Entre ses murs, le Palais Bourbon part de loin pour mieux prendre en compte le handicap

Entre ses murs, le Palais Bourbon part de loin pour mieux prendre en compte le handicap

12.04.2018

HSE

Dans le cadre de leurs travaux sur les conditions de travail à l’Assemblée nationale, les députés s’attachent à trouver des voies pour progresser dans l’accueil et l’intégration des personnes en situation de handicap. Entre des tabous à briser, des marches à aplanir et un recrutement à développer, c'est là un vaste chantier qui se dessine.

"L’Assemblée nationale se doit de donner l’exemple." Une affirmation récurrente dans le groupe de travail sur la prise en compte du handicap dans le fonctionnement de l’Assemblée nationale, qui se réunit depuis quelques semaines dans le cadre de son plan de réformes 2017-2022.

 

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L'institution a du pain sur la planche. Les 10 députés qui s'y emploient doivent rendre leurs propositions fin mai. Fin mars, ils avaient déjà mené plusieurs auditions, dont les syndicats des personnels, associations et syndicats de collaborateurs parlementaires, associations représentant les personnes en situation de handicap.

Concours dédiés… à la fin des années 1980

L’état des lieux est peu reluisant. Certes, l’Assemblée peut afficher un taux d’emploi de 6,4 %, dépassant ainsi l’obligation légale. Mais ce taux est essentiellement atteint grâce à un système de compensation qui comptabilise les travaux d’aménagement et l'achat de produits ou de main d'œuvre.

Si l’Assemblée est mauvaise élève, c’est d’abord parce qu’elle ne recrute pas. Cette "petite administration" de 1 100 personnes, rappelle François Rampin, secrétaire général adjoint du Span-CGT et membre du CHS (comité d'hygiène et de sécurité) a pourtant organisé des concours dédiés, mais c'était à la fin des années 1980. Les syndicats défendent la nécessité de les relancer.

Aujourd'hui, explique François Rampin, les travailleurs handicapés de l'Assemblée ont été recrutés par le concours "classique" et ont eu un handicap en cours de carrière. D’après le service des ressources humaines, "46 personnes bénéficient de l’obligation d’emploi, et la moyenne d’âge des fonctionnaires de l’Assemblée reconnus handicapés est de 55 ans", précise Véronique Rotkopf, représentante du Snafan-FO.

Jean-Paul Mattei, député Modem des Pyrénées-Atlantiques, suggère que les groupes politiques soient obligés de "faire appel à des collaborateurs en situation de handicap", estimant que ce serait plus facile à réaliser que pour un député de manière individuelle.

Tabou

Comme le privé, l'Assemblée a du travail pour briser le tabou du handicap. Plusieurs personnes auditionnées ont souligné la difficulté d'en parler, par peur de l'impact sur leur carrière. Alain Géry, engagé syncalement chez Solidaires et membre du CHS, travaille à la logistique de l'Assemblée depuis plus de 30 ans. Il est "premier agent" au courrier depuis 22 ans, avec des "notes excellentes" et un handicap "plus ou moins visible", témoigne-t-il.

"Je souffre d’une hypothyroïdie congénitale. […] Je fais les choses un peu plus lentement que les autres, mais je marche, et j’agis à peu près comme tout le monde." Avant la retraite, il aimerait bien évoluer. "On me dit que je pourrai aspirer à obtenir le grade de chef de groupe – ce qui serait bien –, mais cela fait des années que j’entends cela de la part de la direction de mon service."

Alain Géry a fini par aller trouver les services administratifs, qui lui ont répondu craindre qu'un changement de service ne le déstabilise. "Ils n’y sont pas du tout !, regrette-il. Si je suis affecté dans un autre service, j’apprendrai un nouveau travail. Je saurai le faire – j’apprends en prenant des notes, jusqu’à ce que j’y arrive. Une fois que j’aurai compris comment les choses fonctionnent, ça ne posera pas de problème."

Accessibilité compliquée

L'accessibilité s'est améliorée dans les bâtiments anciens et protégés du Palais Bourbon, mais il y a encore des marges de progrès. Maxime Torrente, de l'AFCP (association française des collaborateurs parlementaires) évoque ainsi "l’installation de plateformes d’accès aux fauteuils roulants à la commission des finances et à la salle des Quatre colonnes". Sa consœur Lova Rajaoarinelina, qui représente la CoDem, "une jeune association de collaborateurs parlementaires", observe en revanche que "les bureaux des parlementaires ne sont pas accessibles aux collaborateurs qui seraient en fauteuil roulant", alors que "des adaptations mineures pourraient améliorer la situation".

L'accès à l'hémicycle lui-même reste très difficile. Les deux rampes sont "extrêmement raides", décrit Fabrice Letrécher, du Snafan-FO. Elles ne sont tout simplement "pas aux normes", confirme Philippe Botton, administrateur de l’APF (association des paralysés de France) et fonctionnaire de l’Assemblée. Pour permettre au président du Bundestag d'accéder à la tribune, il a fallu porter son fauteuil, raconte Patrice Pétriarte, de Solidaires. Damien Abad (LR, Gard) est aujourd'hui le seul député reconnu comme personne handicapée. Même s'il n'est pas en fauteuil, il a quelquefois besoin d’être accompagné par un auxiliaire.

Pistes

Comment progresser ? Parmi les pistes évoquées : former, informer et sensibiliser, créer des référents handicap, ou encore développer le télétravail, avec un point de vigilance : l’isolement. L’Assemblée piochera sans doute dans les bonnes pratiques du privé, avec une pression en plus, celle d’être exemplaire.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Virginie Leblanc
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