Epilation à la lumière pulsée : l'arrêt qui horripile les centres d'esthétique

16.01.2017

Droit public

Constitue un trouble manifestement illicite la pratique de l'épilation à la lumière pulsée par des non-médecins.

La Cour de cassation prend décidément les instituts d’esthétique à rebrousse-poil. Après plusieurs juridictions du fond (cf notamment T. corr. Orléans, ch. corr., 11 mars 2014, n° 13157000083 ; CA Paris, ch. 4-9, 7 nov. 2013, n° 11/21067 ; CA Paris, ch. 2-8, 22 juin 2009, n° 08/08260), la Haute Cour vient de marquer un coup d’arrêt à la pratique de l’épilation à la lumière pulsée par des non-médecins.
 
Dans la droite ligne de sa jurisprudence sur l’épilation au laser (Cass. crim., 8 janv. 2008, n° 07-81.193), la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 14 décembre 2016 par la 1ère Chambre civile, affirme en effet que constitue un trouble manifestement illicite la pratique (de plus en plus répandue) de l’épilation à la lumière pulsée par des non-médecins et notamment par des esthéticiennes.
 
Saisie de deux pourvois contre un arrêt rendu le 4 juin 2015 par la cour d’appel de Douai, ayant fait interdiction à des sociétés de soins de beauté, sous astreinte, de pratiquer l’épilation à la lumière pulsée, la Cour de cassation confirme l’arrêt entrepris.
 
Les auteurs du pourvoi contestaient tout d’abord la qualité pour agir du Syndicat national des dermatologues vénérologues, au motif que « la profession de dermatologues-vénéréologues ne disposait d’aucune compétence particulière en matière d’épilation ». La Cour rappelle qu'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi réserve le droit d'agir à certaines personnes. Or ce syndicat est ouvert à tous les membres de la profession de médecin et, en reprochant aux sociétés poursuivies des pratiques que la loi réserverait aux médecins, le Syndicat invoquait une atteinte aux intérêts professionnels de ses membres. Peu importe, par conséquent, la spécialité médicale représentée par le syndicat requérant : tous les syndicats de médecins, pour peu qu’ils soient ouverts à tous les médecins ou que la spécialité de leurs membres soit directement concernée, ont ainsi qualité à agir pour préserver un monopole médical.
 
Les auteurs du pourvoi invoquaient ensuite l’article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui interdit aux États membres de restreindre la liberté d’établissement sur leur territoire des ressortissants d’un autre État membre. La Cour de cassation rappelle que tous les éléments du litige étant cantonnés au territoire français, il n’y a pas lieu ici d’appliquer ce texte. La Haute Cour n’avait donc pas à examiner, au fond, la conformité de l’arrêt entrepris ni de la législation française avec le texte susvisé. Il convient cependant d’observer que l’article 49 vise à prohiber les discriminations à l’établissement entre les ressortissants d’un État et les ressortissants étrangers. Il n’interdit nullement de restreindre l’accès à certaines professions ou à la pratique de certains actes pour des raisons de santé publique, comme c’est le cas en l’occurrence. Les ressortissants français et étrangers font bien l’objet d’un traitement identique s’agissant de la pratique de l’épilation.
 
Les auteurs du pourvoi contestaient enfin qu’il leur ait été enjoint sous astreinte de cesser la pratique de l’épilation à la lumière pulsée, alors selon eux que le juge des référés « ne peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent qu’afin de prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite » et que « la seule méconnaissance d’une réglementation – à la supposer établie - n’est pas en elle-même constitutive d’un trouble manifestement illicite ». La Cour de cassation rappelle que la violation évidente d’une règle de droit constitue un trouble manifestement illicite et décide, dans un attendu limpide, que la pratique de l’épilation à la lumière pulsée par des non-médecins est contraire à l’article 2-5° de l’arrêté ministériel du 6 janvier 1962 en vertu duquel « les épilations à la pince et à la cire sont les seuls modes d’épilation qui peuvent être pratiqués par d’autres professionnels que les médecins ».
 
La situation est ainsi parfaitement claire et les centres d’esthétique, fort nombreux, qui proposent l’épilation à la lumière pulsée ou au laser réalisée par des non-médecins ont de quoi se faire des cheveux blancs : ces pratiques sont à n’en pas douter contraires à la réglementation française et peuvent conduire leurs auteurs à une double condamnation. Sur le plan civil, ils peuvent se voir enjoindre sous astreinte de cesser une telle activité, outre d’éventuels dommages et intérêts au profit des représentants de la profession de médecin (ordre professionnel et syndicats). Pénalement, ils encourent les sanctions prévues pour l’exercice illégal de la médecine, soit 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

Découvrir tous les contenus liés
Maïalen Contis, Docteur en droit, avocat au barreau de Toulouse
Vous aimerez aussi

Nos engagements