Etats généraux de l'alimentation : de la feuille de route au projet de loi

15.01.2018

Environnement

Après 5 mois de discussions autour de 14 ateliers nationaux, les nombreuses actions retenues ont notamment l'ambition de promouvoir des choix de consommation privilégiant une alimentation saine, sûre et durable. Un projet de loi vient d'être finalisé, qui vise à "remettre totalement à plat les règles du jeu".

La journée de clôture des États généraux de l'alimentation (EGA) a été l'occasion, pour le ministère chargé de l'agriculture, d'annoncer les principales actions retenues, certaines relevant d'une thématique environnementale. Des réactions associatives se sont faites entendre à l'issue de la clôture, suivies, début 2018, par l'élaboration d'un projet de loi.

Accompagner la transformation des modèles de production pour mieux répondre aux attentes des consommateurs (actions EGA)
Développer les signes de qualité et l’agriculture biologique
Les plans de filière devront désormais contenir des objectifs de développement de l’offre de produits sous signes de qualité ou labels.
Un nouveau plan "Ambition bio" devrait être défini au premier trimestre 2018, avec des objectifs chiffrés précis d’ici à 2022.
Précision : la discussion sera engagée dès le début d’année sur les mesures prioritaires, les financements et l’accroissement des débouchés en restauration collective.
Les signes officiels de qualité et d’origine seront encouragés à inclure dans leur cahier des charges un volet de pratiques environnementales.
Réussir la transition écologique de l’agriculture française
Les mesures adoptées dans cet objectif sont les suivantes :
- les conditions de séparation de la vente et du conseil des pesticides et le délai de mise en oeuvre de cette mesure devront être précisées au plus tard à la fin du 1er semestre 2018 ;
- les modalités de mise en oeuvre du calendrier d’élimination progressive des pesticides, dont le glyphosate, devront également être précisées avant cette date ;
- le programme Ecophyto sera adapté, dans sa gouvernance, son pilotage opérationnel et son financement pour accélérer la mise en oeuvre des solutions ;
- la mise sur le marché de produits alternatifs (bio-contrôle) sera encouragée (simplification des procédures) ;
- la Stratégie européenne sur les perturbateurs endocriniens et les nanomatériaux sera déclinée au 1er semestre 2018.
Mettre en oeuvre un plan pour la restauration collective en renforçant la place de l’alimentation dans les politiques locales
L’approvisionnement de la restauration collective devra comprendre, en 2022, 50% de produits bio, sous autres signes de qualité ou locaux, dont 20% de produits issus de l’agriculture biologique.
Remarque : le Groupement d’étude des marchés en restauration collective et de nutrition (GEMRCN) devra être réactivé  sous la forme d'un "Conseil national de la restauration collective" et son action, rénovée, notamment pour faciliter le transfert de bonnes pratiques.
La formation des acheteurs publics aux règles des marchés publics sera renforcée et le développement des filières locales facilité par la simplification de la logistique (adaptations réglementaires concernant les possibilités de transport/livraisons de denrées par les producteurs).
Répondre aux attentes sociétales en matière de bien-être animal
La mise en oeuvre des plans de filière devra permettre aux acteurs concernés d’affiner et de concrétiser leurs engagements en matière de bien-être animal.
Les associations de protection animale pourront notamment se constituer en partie civile concernant les infractions relatives à la maltraitance animale au titre du code rural.
Les sanctions pénales en cas de mauvais traitements des animaux sont renforcées et étendues aux établissements d’abattage et de transport des animaux vivants.
Remarque : à noter également que l'émergence d'un réseau structuré des abattoirs, incluant les abattoirs de proximité, et adapté aux besoins de la production et de la consommation, sera encouragée.
Promouvoir des choix de consommation privilégiant une alimentation saine, sûre et durable, accessible à tous (actions EGA)
Mettre en oeuvre une surveillance efficace pour identifier et évaluer les risques
Parmi les mesures adoptées en la matière :
- les plates-formes d’épidémiosurveillance (santé végétale, santé animale, alimentation) seront renforcées ;
- les modalités et financements des études d’évaluation et d’autorisation des substances seront redéfinis ;
- la concertation entre l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et les agences nationales
d'évaluation sera améliorée ;
- la France devrait porter au niveau européen la création d’un Observatoire des risques sanitaires liés aux non conformités pour les produits agroalimentaires importés dans l'Union européenne.
Renforcer les moyens et les pouvoirs de contrôle et de sanctions de l’Etat
Un retour d’expérience devra être réalisé dans les 6 mois suivant une crise alimentaire et/ou sanitaire, impliquant des représentants des acteurs concernés.
Les moyens de contrôle de l’État et leur coordination seront renforcés et la responsabilité des opérateurs de places de marché électroniques ("market place") sera affirmée.
Les pouvoirs de contrôle et de sanction seront renforcés dans la gestion des risques alimentaires, notamment dans le cadre des nouveaux modes de consommation.
Prendre en compte l’alimentation comme un déterminant majeur de la santé
Parmi les nombreuses actions adoptées dans ce cadre, figure l'éducation alimentaire des plus jeunes, notamment en rendant obligatoires l’éducation à l’alimentation et la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC).
Renforcer l’information générale du consommateur par une communication simple et positive
Cette communication devra porter sur les repères nutritionnels actualisés, les comportements alimentaires favorables à la santé, les signes de qualité (Standard RSE, SIQO, HVE), les règles sur la fiabilité des allégations ainsi que les transformations de l’agriculture (agro-écologie, diversification, économie circulaire…).
Prévenir le gaspillage alimentaire et favoriser le don
Parmi les mesures prises dans cet objectif :
- l’aide alimentaire sera élargie à une approche plus globale de lutte contre l’insécurité alimentaire ;
- un diagnostic sera rendu obligatoire dans la restauration collective et dans les industries agroalimentaires, et des outils prédictifs seront diffusés ;
- le gaspillage alimentaire sera ajouté comme l’un des volets possibles de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) ;
- l’obligation de dons des excédents alimentaires à des associations d’aide alimentaire sera étendue aux établissements de restauration collective et aux industries agroalimentaires au-delà d’un seuil à déterminer ;
- des initiatives de distribution de bons alimentaires pour des produits frais seront encouragées entre enseignes, associations caritatives et collectivités locales.
Pour la ministre chargée de la santé, "la lutte contre la précarité alimentaire doit être inscrite dans le projet de loi comme axe majeur de la lutte contre la pauvreté et les exclusions mais aussi dans le code de l'action sociale et des familles".
Autres actions intéressant l'environnement (actions EGA)
D'autres actions ont été évoquées, parmi lesquelles :
- élaborer le volet agricole de la feuille de route de l’économie circulaire ;
- porter une ambition politique forte au niveau européen pour une future PAC, qui :
  • valorise et rémunère les services environnementaux de l'agriculture,
  • favorise les transitions climatiques, énergétiques, territoriales, en encourageant la transformation des pratiques et des systèmes de production,...;
- veiller à l’équilibre des relations internationales : l’agro-écologie et l’agriculture vivrière seront soutenues dans les dispositifs d’aide au développement, un nouveau plan d’action pour développer le commerce équitable sera également adopté ;
- soutenir la recherche et l’innovation (transformation des systèmes agricoles vers l’agro-écologie, alternatives aux produits phytosanitaires, alimentation humaine, bio-économie durable, numérique et données,...).
Réactions de la plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire
Du côté de la plateforme citoyenne, regroupant une cinquantaine d'organisations de la société civile, "les conclusions des EGA doivent maintenant être transformées en engagements concrets qui répondent aux attentes sociétales et citoyennes, en cohérence avec le discours d'Emmanuel Macron (v. notre actualité du 31 octobre 2017 "États généraux de l'alimentation : la feuille de route présidentielle à mi-parcours").
 
