Compte pénibilité : dans la blanchisserie, l'accord étendu permet d'exclure le travail répétitif

Compte pénibilité : dans la blanchisserie, l'accord étendu permet d'exclure le travail répétitif

06.03.2017

HSE

La blanchisserie a un accord étendu pour l'évaluation des facteurs de pénibilité. Il permet de dispenser les entreprises de faire elles-même une partie des évaluations, tout en les protégeant. Surtout, il semble très avantageux pour les employeurs, excluant certains facteurs et concluant à très peu de postes exposés…

"Le présent accord […] a pour objectif de définir quels sont les postes, métiers et situations de travail exposant les salariés aux facteurs de pénibilité […] au-delà des seuils", est-il indiqué en préambule de l'accord du 27 mai 2016 "relatif à l'exposition des salariés aux facteurs de pénibilité". Conclu dans le cadre de la convention collective interrégionale de la blanchisserie, cet accord vient d'être étendu par un arrêté paru au Journal officiel du 29 janvier 2017, ce qui le rend d'application obligatoire pour tous les employeurs et salariés relevant de cet accord, qui se répartissent entre deux filières : location de linge / blanchisseurs, et pressing / laveries. L'accord est entré en vigueur le 30 janvier, et ce pour trois ans.

L'évaluation de certains facteurs renvoyée à l'entreprise

Comment cet accord, qui permet aux employeurs de sécuriser leurs déclarations d'exposition (voir notre article), fonctionne-t-il ? Tout d'abord, il ne s'occupe pas de tous les facteurs de pénibilité, les signataires (1) s'étant mis d'accord sur le fait "qu’un certain nombre de facteurs de pénibilité n’ont pas vocation à être traités au niveau de la branche professionnelle", à cause de fortes disparités entre les entreprises. Ainsi l'évaluation est-elle renvoyée à l'entreprise pour le travail en équipes successives alternantes, le travail de nuit et le bruit. Ainsi que pour l'exposition aux agents chimiques dangereux dans la filière location de linge / blanchisseurs, et l'exposition aux températures extrêmes dans la filière pressing / laverie.

Pas de vibrations mécaniques

Pour plusieurs autres facteurs, grâce à l'accord, les employeurs sont carrément dispensés d'évaluer l'exposition de leurs salariés. Dans cette liste, il y a bien-sûr les activités exercées en milieu hyperbare, qui ne concernent pas la branche, ainsi que les vibrations mécaniques, un facteur auxquels les travailleurs de la branche ne seraient a priori pas exposés au-delà des seuils sur les appareils de blanchisserie industrielle, la question pouvant toutefois se poser pour ceux œuvrant par exemple au chargement / déchargement. En plus de ces deux facteurs, dans la filière location de linge / blanchisseurs, les employeurs n'auront pas à regarder les températures extrêmes. Et dans la filière pressing / laverie, l'accord affirme que les manutentions manuelles et les postures pénibles, "définies comme positions forcées des articulations", "ne concern[ent] aucune entreprise de la branche". Pour les facteurs restants (voir encadré), le mode d'emploi est dans l'accord, et "les entreprises de la filière seront donc [pour ces facteurs] dispensées de mener l’évaluation des postes de travail de leurs salariés".

Dans les deux filières
Quels sont les facteurs de pénibilité évalués au niveau de la branche ?
  • travail répétitif (mais ce facteur est exclu "après analyse", aucun des postes listés par l'accord n'est exposé : voir ci-dessous)
Dans la filière location de linge / blanchisseurs
  • manutentions manuelles de charges
  • postures pénibles
Dans la filière pressing / laverie
  • Agents chimiques dangereux

 

Une cinquantaine de postes listés

La branche prend donc en charge l'évaluation à ces 4 facteurs, pour chaque situation de travail et poste potentiellement exposés, dont la liste exhaustive est dressée à l'article 2 : 39 postes sont décomptés pour la filière location de linge / blanchisseurs, et 12 pour la filière pressing / laverie. Article 3 de l'accord : aucun des postes, dans aucune des deux filières, n'est concerné par le travail répétitif. "Après analyse", précise bien l'accord. Prenons par exemple le "tri sur table", un poste sur lequel les "opérateurs trient soit le linge qui tombe des sacs au-dessus d’eux ; soit saisissent le sac, le mettent sur la table, le vident et trient le linge ; soit sortent le linge directement des rolls et le trient sur la table", et voyons les résultats de l'analyse menée par la branche et validée par l'accord, tant par les partenaires sociaux que par les pouvoirs publics.

