’existera pour un comité de groupe européen", observe Marie-Noëlle Lopez. A la limite, "les entreprises pourront toujours choisir de permettre au personnel britannique de continuer de siéger au CE européen, mais nombreuses seront celles qui ne leur reconnaîtront pas les mêmes prérogatives". Concrètement "leurs droits seront moindres, limités à un rôle d’observateur". "Un strapontin", en quelque sorte…

La crainte est encore plus vive pour les entreprises américaines qui ont placé leur CE européen sous législation britannique. "Le Royaume-Uni était, en effet, une terre de prédilection de ces entreprises étrangères pour bénéficier du droit social britannique en matière de CE européen plus souple que sur le continent". Elles devront modifier la législation nationale applicable à leur comité en accord avec leurs représentants du personnel européens. Une centaine est répertoriée au Royaume-Uni, émanant d’entreprises extérieures à l’Europe. "Devront-elles dès lors transférer leur comité de groupe dans un autre Etat membre ? Pourront-elles y intégrer leurs salariés britanniques et donner un certain pourvoir à leurs représentants?", s’interroge Nicolas Moizard.

L’option "pays tiers"

Autre scénario : "le Royaume-Uni peut également être considéré désormais comme un "pays tiers" n’ayant plus accès au marché intérieur", poursuit Marie-Noëlle Lopez. L’objectif sera alors de nouer une nouvelle relation avec l’Union. Les banques perdront leur passeport européen - aussi appelé "agrément unique"-  pour s’installer et opérer partout dans l’UE. Les expatriés devront eux être détenteurs de visas et permis de travail. Aussi les entreprises pourraient-elles réfléchir à deux fois avant d’envoyer des salariés.

Difficile, pour l’heure, d’appréhender l’après-Brexit. Le processus devrait prendre plusieurs années. Mais une chose est sûre : une nouvelle page sociale est à écrire.

Anne Bariet
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