Contrôle d'identité : les zones désignées comme ouvertes au trafic international restent applicables

05.07.2016

Droit public

Dès lors qu'il n'est contraire à aucune convention internationale, le Conseil d'État refuse d'annuler l'arrêté du 22 mars 2012 relatif aux contrôles d'identité dans les ports, aéroports et gares ferroviaires et routières.

Par une décision du 13 juin 2016, le Conseil d’État rejette la requête, initiée par des particuliers, tendant à l’annulation du refus du ministre de l’intérieur d'abroger l’arrêté du 22 mars 2012 relatif aux contrôles d’identité dans les ports, aéroports et gares ferroviaires et routières ouverts à la circulation internationale et dans les trains assurant une liaison internationale (Arr. 22 mars 2016, NOR : IOCC1117906A : JO, 24 mars).
Remarque : cet arrêté a été pris pour l’application de l’article 78-2, alinéa 8 du code de procédure pénale autorisant la police à procéder à des contrôles dans la zone dite frontalière et dans les ports, gares et aéroports, nominativement désignés par le texte pour être ouverts au trafic international.
Les requérants demandaient à la Haute juridiction d’examiner la conventionalité de l’arrêté et, par voie d’exception, celle du huitième alinéa de l’article 78-2 (et non la totalité de cette disposition dans la mesure où « la contrariété d’une disposition législative aux stipulations d’un traité international ne peut être utilement invoquée à l’appui de conclusions dirigées contre un acte réglementaire que si ce dernier a été pris pour son application ou si elle en constitue la base légale »).
 
A l’appui de leur recours, ils soulevaient plusieurs moyens tenant à l’absence de droit à un recours effectif et aux atteintes à la liberté d’aller et venir, au principe d’égalité et au respect de la vie privée.
Droit au recours
S’agissant du droit au recours garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants mettaient en avant l’absence d’identification des auteurs des contrôles et de remise d’un récépissé attestant des modalités de l’opération.
 
Le Conseil d��État écarte ce moyen en faisant valoir que, depuis l’arrêté du 24 décembre 2013 (Arr. 24 déc. 2013, NOR : INTC1327617 : JO, 27 déc.) pris par le ministre de l’intérieur, les agents de la police nationale, sauf exception, doivent arborer sur leur uniforme un numéro permettant leur identification.
Remarque : ce texte a été pris en application de l’article R. 434-15 du code de la sécurité intérieure, issu du décret n° 2013-1113 du 4 décembre 2013 qui prévoit notamment que « le policier ou le gendarme exerce ses fonctions en uniforme [...]. Sauf exception justifiée par le service auquel il appartient ou la nature des missions qui lui sont confiées, il se conforme aux prescriptions relatives à son identification individuelle ».
Liberté d’aller et venir et atteintes à la liberté de circulation
S’agissant de la liberté d’aller et venir, la Haute juridiction administrative écarte en premier lieu l’article 5 de la Convention au motif que l’article 78-2 ne prévoit aucune forme de privation de liberté.
 
Ensuite, le Conseil d’État estime que les atteintes à la liberté de circulation, garantie par l’article 2 du protocole n° 4 à la Convention (pris isolément ou combiné avec son article 14) et l’article 12 du Pacte international sur les droits civils et politiques, sont considérées comme justifiées par l’intérêt public, nécessaires et proportionnées au regard des objectifs de maintien de l’ordre et de prévention des infractions pénales.
 
Par ailleurs, sans en évaluer l’effectivité, le Conseil d’État rappelle ici l’encadrement mis en place par le législateur pour procéder aux opérations de contrôles frontaliers : responsabilité d’un officier de police judiciaire, limitations géographiques et temporelles, justification du dispositif (lutter contre la criminalité transfrontalière).
Principe d’égalité et respect de la vie privée
Enfin les requérants soutenaient (en vain) le principe d’égalité et le respect de la vie privée. A ce titre le Conseil d’État rappelle que ni la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, ni l’article 26 (relatif à l’égalité de traitement) du pacte international sur les droits civils et politiques ne sont directement invocables devant le juge.
 
Examinant l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les stipulations de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales, le Conseil d’État juge également que les dispositions litigieuses ne sont pas en elles-mêmes discriminatoire. A charge pour le juge de relever et de condamner les pratiques contraires aux libertés et droits protégés.
Remarque : les requérants avaient d’abord tenté, dans le cadre de la même procédure contentieuse, de poser une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article 78-2, question que le Conseil d’État n’avait pas considérée comme sérieuse et n’avait par conséquent pas transmise au Conseil constitutionnel (CE, 23 déc. 2013, n° 372721).

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Nathalie Ferré, Professeur des universités
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