Pas de travail répétitif

Sur ce poste, la durée d'exposition au travail répétitif est bien supérieure à 900 heures par an, avec un temps de cycle supérieur à 30 secondes et plus de 30 actions techniques par minute. Jusque là, on est bien dans le cas d'un poste qui expose son travailleur au-delà des seuils. Reste à répondre à une question : la cadence est-elle contrainte ? Non, ont estimé les signataires. Ce poste n'est donc pas exposé. Pour la plupart des autres postes, en dépit d'un temps de cycle inférieur à 30 secondes, le nombre d'actions techniques dans ce laps de temps resterait inférieur à 15. Au final, aucun des postes "n’est exposé au facteur de pénibilité 'travail répétitif' caractérisé par la réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout ou partie du membre supérieur, à une fréquence élevée et sous cadence contrainte". Ce facteur a fait en 2015 l'objet d'un rapport (voir notre article), puis de simplifications en 2016 (voir notre article).

Manutention de charges : seuls 7 postes exposés

Pour les loueurs de linge et blanchisseurs, le référentiel homologué s'occupe de la manutention manuelle de charges. Sur les 39 postes de la filière, seuls 7 sont exposés au titre du compte pénibilité, "sous réserve que les personnes qui sont affectées à ces postes le soient à temps plein" souligne bien l'accord. Il s'agit notamment des salariés qui accrochent de les sacs et approvisionnent les tapis roulants ou chargent les tunnel avec le linge, ainsi que les chauffeurs qui chargent et déchargent les camions et les agents de quai. Il est aussi possible que 3 autres postes soient exposés : ceux qui s'affairent près de la laveuse à tapis. Pour ceux-là, l'accord renvoie l'évaluation aux entreprises.

Postures pénibles : 2 postes exposés

L'accord couvre aussi, toujours dans cette filière, l'exposition aux postures pénibles. Il exclut les postures accroupies et à genoux ; "la profession n'est pas concernée". La norme ISO 11226 : 2000 "Ergonomie - évaluation des postures de travail statiques" est retenue pour définir ce qu’il faut entendre par "maintien des bras au-dessus des épaules" et "torsion du torse". L�� encore, il ressort de l'accord que la quasi-totalité des postes et situations de travail ne sont pas exposés. Sur les 39 listés ; il n'y a qu'un poste et une situation de travail à être au-delà des seuils, s'ils sont occupés à temps plein. Il s'agit de ceux qui s'occupent des vêtements propres, placés sur des cintres accrochés à une barre. Ils ne devront être comptabilisés que si, "condition impérative", la barre à laquelle est suspendu le vêtement est "fixe et à une hauteur d’au moins 1,55 m par rapport aux pieds de l’opérateur". Un travailleur avec une barre à 1,50 mètres, qui travaille sur un marchepied, ou dont ce n'est pas la seule situation de travail, ne sera pas considéré comme exposé.

Agents chimiques dangereux : juste pour le perchloroéthylène

Dans les pressings et laveries, l'exposition au perchloroéthylène est un problème bien connu, qui fait l'objet d'un tableau de maladie professionnelle, et sa substitution avance mais n'est pas encore aboutie (voir notre article). Dans le cadre du compte pénibilité, ce solvant cancérogène fait partie de l'exposition aux ACD (agents chimiques dangereux), qui doivent être évalués selon la méthode de calcul publiée fin 2015 (voir notre article). L'accord décide d'évaluer au niveau de la branche les ACD pour la filière des pressings et laveries. Selon une étude commandée par la branche au centre technique de la teinture et du nettoyage (CTTN-Iren), en plus du perchloroéthylène, deux autres produits utilisés par la profession sont à évaluer : le clip Presorb, un "sensibilisant cutané", et le Colorsol, "toxique pour certains organes cibles à la suite d’une exposition répétée". Résultat des analyses pour ces deux derniers : "bien qu’ils puissent être présents, le clip Presorb et le Colorsol n’entraînent pas d’exposition des salariés car ils sont utilisés très largement en deçà de 150 heures par an". Pour le perchloroéthylène, l'accord rappelle la réglementation en vigueur (interdit dans les nouvelles installations, ventilation conforme, etc.) et assure qu'"à ce jour, il a donc été retiré d’un nombre important de pressings et de laveries". Pour les entreprises qui l'utilisent encore, il leur revient là aussi de faire l'évaluation.

 

(1) Il a été signé par, côté employeurs, Geist (groupement des entreprises industrielles de services textiles) et la FFPB (fédération française des pressings et blanchisseries), ainsi que par, côté salariés, la CMTE CFTC, la CFE-CGC Chimie, Hacuitex CFDT, et Feets FO.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Élodie Touret
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