"Des équivalents à TripAdvisor vont nous classer en fonction des avis des clients"

"Des équivalents à TripAdvisor vont nous classer en fonction des avis des clients"

18.01.2018

Gestion d'entreprise

Retrouvez chaque semaine notre interview sur un sujet d’actualité. Antoine de Riedmatten, directeur général d’In Extenso, explique la nouvelle stratégie de cette structure d’expertise comptable. Elle est orientée sur la satisfaction des clients laquelle est étroitement liée à celle des collaborateurs.

Quelle est votre vision du secteur de l’expertise comptable ?

A horizon 4 ans, nous pensons que notre secteur va connaître un peu le même phénomène que celui qu’a traversé l’hôtellerie et la restauration. Des équivalents à TripAdvisor ou Booking vont classer les professionnels comme nous, les cabinets, en fonction des avis des clients. Ce ne sera pas par la publicité que l’on sera vu mais par ces sites qui se basent sur les témoignages des clients. Nos clients deviendront nos premiers commerciaux. C’est pourquoi nous avons appelé notre plan stratégique Satisfaction. Comme on ne peut pas avoir de clients satisfaits si les collaborateurs ne le sont pas, nous faisons le pari à moyen terme de d’abord investir sur les collaborateurs, tout mettre sur les clients aurait relevé du pari à court terme. Cela se traduit par différents aspects dont le cadre de travail. Des locaux comme ceux dans lesquels vous vous trouvez ont été modernisés.

Vous êtes favorable au télétravail ?

Oui même si on ne parle pas de télétravail parce que nous ne souhaitons pas nous enfermer dans ce cadre juridique. On l’appelle In Ex at home pour bien montrer aux collaborateurs que, même s’ils sont à la maison, ils restent dans cette relation avec In Extenso et qu’ils doivent travailler de la même façon chez eux qu’au bureau. Dans les grandes métropoles, certains préfèrent travailler chez eux le mardi matin et le jeudi matin car ce sont les pires moments en termes de transport. Cette approche est adaptée selon les régions, les villes ou encore les tailles de cabinets car il faut être suffisamment nombreux dans les structures pour que ce système fonctionne. Les résultats sont assez intéressants. A notre siège, où le projet a été lancé il y a deux ans, 35 personnes sur 100 ont choisi ce système.

Il ne faut pas que tous les chefs soient en dehors de l’entreprise et que les collaborateurs se retrouvent seuls

L’idée générale consiste à dire aux collaborateurs et collaboratrices qui le souhaitent que, quand cela s’y prête, ils peuvent travailler chez eux ?

C’est décidé à l’avance, c’est-à-dire, même si cela peut évoluer, que c’est tel jour afin de ne pas désorganiser le service. Il faut l’accord de la personne et de son responsable hiérarchique. L’écueil que l’on a recueilli au début était que tous les cadres voulaient choisir ce système mais n’en voulaient pas pour leurs collaborateurs. Nous leur avons dit que cela ne marche pas comme ça. Il ne faut pas que tous les chefs soient en dehors de l’entreprise et que les collaborateurs se retrouvent seuls. Conséquence, sur les 35% de personnes qui ont choisi cette formule au siège, cela concerne les cadres et les non cadres dans le même ratio. Cela nous satisfait.

L’activité conseil d’In Extenso progresse-t-elle ?

Oui mais il faut voir ce qu’on appelle conseil. Pour nous, il ne s’agit pas de conseil en stratégie mais de conseil très basique dont le dirigeant de TPE-PME a besoin par exemple pour répondre à une demande d’une administration, pour préparer un dossier de subvention, pour recruter, pour licencier. C’est ce métier du conseil qui chez nous se développe.

Vous le percevez concrètement au niveau du chiffre d’affaires ?

Oui alors que sur la partie purement tenue comptable le marché est plutôt baissier en prix, ce qui le rend ainsi dépendant du volume. Ce volume peut évoluer en fonction du comportement des auto-entrepreneurs dans les prochains mois selon qu’ils basculent ou pas.

 Il nous faut gagner trois nouveaux clients lorsque l’on en perd deux

Vous parlez des auto-entrepreneurs qui passeraient au réel ?

