Délégation de service public et vente de quotas d'émission : niet pour la commune!

03.10.2016

Environnement

Une commune a délégué le service public du chauffage urbain à une société, laquelle a cédé ses quotas d'émissions excédentaires et encaissé le produit de ces ventes. La cour administrative d'appel juge que la commune n'est pas fondée à demander à sa délégataire le montant correspondant au prix de la cession des quotas. En jeu, tout de même : plusieurs centaines de milliers d'euros.

Une commune avait délégué le service public du chauffage urbain à une société. En tant qu'opérateur de la chaufferie centrale et donc exploitante de l'installation, des quotas d'émission de CO2 ont été délivrés à la société délégataire dans le cadre du Plan national d'affectation des quotas 2005-2007 (PNAQ 1).
En jeu : un pactole de plus de 600 000 euros
Sur la période 2005-2007, la délégataire a cédé ses quotas excédentaires sur le marché dédié et encaissé le produit de ces ventes.
 
À la suite de l'analyse des comptes de sa délégataire, la commune a alors émis un titre de recettes d'un montant de 625 753,18 euros, correspondant au prix de ces cessions, augmenté des intérêts.
 
À la demande de la délégataire, le tribunal administratif a annulé le titre de recettes et l'a déchargée de la somme demandée.
 
La commune décide de faire appel du jugement.
Les arguments de la commune écartés les uns après les autres
Les quotas ne constituent pas des biens de retour
La commune soutenait que c'était à tort que le tribunal avait considéré que les quotas ne constituaient pas des biens de retour et qu'elle n'avait pas vocation à se voir rétrocéder les revenus issus de la cession des quotas.
 
Pour les juges du fond, les quotas dont la cession était en cause avaient été, conformément à l'article L. 229-15 du code de l'environnement, délivrés à la société délégataire, qui avait alors seule la qualité d'exploitante de l'installation. La commune ne pouvait donc se prévaloir d'un droit de propriété dès l'origine sur les quotas ainsi cédés, alors même que ces derniers étaient indispensables au fonctionnement du service public. Ces quotas excédentaires ne relevaient pas des biens de retour.
Le silence de la convention sur les quotas
En outre, la convention liant la collectivité à sa délégataire n'évoquait pas les quotas d'émission et le sort des revenus issus de leur cession en cours d'exécution du contrat. Dès lors, la commune, qui, n'était pas propriétaire des quotas qui ont été cédés par son concessionnaire, ne justifiait d'aucun droit à obtenir, en cours d'exécution de la convention, la rétrocession des revenus issus de leur vente.
Pas d'enrichissement sans cause
La commune soutenait que l'encaissement par la délégataire des sommes issues de la cession de quotas constituait un enrichissement sans cause.
 
Cependant, pour la cour administrative d'appel, l'enrichissement de la délégataire n'était pas dépourvu de cause, mais résultait de sa qualité de détenteur de quotas d'émission de gaz à effet de serre, ce qui lui permettait de les céder. Ainsi, la commune n'était pas fondée à demander une quelconque somme au titre de l'enrichissement sans cause.
Pas d'obligation d'information de la commune
La commune faisait valoir qu'il appartenait à la délégataire d'informer le délégant du changement de circonstance de fait et de droit, ce qui aurait permis d'engager une renégociation des clauses financières du contrat et qu'en s'en étant abstenu, elle avait fait preuve de déloyauté contractuelle.
 
Mais selon les juges, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune stipulation contractuelle n'imposait à la société d'informer la collectivité d'une telle vente, ni ne faisait obstacle à ce qu'elle en perçoive la contrepartie. La commune n'était dès lors pas fondée à soutenir que son concessionnaire avait méconnu son obligation de loyauté contractuelle en encaissant les sommes résultant de la cession de quotas excédentaires, sans l'en informer.
Un déséquilibre des relations contractuelles écarté
La commune invoquait une rupture de l'équilibre du contrat de délégation du service public du chauffage urbain, la cession indue de quotas d'émission ayant diminué la part de risque de la délégataire et engendré un déséquilibre des relations contractuelles au détriment de la collectivité.
 
Une telle circonstance, si elle était établie, aurait été de nature à justifier la résiliation du contrat. Toutefois, selon les juges d'appel, elle ne pouvait être utilement invoquée par une collectivité pour obtenir de son concessionnaire les sommes qu'elle demande au titre d'une cession prétendument indue de quotas de gaz à effet de serre.

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