Droit de rétractation : l'usage mentionné au contrat prime l'usage réel du bien acquis

17.10.2017

Immobilier

Bénéficie de la faculté de rétractation de l'article L. 271-1 du CCH l'acquéreur d'un lot de copropriété à usage commercial qu'il va transformer en habitation.

Afin de protéger l’acquéreur immobilier contre ses achats « coup de cœur » pouvant entraîner une situation de surendettement, le législateur lui a accordé un délai, initialement de 7��jours, et depuis la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, de 10 jours, pour réfléchir et pouvoir se désengager (CCH, art. L. 271-1, mod. par L. n° 2015-990, 6 août 2015, art. 210, II : JO, 7 août).
Ainsi, lorsqu’un compromis de vente est signé pour l’acquisition d’un immeuble d’habitation, l’acheteur non professionnel bénéficie d’un droit de rétractation : durant le délai légal qui lui est accordé à compter de la notification de l’acte, il peut renoncer à acheter le logement, sans avoir à se justifier par un quelconque motif.
Toutefois, la preuve de la régularité de la notification comme le domaine d’application du droit de rétractation font l’objet de nombreux contentieux, auxquels s’ajoute la présente affaire. Une SCI a vendu un bien immobilier à un particulier. Ce dernier ayant exercé sa faculté de rétractation, la sociét�� venderesse a demandé l’application de la clause pénale prévue à la promesse de vente. Ayant été déboutée en appel, elle forme un pourvoi en cassation fondé sur le droit de rétractation de l’acheteur et sa mise en œuvre.
Appréciation de l'usage du bien
Selon la SCI, les dispositions de l’article L. 271-1 du CCH ne sont applicables qu’aux immeubles ayant un usage exclusif d’habitation, et l’usage d’un immeuble serait déterminé par sa destination réelle et effective, non par les stipulations de l’acte de construction ou d’acquisition. L’usage réel et effectif du bien n’ayant pas été justifié, le droit de rétractation n’aurait pas dû s’appliquer.
En l’occurrence, le bien objet de la promesse synallagmatique de vente était un lot situé au rez-de-chaussée de l’immeuble en copropriété, rez-de-chaussée qui était à usage commercial, mais l’acquéreur s’engageait à transformer le lot en habitation.
 
La cour d’appel n’a pas suivi le raisonnement de la société venderesse et l’a déboutée. Elle a jugé que, dans les rapports entre les parties, la nature de l’objet de la vente est déterminée, non par la situation de l’immeuble, mais par le contrat qu’elles ont signé. Or l’acte d’acquisition présentant le lot acheté comme un immeuble à usage d’habitation, quelle que soit l’affectation originelle du bien, la transaction bénéficiait des règles protectrices du code de la construction et de l’habitation (CA Douai, 17 mars 2016, n° 15/03367). La Cour de cassation approuve cette solution. Ce faisant, c’est donc l’intention des parties, telle qu’entrée dans le champ contractuel, qui l'emporte ici sur l’usage effectif du bien pour l’application du droit de rétractation. Tel est l’apport majeur de la décision rendue ce 12 octobre, puisqu’elle aboutit à ce qu’un lot à usage commercial au moment de son achat, mais avec engagement de transformation à l’habitation par l’acquéreur, bénéficie de la faculté de rétractation, contrairement à la lettre de l’article L. 271-1 du CCH et à la ligne stricte de la jurisprudence sur l’interprétation de ce texte (Cass. 3e civ., 4 févr. 2016, n° 15-11.140, n° 156 P + B).
Preuve de la qualité de non professionnel
La SCI fait aussi valoir dans son pourvoi que les juges d’appel ne pouvaient faire bénéficier l’acheteur du droit de rétractation de l’article L. 271-1 du CCH sans caractériser qu’il était un acquéreur non professionnel.
 
Mais cet argument ne pouvait qu’être écarté. La société venderesse n’ayant pas soutenu devant les juges d’appel que l’acheteur était un acquéreur professionnel, ceux-ci en ont déduit à bon droit qu’il bénéficiait du délai de rétractation de l’article L. 271-1 du CCH. La Cour de cassation étant juge du droit et non juge des faits, elle ne pouvait statuer autrement. Elle peut certes rejuger l’ensemble des aspects juridiques du litige mais elle ne peut connaître des faits qu’à travers les constatations des juges du fond. La juridiction du second degré n’ayant pas été saisie de la question de la qualité de professionnel ou non professionnel de l’acquéreur, la question du contrôle de l’application des textes en la matière par les juges d’appel ne se pose pas.
Réception de la notification par un tiers
La SCI estime également qu’en énonçant que la notification de la promesse synallagmatique de vente était irrégulière, du fait que c’était la mère de l’acquéreur qui avait reçu la lettre recommandée de notification de la promesse, sans discuter ce point, alors que l’avis de réception était présumé, jusqu’à preuve du contraire, avoir été signé par son destinataire ou par son mandataire, la cour d’appel aurait violé les dispositions de l’article 1315 (devenu l’article 1353) du code civil. Mais, si le mandat pour recevoir le courrier recommandé peut effectivement être verbal comme le soutenait la venderesse, encore fallait-il en établir l’existence, ce que ne démontrait pas la seule acceptation du courrier par la mère de l’acquéreur.
Remarque : devant la cour d'appel, la SCI avait invoqué la mauvaise foi de l’acheteur sur cette question de la réception de l’avant-contrat de vente car l’accord de financement délivré par la banque qu’il avait contactée semblait établir qu’il avait effectivement reçu le document. Mais elle a été déboutée sur ce point car la mauvaise foi ne se présume pas et le document par lequel l’organisme financier informe l’intéressé de ce qu’une suite favorable a été donnée à sa demande d’emprunt, qui n’est pas une offre de contrat de prêt, n’établit pas que le compromis lui ait été communiqué.
La position des magistrats s'inscrit dans la ligne de la jurisprudence selon laquelle, lorsque l'auteur de la signature de l'avis de réception est discuté devant les juges du fond, ceux-ci doivent constater que la notification a été reçue personnellement par son destinataire ou par son mandataire pour juger que le délai de rétractation a valablement couru (Cass. 3e civ., 7 nov. 2012, n° 11-22.186, n° 1334 D ; Cass. 3e civ., 9 juin 2010, n° 09-153361, n° 726 P + B). Or ici, l’existence d’un mandat au profit de la mère de l’acheteur pour recevoir l’acte de notification n’étant pas établie, la cour d’appel en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que la notification n’était pas régulière et que le délai de rétractation n’avait pas couru, de sorte que l’acheteur pouvait se rétracter et que la clause pénale n’était pas due à la SCI venderesse.
 
Au final, si la délicate question de la réception de la notification semble trouver sa solution dans le respect drastique des textes, il n’est pas certain que la sécurité juridique soit renforcée par cette décision en ce qui concerne l’affectation des immeubles objet du droit de rétractation.

Immobilier

La gestion immobilière regroupe un ensemble de concepts juridiques et financiers appliqués aux immeubles (au sens juridique du terme). La gestion immobilière se rapproche de la gestion d’entreprise dans la mesure où les investissements réalisés vont générer des revenus, différents lois et règlements issus de domaines variés du droit venant s’appliquer selon les opérations envisagées.

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