Les actions apparaissant prioritaires à ce collectif devront notamment porter sur :
- l'allocation de moyens pour une restauration collective responsable, via une prime à la conversion des cantines ;
- un plan d'action pour la sortie des pesticides (et du glyphosate en 3 ans), avec des moyens réglementaires, financiers et fiscaux ;
- un plan d'action contre la contamination chimique de l'alimentation (perturbateurs endocriniens, huiles minérales, nanos,...) dans le cadre d'une politique efficace de santé environnementale, des mesures pour améliorer la composition nutritionnelle des produits alimentaires et l'information des consommateurs ;
- un plan bio ambitieux doté de moyens : objectifs de 20% de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique en 2022 et mise en oeuvre des paiements pour services environnementaux ;
- des mesures concrètes pour réduire l'impact climatique de notre alimentation grâce notamment à un plan visant à l'autonomie en protéines végétales de la France  (diminution des engrais et lutte contre l'importation de produits issus de la déforestation) ;
- les engagements forts pour faire évoluer les standards de bien-être animal et favoriser les modes d'élevages plus respectueux, comme l'interdiction de la production d'oeufs de poules élevées en cages ;
- une réforme de politique agricole de l'eau ;
- la réglementation des nouveaux OGM.
Dépôt d'un projet de loi "pour (...) une alimentation saine et durable"
Annoncé par le Premier ministre lors de la conclusion des EGA avec "l'idée de remettre totalement à plat les règles du jeu", un projet de loi "pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable" vient d'être finalisé.
 
En matière environnementale, trois principaux sujets devraient ainsi connaître une traduction législative :
- inscription de l'objectif de 50% de produits bio, locaux ou écologiques dans la restauration collective d'ici 2022 (un nouveau programme devrait être élaboré avant l'ouverture du salon de l'agriculture) ;
- lutte contre le gaspillage alimentaire (l'obligation de proposer aux associations caritatives habilitées une convention visant à permettre de céder des denrées alimentaires à titre gratuit devrait notamment être étendue à certains opérateurs de l'agroalimentaire) ;
- renforcement des sanctions pour non-respect du bien-être animal. 
Précision : ces nouvelles dispositions devraient permettre de faire bénéficier les personnes dénonçant de mauvais traitements sur les animaux des dispositions relatives aux lanceurs d'alerte issues de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin 2.
 
A noter que le Gouvernement serait également habilité à prendre par ordonnance des dispositions relatives au cadre législatif applicable aux produits phytopharmaceutiques afin de séparer l'activité de conseil de celle de vente de ces produits. De même, les rabais et ristournes sur les produits phytopharmaceutiques devraient être interdits.

Environnement

La mise en place d’une stratégie environnementale cohérente s’impose de plus en plus aux entreprises du fait de la complexité de la législation pour la protection de l’environnement et de la multiplicité des réformes. En effet, de nombreuses lois et réglementations ont récemment impacté les activités économiques (autorisation environnementale, concernant notamment les ICPE, loi de transition énergétique, loi biodiversité)

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Martine Tudez, Code permanent Environnement et nuisances

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