Entre annulation partielle et régularisation, ou comment sauver les PLU

20.10.2016

Immobilier

L'annulation partielle de la délibération approuvant le PLU ne fait pas obstacle à la régularisation d'un vice de procédure, en application de l'article L.600-9 du code de l'urbanisme. Par ailleurs, seule la prise en compte de l'intérêt personnel d'un élu ayant exercé une influence peut entraîner l'illégalité de la délibération à laquelle il a participé.

Le Conseil d'État précise, dans un arrêt à paraître au Lebon, les modalités de mise en oeuvre des dispositions de la loi ALUR qui permettent au juge, d'une part, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation d'un vice de procédure, d'autre part, de prononcer une annulation partielle du PLU. Il apporte, en outre, des précisions importantes sur la notion de conseiller municipal intéressé dans le cadre de l'adoption d'un PLU (CE, 12 oct. 2016, n° 387308).

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De l'influence d'un conseiller à la prise en compte de son intérêt personnel

Aux termes de l'article L. 2131-11 du CGCT, les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil municipal intéressés à l'affaire sont illégales. Le Conseil d'État a déjà eu l'occasion de préciser que l'llégalité du PLU peut résulter, non seulement de la participation d'un conseiller interessé au vote permettant l'adoption du plan, mais aussi de sa contribution aux travaux préparatoires et aux débats précédant cette adoption, même si elle n'est pas suivie d'une participation au vote, dès lors que l'élu a été en mesure d'exercer une influence effective sur la délibération ( CE, 21 nov. 2012, n° 334726). Dans la présente affaire, le Conseil d'État affine sa jurisprudence en apportant la réserve suivante : "cependant, s'agissant d'une délibération déterminant des prévisions et règles d'urbanisme applicables dans l'ensemble d'une commune, la circonstance qu'un conseiller municipal intéressé au classement d'une parcelle ait participé aux travaux préparatoires et aux débats précédant son adoption ou à son vote n'est de nature à entraîner son illégalité que s'il ressort des pièces du dossier que, du fait de l'influence que ce conseiller a exercée, la délibération prend en compte son intérêt personnel".

En l'espèce, les requérants reprochaient à une conseillère municipale, mariée au gérant d'un supermarché, d'avoir participé au vote alors que le PLU approuvé rendait possible le déplacement et l'extension de ce magasin. Le moyen est rejeté. L'élue en cause n'avait pas pris une part active aux débats et la délibération ne pouvait être regardée comme ayant tenu compte de son intérêt personnel du fait de son influence. Son intérêt se confondait avec ceux de la généralité des habitants de la commune.

De la régularisation du vice tenant à l'insuffisante information préalable des conseillers municipaux

Les membres du conseil municipal doivent disposer, avant la séance d'adoption du PLU, de l'ensemble des éléments du projet de plan sur lequel ils sont amenés à délibérer (CGCT, art. L. 2121-12). Cette obligation a pour but de leur permettre de connaître le contexte et de comprendre les motifs de fait et de droit ainsi que les implications des mesures envisagées. En l'espèce, cette exigence n'avait pas été satisfaite. La note envoyée aux élus ne comportait aucune explication sur les partis retenus par le plan, sur le sens de l'avis émis par le commissaire-enquêteur ou sur la portée des modifications apportées au projet à la suite des avis émis.

La cour administrative d'appel avait estimé que cette irrégularité, intervenue postérieurement au débat sur les orientations du PADD, était susceptible de régularisation par une nouvelle délibération respectant l'obligation d'information préalable. Ce faisant, elle avait appliqué à une instance en cours les dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme issues de la loi ALUR.

Le Conseil d'État valide l'arrêt d'appel sur ce point. D'une part, il confirme l'applicabilité immédiate, en l'absence de dispositions expresses contraires, de ces règles de procédure relatives aux pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l'urbanisme. D'autre part, l'irrégularité tenant à l'insuffisante information des élus était bien susceptible de régularisation par une nouvelle délibération.

Du cumul de la régularisation et de l'annulation partielle de la délibération approuvant le PLU

Le sursis à statuer dans l'attente d'une régularisation peut se cumuler avec une annulation partielle du plan. Ce que le Conseil d'État confirme en ces termes : "la circonstance que le juge décide l'annulation partielle d'une délibération approuvant un plan local d'urbanisme au motif que certaines dispositions divisibles de ce plan sont entachées d'illégalité ne saurait faire obstacle, par elle-même, à ce que, pour le reste de la délibération, il fasse application des dispositions de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, si les conditions qu'elles posent sont remplies". Autrement dit, le juge peut valablement surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation d'un vice de procédure et prononcer, par ailleurs, l'annulation partielle d'une disposition divisible du même plan, un zonage ponctuel en l'espèce.

Les auteurs du PLU avaient délimité, dans les zones naturelles et agricoles, des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitée (STECAL) pouvant accueillir des constructions. Pour rejeter le moyen tiré de  l'illégalité de ce pastillage, la cour administrative d'appel s'était fondée sur les dispositions de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme, telles que modifiées par la loi Grenelle II. Or, il se trouve que ces modifications n'étaient pas entrées en vigueur, et qu'au surplus, elles ne s'appliquaient pas aux PLU en cours de procédure.

Le Conseil d'État retient l'erreur de droit commise par la cour qui a appliqué des dispositions dont la portée n'était pas équivalente à celles des anciens articles R. 123-7 et R. 123-8, alors applicables. Il annule en conséquence les deux arrêts d'appel (l'arrêt avant-dire droit et l'arrêt mettant fin à l'instance après régularisation) en tant qu'ils statuent sur la légalité des délibérations approuvant le PLU pour la création des zones Nh, et renvoie l'affaire devant la cour. Le juge suprême précise que les dispositions portant création de ces zones sont divisibles et ne pourraient en tout état de cause faire l'objet que d'une annulation partielle. Il estime, en revanche, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en prononçant, par ailleurs, un sursis en application de l'article L. 600-9, 2°, du code de l'urbanisme.

Remarque : le requérant s'étant pourvu en cassation contre les deux arrêts d'appel, le Conseil d'État admet la contestation, par la commune, de l'arrêt avant-dire droit, par la voie du pourvoi incident.

 

Laurence Guittard, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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