Ehpad : faut-il en finir avec la réforme tarifaire ?

Ehpad : faut-il en finir avec la réforme tarifaire ?

08.03.2018

Action sociale

Un débat proposé par l'Ajis a permis de confronter, sur la question du financement des Ehpad, le point de vue de trois représentants du secteur avec celui de Monique Iborra, la députée chargée d'une mission d'information sur les Ehpad. Parlant d'un "système à bout de souffle", la parlementaire s'est montrée très critique sur la nouvelle tarification.

Dans l'actualité médico-sociale, le mois de mars s'annonce comme très chargé sur le dossier explosif des Ehpad. Le 14, la députée Monique Iborra (La République en marche) doit dévoiler les conclusions de sa mission d'information sur la situation des Ehpad. Le lendemain, le 15, dix syndicats appellent à une seconde journée de mobilisation dans les maisons de retraite et l'aide à domicile. Et en fin de mois, la ministre Agnès Buzyn doit préciser la feuille de route qu'elle veut suivre pour débloquer une situation particulièrement tendue.

"Lever de boucliers contre la tarification"

Dans ce contexte, la table-ronde proposée par l'Association des journalistes de l'information sociale (Ajis) sur le financement des Ehpad tombait à pic. Face à face, les représentants du secteur dans ses trois composantes (publique, associative et commerciale) et la députée Monique Iborra. Laquelle est apparue comme la plus remontée contre le système actuel de financement. Elle a rappelé qu'elle avait réclamé, en vain, une mission d'information sur les Ehpad en plein débat sur la loi ASV. C'est donc la première fois qu'une telle mission est conduite par l'Assemblée nationale. Lors de ces auditions, elle a constaté une "levée de boucliers contre cette nouvelle tarification" qui s'est mise en place en janvier 2017. Mais précise-t-elle, ce n'est pas sur la section soins que porte le débat, mais sur la section dépendance qui est du ressort des départements. "Cela provoque des inégalités fortes entre les départements", dénonce-t-elle. En effet, ceux-ci sont responsables de la fixation du point GIR départemental qui varie quasiment du simple au double : en 2017, il s'établissait à 5,68 € dans les Alpes-Maritimes et à 9,47 € en Corse-du-Sud.

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"Les inégalités ne sont pas nouvelles"

Le point de vue est très différent du côté du Synerpa qui regroupe essentiellement des Ehpad commerciaux. Fatiguée de "l'Ehpad bashing", sa déléguée générale Florence Arnaiz-Maumé rappelle que le secteur revient de loin, qu'il a produit un travail remarquable pour améliorer les conditions d'hébergement et sortir de son image, pas si ancienne, de mouroir. Les pouvoirs publics n'ont pas lésiné sur leurs efforts. "L'Ondam personnes âgées, explique-t-elle, a doublé en dix ans." Quant à la réforme de la tarification, elle rappelle qu'elle était dans les tuyaux depuis belle lurette. Donc, il n'est pas possible d'arguer l'effet de surprise. Quant aux inégalités mises en avant entre départements, elles ne sont pas nouvelles. "La réforme n'a fait que les rendre visibles", explique-t-elle. Sur le fond, elle se félicite d'une réforme qui a permis de donner des moyens supplémentaires à 80 % des établissements commerciaux qui étaient historiquement sous-dotés.

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400 millions d'euros sur sept ans

Le représentant de la Fehap, Julien Moreau, n'est pas loin de partager l'avis du Synerpa. Il défend notamment le principe de justice à l'échelle d'un département. Les structures historiquement mal dotées dans la section dépendance peuvent ainsi rattraper leur retard. "Nous restons favorables à cette réforme qui va apporter 400 millions d'euros sur sept ans", affirme le directeur du social et du médico-social à la Fehap. Pour autant, certaines situations sont difficiles et mériteraient des correctifs. "Certains de nos adhérents ont perdu 200 000 à 300 000 euros", reconnaît-il.

Maintenir des Ehpad publics ?

Le son de cloche est quelque peu différent du côté des Ehpad publics. On sait que la Fédération hospitalière publique (FHF) a chiffré à 200 millions d'euros la perte pour les établissements de ce secteur. L'Unccas, de son côté, ne cache pas son embarras. "Au départ, nous étions plutôt favorable à la réforme, soutient son délégué général Benoît Calmels. Mais on est critique sur ses effets." Ainsi, les six Ehpad de la ville de Clermont-Ferrand ont perdu 375 000 euros, ce qui représente 11 ETP. "D'après une enquête auprès d'une cinquantaine de nos adhérents, la question que se posent les élus est la suivante : puis-je maintenir sur ma commune des Ehpad publics ?", relate le responsable de l'Unccas.

Revoir l'outil GIR

Dans ces conditions, que faut-il faire ? Sans dévoiler la teneur de son rapport, Monique Iborra a laissé entendre qu'elle proposerait des évolutions importantes. "Je ne suis pas convaincue que la réforme aille dans le bon sens, a-t-elle asséné. Le personnel est insuffisant, il y a un vrai problème d'organisation. Le système est à bout de souffle." L'outil de mesure du GIR qui sert de base dans le calcul des forfaits soin et dépendance, n'est plus opérationnel, notamment pour mesurer les troubles psychiques. Plus globalement, elle s'interroge sur le modèle Ehpad : est-il toujours adapté au public accueilli alors même que celui-ci a profondément évolué ?

Injonctions contradictoires

Même s'ils demandent des correctifs ou des garde-fous, les représentants des organisations professionnelles ne souhaitent pas tout polariser sur le système de financement. "On a mis en place une organisation sans discuter du liquide qu'on mettait dans les tuyaux", estime Benoît Calmels. Pour sa part, Julien Moreau dénonce des injonctions contradictoires autour des Ehpad : "Les textes parlent de faire des maisons de retraite des lieux de vie. Or, on y applique des normes tirées du modèle hospitalier." Il faudra donc que la société choisisse le type d'établissements qu'elle désire.

La déléguée générale du Synerpa, quant à elle, souhaite que les pouvoirs publics fassent du grand âge une cause nationale. "La priorité doit être d'avoir un Ondam personnes âgées en forte augmentation. Il faut par ailleurs rendre les métiers plus attractifs pour éviter la pénurie de personnels. Sinon à quoi servirait d'obtenir un milliard d'euros si on ne peut pas le dépenser ?"

Noël Bouttier
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