Oui. C’est un petit peu compliqué de savoir car les critères annoncés de doublement ne sont pas vrais en termes de TVA. Comme le marché de la tenue comptable est plutôt porté par le volume que par les prix, nous sommes surtout orientés sur la création d’entreprises pour prendre de nouveaux clients dès le début de leur activité et les accompagner ensuite par du conseil au fur et à mesure de leur développement. Ces dernières années, il y a eu de plus en plus de création d’entreprises, indépendamment des auto-entreprises, et le nombre de défaillances d’entreprises a diminué. C’est ce nouveau marché qui génère une partie de la croissance. Nous savons qu’il nous faut gagner trois nouveaux clients lorsque l’on en perd deux.

Quel est le chiffre d’affaires réalisé par In Extenso sur le dernier exercice, c’est-à-dire 2016/2017 ?

Il s’élève à 384 millions d’euros.

Quelle en est la répartition en fonction des grandes lignes d’activité ?

Cela reste assez stable : 75 % pour la tenue comptable, 10 % pour la paie, 10 % pour le juridique et 5 % pour le reste.

Vous êtes loin de l’objectif fixé il y a quelques années par l’un de vos prédécesseurs, celui d’atteindre un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros sur 2015/2016 ?

Oui et cela ne m’empêche pas de dormir. Le plan stratégique que nous avons bâti va aboutir à atteindre un chiffre d’affaires de 550 millions d’euros à fin 2021. Mais c’est une résultante. Quand vous cherchez du chiffre d’affaires, c’est assez simple dans notre métier. Je vous rappelle qu’il doit exister 10 000 cabinets. 

C’est une résultante de quoi ?

On atteindra ce chiffre d’affaires sans problème si nous obtenons le niveau de satisfaction de nos clients et de nos collaborateurs. Mais on ne se demande pas ce qu’on doit faire pour parvenir à ce chiffre d’affaires. Que l’on réalise 380 ou 550 millions d’euros ne changera pas le marché de 10 ou 11 milliards d’euros sur lequel nous sommes présents. Par contre, si on est numéro un en termes de satisfaction clients, là on change le marché. Un client satisfait, c’est un client qui va demander d’autres types de mission que le minimum. Un collaborateur satisfait va lui-même amener des clients. L’intérêt de notre marché c’est que tous nos collaborateurs peuvent nous apporter un ou deux clients par an s’ils le veulent. Et ce collaborateur satisfait peut aussi nous aider à recruter en cooptant des personnes qu’il connaît.

Vous avez un système de rémunération particulier pour la cooptation ?

Oui. On est justement en train de le réformer. L’ancien système était trop compliqué. Il était notamment lié au grade des personnes. La prime n’était versée qu’après validation de la période d’essai, ce qui revient à mélanger les genres. C’est la responsabilité de l’employeur de choisir le collaborateur. Ce n’est pas celle de celui qui amène le CV. Il est préférable d’accorder une même prime à tout le monde et de la verser dès le recrutement.

Vous déclariez il y a un au Figaro que la déréglementation de l’expertise comptable était en marche et que vous alliez entrer dans un marché totalement concurrentiel. Qu’est-ce qui vous a fait dire cela ?

Le fait que l’on ait élu président Emmanuel Macron qui s’était déjà illustré, en tant ministre de l’économie, sur les professions réglementées. On le voit mal arrêter avec ses nouvelles fonctions. Derrière cela, il y a un mythe selon lequel les professions réglementées, que ce soit les experts-comptables, les avocats, les notaires ou les huissiers, vivent sur une rente et que du coup si on ouvre cela les prix baisseront et que cela aidera les entreprises. C’est pour cette raison qu’une mission a été confiée, à la fois au ministère de l’économie et à celui de la justice, sur les seuils du commissariat aux comptes. On en revient à ce que je disais tout à l’heure. Certes, on va diminuer les prix sur la partie la plus réglementée de notre travail mais pour nous ce qui est important c’est la relation entretenue avec le chef d’entreprise. Hier, je parlais avec un de nos clients pour qui on s’occupe de la comptabilité, du juridique et du social. Aujourd’hui, on l’aide à vendre son affaire. Nos meilleurs alliés sont les personnes qui utilisent les rapports qu’on leur produit.

 

Propos recueillis par Ludovic Arbelet

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