En adoptant un code de déontologie, les RH québécois veulent "protéger le public"

En adoptant un code de déontologie, les RH québécois veulent "protéger le public"

18.07.2018

Gestion du personnel

Alors que la CFE-CGC et le Lab RH viennent de lancer une charte éthique et numérique, retour sur le code de déontologie québécois en vigueur depuis 20 ans. 10 500 DRH, responsables RH et consultants y adhèrent sur un total d’environ 20 000 professionnels RH. Les explications de Manon Poirier, directrice générale de l’ordre des conseillers en ressources humaines agréés.

"L’ordre des conseillers en ressources humaines agréés est résolument engagé dans sa mission de protection du public par le contrôle et la surveillance de sa profession", affirme, dans son préambule, le code de déontologie québécois adopté par l’ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) voilà … 20 ans. Car dans cette province du Canada, les DRH et consultants peuvent, s’ils le souhaitent, appartenir depuis cette date à l’un des 46 ordres qui réglementent les professions. Seule distinction, par rapport aux médecins ou aux avocats, l’adhésion à cet ordre est facultatif. "S’ils le font, ils sont alors soumis à un code de déontologie", assure Manon Poirier, directrice générale de l’ordre. 10 500 professionnels RH, exerçant en entreprise ou consultants extérieurs, y adhèrent sur un total d’environ 20 000.

Formation obligatoire

Ethique, probité, indépendance professionnelle, objectivité, confidentialité… D’une vingtaine de pages, le code liste les droits et devoirs de la profession. Le professionnel RH s’engage ainsi à tenir compte "des mesures d’hygiène et de la sécurité nécessaires", de "la protection de la santé mentale et physique des personnes qu’il a sous son autorité", de l’importance "des cours et des programmes d’avancement, de formation, de perfectionnement ou de promotion" des salariés ou encore à respecter "la confidentialité des dossiers".

Autres axes forts : le code prévoit une obligation de formation continue pour les professionnels RH. A la fois pour les conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) et les conseillers en relations industrielles agréés (CRIA). Ils sont tenus d’effectuer 60 heures de formation tous les trois ans dont deux heures de cours en déontologie. Parmi les thématiques figurent la gestion des relations au travail, le gestion du développement organisationnel, les compétences relationnelles et personnelles ou encore la gestion du développement des compétences…

Le code précise qu’ils doivent se garder d’avoir recours à "des pratiques discriminatoires, frauduleuses ou illégales". L’indépendance professionnelle est aussi un trait caractéristique des membres de l’ordre : "éviter toute situation où ils seraient en conflit d’intérêts et toute tâche contraire à leur conscience professionnelle fait partie de leurs obligations". Par ailleurs, la préservation du secret professionnel est un devoir fondamental.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Responsabilité civile et personnelle engagée

Le code énumère également une série d’actes dérogatoires à la dignité de la profession, comme par exemple, "produire une déclaration ou un rapport qu’il sait être incomplet, sans indiquer de réserve appropriée, ou qu’il sait être faux". En outre, le professionnel RH doit engager sa responsabilité civile. Ainsi, il lui est "interdit d’insérer dans un contrat de services professionnels une clause excluant directement ou indirectement, en totalité ou en partie, sa responsabilité civile et personnelle". Les conseillers en ressources humaines agréés souscrivent aussi à une police d’assurance couvrant leur responsabilité professionnelle pour toute faute ou omission commise dans l’exercice de la profession.

En somme, ce code constitue "l’épine dorsale de la profession", insiste Marion Poirier. Par leur adhésion aux principes et règles de conduite qui y sont énoncées, les CRHA et CRIA s’engagent à agir "avec professionnalisme", ce qui constitue "une valeur ajoutée dont aucune organisation ne peut se passer".

Procédure disciplinaire

Cela bouleverse-t-il les pratiques de la profession ? En cas de manquement, le code a établi une procédure disciplinaire. En effet, un salarié peut déposer une plainte au bureau du syndic de l’ordre professionnel s’il croit qu’un professionnel RH a manqué aux lois et règlements auxquels il est soumis. Celui-ci saisit alors le conseil de discipline, composé d’un avocat du bureau des présidents des conseils de discipline et de deux membres de l’ordre.

Au cours de l’exercice 2016-2017, le bureau du syndic a ainsi reçu 27 demandes d’enquête concernant un membre de l’ordre, soit une augmentation de 80% par rapport à 2015-2016 alors que 15 demandes d’enquête avaient été reçues. Elles émanent de salariés, actuels ou anciens, de l’organisation qui emploie le membre visé. Mais quelques demandes proviennent également de candidats qui n’ont pas été embauchés dans l’entreprise dans lequel le professionnel RH concerné exerce.

Motifs ? La plupart des plaintes concernent le respect des normes lors d’une procédure de licenciement, la protection des renseignements personnels, le dossier médical partagé, l’enquête interne en matière de harcèlement au travail menée en dehors de tout cadre, le processus d’embauche, les sondages et les diagnostics organisationnels. Parmi les autres motifs figurent la conduite d’un membre pour avoir tenu des propos discriminatoires ou encore le manque de courtoisie ou d’objectivité.

Manquement déontologique

Au total, 23 enquêtes ont effectivement été menées en 2016-2017. Au terme de celles-ci, le bureau du syndic a déposé trois plaintes devant le conseil de discipline. Il a estimé qu’il n’y avait pas lieu de déposer une plainte disciplinaire dans 15 dossiers. Toutefois, "un avertissement formel a été émis au membre faisant l’objet d’une enquête dans quatre dossiers et deux de ces dossiers ont fait l’objet d’une conciliation entre les parties". Autrement dit, "il y a eu un manquement déontologique dans près de 40% des cas ayant fait l’objet d’une enquête du bureau du syndic", selon le rapport d’activité. Enfin, cinq dossiers n’ont pu donner lieu à l’ouverture d’une enquête, "les motifs évoqués ne relevant pas de la compétence du bureau du syndic".

Selon les chefs d’accusation, le professionnel RH incriminé peut être redevable d’une amende de 6 000 à 21 000 euros. Mais la sentence peut être plus lourde : il peut aussi être radié, soit temporairement soit définitivement. L’an passé, un DRH a écopé de 21 000 euros pour "entrave au code de déontologie". Et en 2016, une personne a été radiée.

Anne Bariet
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