Dépakine : l'ONIAM indemnisera les victimes

02.01.2017

Droit public

La loi de finances pour 2017 institue une procédure d'indemnisation non contentieuse en faveur des victimes de préjudices liés aux médicaments contenant du valproate de sodium.

Les victimes du valproate de sodium pourront saisir l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) en vue d'obtenir une indemnisation.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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En février 2016, une enquête de l’IGAS missionnée par la ministre de la santé (rapport n° 2015-094R) reconstituait la succession des événements et des décisions concernant l’utilisation des spécialités pharmaceutiques à base d’acide valproïque, molécule antiépileptique commercialisée depuis 1967, ayant par la suite obtenu une extension d’indication dans les troubles bipolaires et dont les effets tératogènes sont connus depuis les années 80.

 
Remarque : les spécialités de référence concernées sont : Dépakine® et Micropakine® (valproate de sodium) indiquées dans le traitement de l’épilepsie ; Dépakote® (divalproate de sodium) et Dépamide® (valpromide) indiquées dans les épisodes maniaques du trouble bipolaire. Ces spécialités sont exploitées par le laboratoire Sanofi Aventis France qui a fait l’objet, à ce titre, de la première action de groupe introduite en matière de santé. Huit médicaments génériques à base de valproate de sodium sont également commercialisés.
 
Une étude épidémiologique réalisée conjointement par l’ANSM et la CNAMTS à partir des données du système national interrégimes de l’assurance maladie (SNIIRAM), a révélé, en août 2016, que près de 2 grossesses pour 1 000 avaient été exposées à l’acide valproïque et ses dérivés entre 2007 et 2014 (soit plus de 14 000 femmes).
 
A la suite de ces informations soulignant le risque élevé de malformations congénitales et de graves troubles du développement susceptibles d’être dus à une exposition au valproate, le ministère de la santé a annoncé la mise en place d’un fonds d’indemnisation sur le modèle de la procédure instaurée en 2011 pour le Mediator (C. santé publ., art. L. 1142-24-1).
 
Le dispositif, qui entrera en vigueur au plus tard le 1er juillet 2017, vient d’être créé par l’article 150 de la loi de finances pour 2017 (C. santé publ., art. L. 1142-24-9 à L. 1142-24-18).
 
Toute personne s’estimant victime d’un préjudice en raison d’une ou de plusieurs malformations ou de troubles du développement imputables à la prescription, avant le 31 décembre 2015, de valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés pendant une grossesse, peut saisir l’ONIAM en vue d’obtenir la reconnaissance de l’imputabilité de ces dommages à cette prescription.
 
Un collège d’experts, dont la composition sera déterminée par décret, est chargé d’instruire la demande d’indemnisation (cette dernière devant préciser le nom des médicaments administrés et les éléments de nature à prouver leur administration). Le collège dispose d’un délai de quatre mois pour émettre son appréciation.
 
S’il constate l’imputabilité des dommages visés par la loi (malformations congénitales et/ou retards de développement) à la prescription de valproate de sodium ou de l’un de ses dérivés pendant une grossesse, le collège transmet la demande au comité d’indemnisation placé auprès de l’ONIAM.
 
Présidé par un magistrat, ce comité, dont la composition sera également déterminée par décret, procède à toute investigation utile à l’instruction de la demande. Au vu de l’appréciation du collège d’experts, le comité d’indemnisation se prononce sur les circonstances, les causes, la nature et l’étendue de ces dommages, ainsi que sur la responsabilité des personnes concernées, à savoir les établissements et les professionnels de santé (médecins prescripteurs, le cas échéant pharmaciens dispensateurs), les producteurs des médicaments en cause (en l’occurrence soit le laboratoire Sanofi soit les fabricants de génériques du valproate de sodium), voire l’Etat (du fait d’une carence dans l’exercice de la mission de police sanitaire dévolue à l’ANSM).
 
Le comité d’indemnisation doit rendre son avis dans un délai de trois mois à compter de sa saisine par le collège d’experts. L’avis est alors transmis à la personne qui l’a saisi et à toutes les personnes intéressées par le litige, y compris les organismes de sécurité sociale auxquels la victime est affiliée.
 
Comme l’appréciation émise par le collège, l’avis du comité ne peut être contesté qu’à l’occasion d’une action en indemnisation introduite devant une juridiction judiciaire ou administrative.
 
Les personnes considérées comme responsables disposent d’un délai d’un mois à la suite de l’avis du comité pour adresser à la victime ou à ses ayants droit une offre d’indemnisation visant à réparer intégralement les préjudices subis (si le responsable désigné est l’Etat, l’offre est adressée par l’ONIAM).
 
En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur ou des personnes responsables de faire une offre dans le délai imparti, ou en cas d’offre manifestement insuffisante, l’ONIAM se substitue à l’assureur ou à la personne responsable.
 
Dans les trois mois qui suivent l’échéance du délai d’un mois au terme duquel une offre doit être proposée ou, le cas échéant, à compter du refus explicite ou d’une offre manifestement insuffisante, l’ONIAM adresse à la victime ou à ses ayants droit une offre d’indemnisation.
 
Lorsque le comité d’indemnisation n’a pu identifier une personne tenue d’indemniser les dommages liés à un manque d’information de la mère sur les effets indésirables du médicament prescrit, il incombe également à l’ONIAM d’adresser à la victime ou à ses ayants droit, dans un délai d’un mois, une proposition d’indemnisation.
 
Si le juge compétent, saisi par la victime qui refuse l’offre de la personne responsable ou de l’assureur, estime que cette offre est manifestement insuffisante, il condamne la personne responsable ou l’assureur à verser à l’ONIAM une somme au plus égale à 30 % de l’indemnité qu’il alloue, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime.
Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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