"Comment notre CE cherche à garder des valeurs sociales"

"Comment notre CE cherche à garder des valeurs sociales"

04.09.2017

Représentants du personnel

Suite de notre série sur les initiatives de CE partout en France, en partenariat avec le réseau inter-CE Cezam. Aujourd'hui : le CE de BASF-BCS à Pulnoy, près de Nancy. Un CE qui organise des voyages, incite les salariés à la lecture, fait travailler une association d'insertion. Interview de la trésorière Isabelle Schmitt, longtemps secrétaire du CE.

BASF est un grand groupe. Votre CE représente-t-il beaucoup de salariés ?

"Nous appartenons à BASF-BCS (*) et notre CE comporte 3 établissements, l'un à Pulnoy près de Nancy (environ 140 personnes), l'un à Lyon (40 personnes), le dernier à Levallois (une dizaine de personnes). Notre CE dispose d'un budget de 160 000€ pour la partie activités sociales et culturelles et d'environ 40 000€ pour le fonctionnement.

Quel est le climat social dans l'entreprise ?

Il reste marqué par le PSE qui a réduit la moitié de l'effectif lyonnais, il y a un an, même s'il y a eu des reclassements. Malgré tout, nous sommes dans une situation sociale appréciable, par exemple du point de vue salarial, nous l'avons bien vu quand certains de nos collègues se sont retrouvés sur le marché du travail. Au plan local, le dialogue social est réel dans l'entreprise. Mais nous supportons aussi les conséquences de décisions qui tombent d'en haut, de l'Allemagne. 

Quelle est la politique du CE en matière d'activités sociales et culturelles ?

Nous cherchons toujours à mettre en avant des valeurs sociales et des prestataires locaux. Nous sommes adhérents du réseau Cezam depuis quinze ans, un réseau où je me suis impliquée comme administratrice. Nous passons par Cezam pour nos activités comme la billetterie, afin de favoriser des acteurs locaux (parcs d'attraction, parcs animaliers par exemple) plutôt que des grands groupes de billetterie. Nous subventionnons la place de cinéma : le CE paie 2,5€ par place, celle-ci ne revenant que 4 à 5€ au salarié. Nous organisons une fête de Noël qui a rassemblé l'an dernier 80 personnes à Pulnoy et 40 à Lyon, où nous l'organisions pour la première fois. Il y avait une représentation de théâtre pour les enfants, suivie d'un goûter et d'une animation avec des jeux de bois, de construction, du maquillage, etc.

Inciter les gens à lire, c'est aussi favoriser les discussions, les échanges

Nous participons également au prix littéraire du réseau Cezam. Notre CE achète trois jeux des livres en lice afin d'inciter les salariés à les lire, c'est un budget d'environ 500€, assez modeste car de plus nous revendons ensuite les livres aux salariés intéressés. Nous avons eu 30 lecteurs sur Pulnoy. Cela ne paraît pas extraordinaire mais cette activité incite les salariés à échanger entre eux, à parler d'autre chose que du travail, à nouer des contacts, cela favorise les relations. Nous organisons aussi un grand voyage tous les deux ans. Cette année, 70 personnes des 3 sites sont parties 8 jours au Canada, il y a deux ans, c'était New York, car la commission voyages veut des voyages qui sortent de l'ordinaire. Notre CE organise aussi des soirées, comme des escape game, des jeux en salle avec enigmes, une nouveauté qui marche bien auprès des salariés. Enfin, à l'initiative de notre commission soirée, nous avons aussi une soirée oenologie animée par un caviste de  la région. C'est une activité très prisée, mais la taille des groupes est limitée.

Vous parliez de valeurs sociales. Pouvez-vous nous en donner une illustration ?

Notre CE a mis en place un service de repassage pour les salariés assuré par une entreprise d'insertion locale. Les salariés amènent leur linge, pris en charge par l'association qui le ramène repassé. Comme le coût est supérieur à ce qu'on peut trouver sur le marché avec des sociétés low cost, notre CE subventionne l'activité, ce qui représente pour nous un budget de 2 000€ par an, qui bénéficie à 70 salariés de notre site de Pulnoy. Les salariés attendent en effet qu'on leur facilite la vie et ils apprécient ce service. Mais si le souci du social, de l'équitable et du local est souvent exprimé, dès que ça touche le porte-monnaie, les salariés deviennent réticents. C'est à nous, les élus, de faire passer le message autour de ces valeurs.

Etes-vous élue depuis longtemps ?

