Comment articuler permis de construire et création de servitude de cour commune ?

18.10.2017

Immobilier

Le code de l'urbanisme n'impose pas que la servitude de cour commune ait été établie et soit entrée en vigueur avant la délivrance du permis de construire.

Qu'elle soit conventionnelle ou judiciaire, la servitude de cour commune permet au propriétaire souhaitant construire de bénéficier d'un assouplissement des règles d'implantation applicables (C. urb., art. L. 471-1 et s.). De cet impact sur la constructibilité résulte la nécessité, pour le service instructeur, de vérifier si le constructeur peut s'en prévaloir avant d'accorder un report de prospect. C'est pourquoi, lorsque l'édification de la construction est subordonnée à l'institution sur le terrain voisin d'une telle servitude, le code de l'urbanisme exige que la demande de permis de construire soit accompagnée des contrats ou décisions judiciaires qui y sont relatifs (C. urb., art. R. 431-32). Mais la lettre de cet article ne précise pas à quel stade de la mise en place de la servitude le pétitionnaire peut déposer sa demande et obtenir son autorisation.

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La convention établissant la servitude n'a pas à être signée

Cette question s'est posée à propos d'un permis de construire demandé pour la construction d'un immeuble, partiellement implanté sur une parcelle appartenant à la commune et sur laquelle se trouvait un groupe scolaire. Le conseil municipal avait consenti au constructeur une promesse unilatérale de vente de la partie de parcelle concernée et autorisé, par délibération, la création d'une  servitude de cour commune sur le terrain de l'école. Avaient ainsi été joints à la demande d'autorisation un projet de convention d'institution de servitude et la promesse de vente. Le permis obtenu a été annulé au motif que cette demande n'avait pu être légalement instruite. La cour administrative de Bordeaux avait jugé que, dès lors que l'édification d'une construction était subordonnée à l'institution d'une servitude de cour commune, celle-ci devait avoir pris effet au plus tard à la date de délivrance du permis de construire afin que puisse être apprécié le respect, par le projet, des règles d'urbanisme (CAA Versailles, 19 mai 2016, n° 14VE01628). Une telle obligation présentait pourtant des difficultés pratiques évidentes pour les pétitionnaires qui n'avaient pas acquis la pleine propriété du terrain d'assiette à la date de leur demande et ne pouvaient donc produire de convention signée.

Le Conseil d'État sanctionne la décision d'appel pour erreur de droit. Il précise que, dans cette hypothèse, "le permis de construire ne peut être délivré sans qu'aient été fournis par le pétitionnaire, dans le cadre de sa demande, les documents justifiant de ce qu'une telle servitude sera instituée lors de l'édification de la construction projetée. Les dispositions de l'article R. 431-32 du code de l'urbanisme n'imposent pas que la servitude ait été établie et soit entrée en vigueur avant que le permis de construire ne soit délivré". En l'espèce, le pétitionnaire a donc pu valablement produire à l'appui de sa demande, outre la copie du projet de convention d'institution de la servitude, la promesse unilatérale de vente de la commune mentionnant expressément que celle-ci s'engageait à constituer une convention de cour commune grevant la propriété qu'elle conserverait et définissant, de manière précise et circonstanciée, les contours de la servitude en cause.

Des documents justifiant que la servitude "sera" instituée

Si cette décision facilite la pratique en indiquant qu'au stade de la délivrance du permis, l'accord entre les parties n'a pas à être signé (ni  a fortiori publié au service de publicité foncière), on voit mal comment la souplesse de cette solution pourrait être transposée au cas où la servitude est instituée par une ordonnance du juge judiciaire. Par ailleurs, la question demeure de savoir quels seront les documents satisfaisants pour assurer à l'administration que la servitude "sera instituée lors de l'édification". Seule certitude, l'assiette et les conditions de la servitude devront être connues, ce qui suppose une mise en place suffisamment avancée. En l'espèce, la promesse de vente était particulièrement bien circonstanciée mais qu'en sera-t-il d'une simple attestation unilatérale ou d'une attestation notariale, jugées jusqu'alors insuffisantes (TA Toulon, 14 mars 2013, n°1101111 ; TA Grenoble, 1er juill.2014, n°1200182) ?

 

Sophie Aubert, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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