Face à des jeunes travailleurs plus exposés, une prévention dès l'école

Face à des jeunes travailleurs plus exposés, une prévention dès l'école

15.05.2018

HSE

Les jeunes sont plus exposés que les autres aux risques d’accident du travail, pour des raisons physiques, socio-économiques, mais aussi parce qu'ils n'ont pas toujours suffisamment conscience du danger. Il est donc impératif de développer la prévention auprès de ce public, lors de leur formation professionnelle, mais aussi plus tôt, c'est-à-dire dès l'école.

Les jeunes sont davantage victimes d'accidents du travail que les autres, même si ces accidents sont moins graves. D'après les données d'Eurostat, l’incidence des lésions professionnelles non mortelles est supérieure de plus de 40 % chez les jeunes travailleurs de 18 à 24 ans que chez les travailleurs adultes. Les chiffres de la Cnam (caisse nationale d'assurance maladie) sont encore plus impressionnants. Selon les statistiques de la caisse, les jeunes de moins de 25 ans ont 2,5 fois plus de risque que les autres d'être victimes d'un tel accident.

Des risques spécifiques aux jeunes

Cela s'explique physiologiquement : leur corps est encore en phase de développement. C'est pour ces raisons physiques qu'il faut particulièrement faire attention à leur exposition aux pesticides ou encore au bruit. Les adolescents portant des charges lourdes sont aussi exposés au risque de problème osseux et de déficience de la croissance.

Dans son rapport consacré à la santé sécurité des jeunes travailleurs publié il y a quelques jours, l'OIT (organisation internationale du travail) renvoie également à des raisons socio-économiques. Les jeunes sont sur-représentés dans les catégories de travailleurs vulnérables (migrants, travailleurs domestiques...) et occupent davantage d'emplois précaires.

HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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"Inconscience de la jeunesse"

Aussi, "Ils ont moins d'expérience sur le lieu de travail", remarque simplement Cyril Cosme, directeur du bureau français de l'OIT lors d'une conférence qui s'est tenue le 3 mai à Paris. Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la Cnam, parle d'une "inconscience de la jeunesse". Autrement dit, ils souffrent de carences. Ils ont moins connaissance des risques, et savent moins comment les maîtriser. Aussi, ils ne connaissent pas forcément leurs droits, ce qui "peut les amener à accepter des tâches dangereuses, de mauvaises conditions de travail [...]", font remarquer les auteurs du rapport de l'OIT.

D'où l'idée de développer davantage la prévention auprès de ce public. "Les jeunes vont porter les acquis de la culture de prévention, ou à l'inverse ses manques, pendant toute leur vie professionnelle" prêche Cyril Cosme. 

Prévention à l'école

Sans remplacer celle réalisée en entreprise, la prévention doit se faire avant l'entrée dans le monde du travail. Une prévention précoce qui semble fonctionner, d'après une récente étude épidémiologique de l'INRS qui a montré que les jeunes formés à la santé et sécurité au travail ont deux fois moins d'accidents du travail.

La prévention peut aussi être encore plus anticipée. Aux États-Unis, dans l'Oklahoma, les autorités en charge du travail et de l’éducation sont obligées depuis 2015 d'assurer des formations sur la sécurité au travail dans les écoles, destinées aux jeunes de 12 à 18 ans. L’État du Texas a récemment adopté une loi similaire et d'autres États envisagent d'emboîter le pas. 

Doit-il s'agir d'une prévention à part ou intégrée dans les autres matières ? Jean-Pierre Collignon, inspecteur général de l'éducation nationale, se prononce pour une formation intégrée. "Donc il faut innover côté pédagogie"; interpelle-t-il. 

Apprentis

Pour l'OIT, cette sensibilisation doit commencer dès l’école et se poursuivre dans le cadre de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

D'ailleurs, lors de la concertation sur la réforme de l'apprentissage qu'elle a présidée, Sylvie Brunet a remarqué que les associations de jeunes qu'elle a auditionnées ont particulièrement insisté sur les sujets de santé au travail. La JOC (jeunesse ouvrière chrétienne), se fondant sur une étude qu'elle a réalisée, insiste sur les carences d'informations sur les droits des salariés en matière de santé sécurité. Le projet de loi présenté n'évoque pas la question mais "j’ai bien insisté pour ne pas qu’on oublie ces sujets", assure Sylvie Brunet, qui insiste aussi sur le rôle du maître d'apprentissage. 

Jean-Pierre Brisca est formateur en CFA, notamment pour les travaux en hauteur. Il fait part d'une anecdote : "Récemment, une entreprise de la région de Rouen m'appelle pour se plaindre parce qu'un jeune refusait de monter à l'échelle". Après y avoir regardé de plus prêt, il s'aperçoit que la situation de travail était dangereuse. "Il a profité de son droit d'alerte puis de retrait, à juste titre, parce qu'il avait été sensibilisé", résume, satisfait, le formateur. 

Accueil dans l'entreprise

"Il y a la formation, mais aussi l’accueil dans l’entreprise", fait remarquer Marine Jeantet. Or, "Le monde de l’entreprise est très normé. Les choses sont tellement intégrées dans les modes de fonctionnement que les gens peuvent oublier que les jeunes n’ont pas les réflexes", constate-t-elle. Les regards se tournent donc vers les patrons. Pour Bénédicte Ravache, directrice de l'ANDRH (association nationale des DRH), la première chose est déjà de "donner aux employeurs l’information fiable sur l’entrée dans le monde du travail et les risques inhérents". 

Ensuite, sans grande surprise, Bénédicte Ravache, qui dénonce l'expression "c'est comme ça que le métier rentre", qui donne l'impression qu'il faut se faire mal pour apprendre, renvoie à l'échange de bonnes pratiques, en faisant remarquer que "certains secteurs sont déjà plus sensibilisés" et que "des choses existent, pas si difficiles à faire". L'OIT renvoie aux rôles des organisations patronales et syndicales.

L'outil Synergie conçu par l'INRS pour diminuer les risques professionnels chez les nouveaux arrivants dans l’entreprise, peut aussi aider l'employeur. Destiné aux tuteurs, supérieurs hiérarchiques, maîtres d’apprentissage qui accueillent un nouvel embauché, ce dispositif fondé sur des planches illustrées, permet de vérifier quels sont les acquis du nouvel embauché en matière de santé et sécurité au travail et à repérer les connaissances complémentaires qui lui seront nécessaires. "Cela permet de délier les langues", témoigne Loïc Baudry, du groupe STG, qui utilise Synergie. Son volet à destination des enseignants de lycée professionnel ou de CFA existe aussi. 

Pauline Chambost
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