Déclaration d'une créance dans la succession d'un débiteur d'une société en liquidation judiciaire

14.04.2017

Gestion d'entreprise

Sous peine d'extinction de la créance chirographaire, le liquidateur titulaire d'une créance contre un débiteur décédé doit la déclarer dans les 15 mois à compter de la publicité de la déclaration d'acceptation de la succession à concurrence de l'actif par l'héritier.

La présente affaire met en avant la confrontation du droit des entreprises en difficulté et du droit des successions, laquelle ressuscite le contentieux de l’extinction de la créance.
Un débiteur d'une société placée en liquidation judiciaire décède. La veuve de ce dernier accepte la succession à concurrence de l’actif net tandis que les enfants renoncent à la succession. Le liquidateur poursuit son action en paiement contre l’héritière se prévalant d’un jugement exécutoire par provision. Son action est jugée recevable par les juges du fond qui verront leur décision cassée par la Cour de cassation.
La cassation intervient sur le non-respect du principe du contradictoire (C. pr. civ., art. 16). Pour déclarer recevable la demande du liquidateur en paiement d’une certaine somme par la veuve et l’accueillir, la cour d'appel retient que l’avis d’acceptation de la succession à concurrence de l’actif net, publié au BODACC, puis  inséré dans un journal d’annonces légales, ne porte pas mention du délai de 15 mois ouvert aux créanciers pour déclarer leur créance, de sorte que ce délai, prévu à l’article 792 du code civil, n’est pas opposable au liquidateur. En relevant d’office un tel moyen, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d’appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Pour autant, l'autre raison de la cassation ne va pas dans le sens du liquidateur. En vertu de l’article 792, alinéa 2 du code civil, les créanciers d’une succession acceptée à concurrence de l’actif doivent, dans les 15 mois de la publicité nationale (C. civ., art. 788) relative à la déclaration de la succession de l’actif net, déclarer leur créance chirographaire sous peine d’extinction de cette dernière. Les modalités de publication n’imposent pas la reproduction des délais prévus par la loi dans l’avis. En outre, la détention par le liquidateur d’un titre exécutoire assorti de l’exécution provisoire à l’encontre du défunt avant le décès du débiteur, de sorte que l’actif de la succession était amputé des condamnation prononcées par le tribunal, est un motif inopérant au regard de l’obligation faite au créancier de déclarer sa créance dans le délai qui s’impose à lui. Par conséquent, la Cour de cassation censure les juges d'appel.
Ainsi, il apparaît que le liquidateur même titulaire d’un titre exécutoire assorti de l’exécution provisoire antérieur au décès du débiteur doit déclarer sa créance et particulièrement les créances chirographaires, sous peine d'extinction, dans les 15 mois de la publication de l’option successorale.  L’objectif est de protéger l’héritier des créanciers de la succession en imposant la suspension temporaire des voies de recours et en prévoyant l’extinction des créances non déclarées (Circ. 29 mai 2007, NOR : JUSC0754177C).
Ensuite,  l’article 1335 du code de procédure civile et l’arrêté du 9 novembre 2009 relatif aux modalités de diffusion par voie électronique de l'acceptation d'une succession (Arr. 9 nov. 2009, NOR : JUSC0918603A) n’imposent pas un rappel des délais de déclaration dans l’avis publié et il n’y a pas de relevé de forclusion possible. La précision des délais dans la publication n’est pas nécessaire puisque ces derniers figurent dans l’article 792, alinéa 2 du code civil. Les créanciers titulaires de sûretés doivent également déclarer leur créance pour être payés sur la valeur des autres biens de la succession si la valeur du bien sur lequel leur sûreté est inscrite ou le rang de la sûreté sur ce bien ne suffit pas à éteindre leur créance (Circ. 29 mai 2007, NOR : JUSC0754177C). Mais ils ne sont pas menacés d'extinction de leur créance.
Enfin, en dépit de sa sévérité, l’article 792 du code civil a été jugé conforme à la Constitution (Cons. const. déc., 5 oct 2016, n° 2015-574 QPC : JO 7 oct. 2016).
Laurence-Caroline Henry, Professeur, faculté de droit de Dijon

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