Conditions relatives au cautionnement souscrit par une société civile immobilière

29.06.2018

Gestion d'entreprise

Le cautionnement consenti par une société civile répond à des critères de viabilité de la société.

Le "cautionnement hypothécaire" consenti par une société immobilière en garantie d'un prêt accordé à l'un de ses associés, par l’effet d’une délibération non contestable, est valable dès lors qu’il n’est pas de nature à compromettre l'existence de la société, et n’est  pas contraire à son intérêt social. Mais la notion de cautionnement hypothécaire est inappropriée; il s’agit en réalité d’une garantie réelle (hypothèque) destinée à garantir les engagements d’un tiers. Le cautionnement est une garantie personnelle !

Cela étant, on rappellera utilement que (voir aussi dans le Dictionnaire Permanent Droit des affaires, l'étude "Caution") le rattachement de la garantie à l’objet social peut, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment de la 1re chambre civile (Cass. 1re civ., 8 nov. 2007, n° 04-17.893, Bull., civ. I, n° 345), se déduire de :

- de la communauté d’intérêts entre le garant et le débiteur garanti (par exemple, deux sociétés, garante et garantie, sont détenues par les mêmes personnes morales ou physiques, ce qui rejoint la notion de Groupe ;

- du consentement unanime des associés de la société garante pour la constitution de la garantie, ces deux critères étant alternatifs et non cumulatifs.

Mais à ces critères alternatifs, la chambre commerciale de la Cour de cassation ainsi que la troisième chambre civile, ajoutent celui de non-contrariété à l’intérêt social de la société, c’est-à-dire à l’intérêt propre de la société qu’il est parfois difficile de distinguer de la communauté d’intérêts.

En d’autres termes, la garantie donnée ne doit pas en principe mettre en péril la société, en exposant, au titre de la garantie, son entier patrimoine sans contrepartie. Ainsi, ne serait pas valable, même consentie à l’unanimité des associés, une garantie hypothécaire conférée par une société civile sur le seul immeuble qu’elle possède, alors que l’opération garantie ne lui rapportera aucune ressource, mais grèvera lourdement son patrimoine exposé à une disparition totale sans contrepartie, au risque donc de l’existence même de la société garante. Si en revanche, la garantie donnée par la société civile ou la SNC peut sérieusement se rattacher à son activité, la contrepartie est réelle et justifie la garantie (Cass. com., 26 juin 2007, n° 06-10.766 ; Cass. com., 13 nov. 2007, n° 06-15.826 ; Cass. com., 8 nov. 2011, n° 10-24.438 ; Cass. com., 13 déc. 2011, n° 10-26.968 ; Cass. 3e civ., 12 sept. 2012, n° 11-17.948 ; Cass. com., 23 sept. 2014, n° 13-17.347).

De même le principe de la préservation du futur de la société peut être écarté pour juger la validité du cautionnement, dès lors que la garantie donnée par la société, pour garantie des dettes d’un tiers, lui a permis de réaliser dans un premier temps ses objectifs. Ainsi par exemple, la sûreté accordée par une société civile immobilière (SCI) en garantie des dettes d’un associé, même lorsqu’elle porte sur son seul actif, n’est pas contraire à l’intérêt social si elle lui a permis indirectement d’acquérir des immeubles et d’en percevoir les loyers (Cass. com., 2 nov. 2016, n° 16-10.363).

Remarque : il convient de veiller en pratique de ne pas rajouter dans un contrat de  cautionnement, des clauses inutiles quant à la constitution de la sûreté ou alors, veiller scrupuleusement au respect de toutes les clauses stipulées dans le cadre de la constitution et de la mise en œuvre de celle-ci.
Patrice Bouteiller, Docteur en droit, Senior of Counsel, Cabinet Ravet et Associés

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