Destinataire de l'avis de discussion de la créance d'un établissement public

16.01.2018

Gestion d'entreprise

L'envoi de la lettre de contestation d'une créance au siège d'un établissement public vaut avis de l'existence de la contestation, peu importe que la lettre n'ait pas été adressée personnellement à l'agent comptable.

L’agent comptable d’un établissement public à caractère administratif déclare une créance au passif d’une société en liquidation judiciaire. La créance fait l’objet d’une contestation par le liquidateur.   Suivant la proposition de ce dernier, le juge-commissaire rejette la créance, faute de réponse du créancier dans le délai de trente jours à la lettre de contestation.

L’organisme créancier forme un recours en faisant valoir que ni le délai d'appel contre l'ordonnance du juge-commissaire, ni celui pour répondre à la contestation n’avaient couru, au motif que l’ordonnance et la lettre de contestation n’avaient pas été « notifiées » à son agent comptable, seul compétent pour déclarer les créances.

L’argument est accueilli par les juges d’appel pour lesquels l’envoi de la lettre de contestation, n’a donc pas fait courir le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce pour contester la proposition du mandataire judiciaire.

La Cour de cassation censure la décision. Elle précise que l’envoi de la lettre de contestation au siège de l’établissement public, qui avait la qualité de créancier, valait avis à celui-ci de l’existence de la contestation au sens de l’article R. 624-1, alinéa 2, du code de commerce, peu important que la lettre n’eût pas été adressée personnellement à l’agent comptable. La cour d’appel a ainsi violé les articles 665 et 692 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 622-27, L. 624-3 et R. 624-1 du code de commerce.

Cet arrêt met en exergue la distinction qu’il convient d’établir entre la personne qui a qualité pour agir en déclaration des créances et celle qui a qualité pour recevoir l’avis de contestation de la créance adressé par le mandataire judiciaire.

S’agissant des personnes morales de droit public il est acquis que c’est l’agent comptable (en sa qualité de représentant organique) qui a seul le pouvoir d’effectuer la déclaration de créance au nom de la personne morale (Cass. com., 31 janv. 2017, n° 15-15.983, n° 142 F - P + B + I). On aurait pu en déduire, comme la cour d’appel saisie, qu’il devienne alors également le destinataire unique et personnel de l’éventuelle lettre de contestation du mandataire judiciaire prévue par l’article L. 622-27 du code de commerce.  

Telle n’est pas la solution retenue par la juridiction suprême qui s’appuie sur les articles L. 622-27, L. 624-3 et R. 624-1 du code de commerce. Ces articles n’évoquent que « le créancier » (et ne distinguent pas selon que la créance a été déclarée par le créancier lui-même ou son mandataire). La Cour de cassation s’appuie également, sur les articles 665 et 692 du code de procédure civile. Le dernier de ces textes dispose que « les notifications destinées aux collectivités publiques et aux établissements publics sont faites au lieu où ils sont établis à toute personne habilitée à les recevoir ». On doit donc en déduire que l’envoi de la lettre de contestation aurait pu indifféremment être adressée soit à l’agent comptable, soit au créancier, pour   faire courir le délai de réponse de trente jours.  Solution déjà consacrée, sous l’empire du droit antérieur et hors du contexte des personnes morales de droit public, lorsqu’un avocat est chargé de procéder à la déclaration de créance de son client (Cass. com., 12 nov.1997, n° 95-14.225, n°2660 P).

Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I

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