Depuis une vingtaine d'années, j'ai été déléguée du personnel et élue de CE avant de devenir assez rapidement secrétaire du comité d'entreprise pendant 15 ans. Il y a un an et demi, j'ai choisi de devenir trésorière. Je suis syndiquée FO.

Qu'ont représenté pour vous les nouvelles obligations comptables du CE ?

Nous avons pris un expert-comptable. Et nous avons étoffé notre rapport de gestion. Mais nous avions déjà un suivi régulier de nos comptes et des bénéficiaires, et nous communiquions déjà ces éléments aux salariés.

Que pensez-vous du projet d'instance unique de représentation du personnel voulu par le gouvernement ?

Autant je peux comprendre un rapprochement du CE et des délégués du personnel, autant le CHSCT me semble devoir toujours continuer d'exister à part.

L'instance unique va dissuader les candidatures aux élections professionnelles

Si nous allons vers une seule instance de représentation, cela va encore plus dissuader des salariés de se porter candidats aux élections professionnelles. Etre élu dans une instance unique, cela signifiera devoir maîtriser des éléments très différents. La possibilité de cumuler tout cela avec son propre travail risque de faire encore plus peur aux salariés.

Que pensez-vous de l'idée de limiter à trois le nombre de mandats successifs d'un élu ?

Vouloir renouveler, c'est très bien, mais s'il n'y a pas de volontaire pour s'engager ? Encore une fois, je crois que la multiplication des tâches qu'auront à assumer les élus va refroidir les candidats potentiels..."

(*) Filiale du groupe de chimie allemand BASF (114 000 salariés dans le monde), BASF-BCS (Beauty Care Solutions) est spécialisé dans la recherche, le développement, la production et la commercialisation de produits entrant dans la composition des cosmétiques.

 

 

Cezam en Lorraine et Champagne-Ardenne : une soixantaine de collectifs adhérents

En Lorraine et Champagne Ardennes, le réseau interCE, qui compte 6 membres bénévoles au conseil d'administration, rassemble une soixantaine de structures, dont 80% de CE, ce qui représente environ 12 000 ayant-droits. Il devrait s'orienter vers une fusion avec le réseau d'Alsace, ce qui constituerait un réseau grand Est. "L'Etat a revu les Régions. Les entreprises de nos adhérents passent également à un niveau régional plus étendu, donc ce serait une façon de nous adapter, et de leur offrir un meilleur appui et services en nous associant avec l'Ircos (le réseau Cezam d'Alsace), qui compte 24 salariés alors que nous ne sommes que 3, pour mutualiser nos moyens", nous explique Cyril Bouillet, le directeur.

Dans cette ancienne région industrielle, les plus gros adhérents relèvent du tertiaire, comme la Caisse d'Epargne ou l'université de Lorraine, mais la moyenne des CE adhérents tourne plutôt autour d'une centaine de salariés. Le réseau met en avant plusieurs valeurs fortes, comme le recours aux partenaires de l'économie sociale et sociale et aux acteurs locaux pour "consommer autrement", une recherche de solidarité et de lien social, la volonté de débattre avec les élus de CE sur un fonctionnement solidaire. "Nous avions aussi lancé une démarche appelée "Essaim" pour favoriser les échanges de savoirs faire et de compétences mais nous avons arrêté faute de temps et de moyens", explique Cyril Bouillet.

Le réseau veut aussi encourager l'accès à la culture. Il propose une offre, "Pass' en salle", qui donne aux CE un accès à 6 spectacles de salles différentes pour 57€. Cela peut comprendre du théâtre, voire de l'Opéra : il appartient au  CE de faire sa sélection dans les six programmations culturelles des partenaires de l'opération, nous explique Yann Pignon, le coordinateur des actions sociales et culturelles du réseau.

Le directeur du réseau Cezam de Lorraine et Champagne Ardennes a été élu du personnel 8 ans dans une entreprise de l'immobilier comme trésorier d'un CE, membre d'un CHSCT et DP. Son avis sur la future instance unique ? "La crainte concerne les heures de délégation. Les élus auront-ils le temps d'assumer la totalité de leurs missions ?" s'interroge-t-il. Il voit en revanche un aspect positif à ce comité social et économique, celui de favoriser une vision d'ensemble et une meilleure communication entre élus. Le réseau Cezam prévoit déjà d'organiser des journées de formation en novembre pour les élus qui, dit Cyril Bouillet, attendaient non sans fébrilité de voir le contenu de la réforme les concernant.

Le site Internet du réseau Cezam

Le site Internet du réseau Cezam en Lorraine et Champagne-Ardennes

 

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Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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