Faut-il supprimer le RSI ?

Faut-il supprimer le RSI ?

28.02.2017

Gestion d'entreprise

Malmené par les candidats à la présidentielle, le régime social des indépendants propose de mettre en place une sorte d’auto-liquidation des cotisations. L’impact d’une telle mesure sur la trésorerie de la caisse nationale du RSI n’a pas été estimé alors que ses comptes sont douteux après avoir été longtemps faux. Et l'arrivée prochaine d'affiliés à la Cipav pose question.

"Le RSI sera désormais adossé au régime général de la sécurité sociale pour que les indépendants bénéficient de la même qualité de service que tous les salariés". Emmanuel Macron, l’un des candidats à l’élection présidentielle, veut tourner la page du RSI. Et il n’est pas le seul. Marine Le Pen imagine un système optionnel. La candidate du FN propose de "créer un bouclier social pour les indépendants en leur proposant le choix de s’affilier au régime général ou de conserver la spécificité de leur régime après une refonte totale du RSI qui fonctionnera sur la base de l’auto-déclaration trimestrielle des revenus". A gauche, Benoît Hamon veut bâtir "un statut unique pour tous les actifs afin de dépasser la distinction entre salariat et travail indépendant. J’équilibrerai les prélèvements sociaux afin qu’à revenus égaux, un indépendant et un salarié cotisent du même montant", ajoute-t-il. François Fillon estime que le RSI est un échec. Le candidat LR souhaite créer une caisse de protection des indépendants qui serait le seul organisme en charge de calculer, collecter et gérer les cotisations des travailleurs non salariés. Au passage, il propose le "calcul et le payement en temps réel des cotisations liées au salaire [sic]".

Effet SAS

Bref, la perspective de l’élection présidentielle relance le débat sur l’avenir du RSI. Les administrateurs du régime, qui sont tous des travailleurs non salariés, soit artisans, soit commerçants soit professionnels libéraux, ont compris qu’il y a le feu dans la maison. Hier, ils ont lancé une contre-attaque médiatique pour dénoncer ce qu’il qualifie de RSI bashing. Craignant la suppression de leur régime, ils demandent aux candidats à préserver une gestion individualisée de la sécurité sociale des indépendants. Ils formulent également 5 propositions. L’une d’entre elles consiste à "mettre fin à la dérive offerte permettant aux présidents de société par action simplifiée (SAS) de se rémunérer en dividendes non contributifs de droits en cas d’arrêt maladie, d’invalidité ou de retraite. La situation actuelle est inéquitable, dangereuse pour les indépendants et la sécurité sociale dans notre pays", martèle le RSI. Sur le terrain, des experts-comptables conseillent ce type de société pour éviter les dysfonctionnements liés au RSI. "Je préconise à un artisan ou à un commerçant qui crée son entreprise de le faire en tant que président de SAS, témoigne Michaël Fontaine, expert-comptable. Cela lui permet d’avoir un statut social lisible, celui du régime général, et de bien anticiper ses mouvements de trésorerie liés aux cotisations sociales", argumente-t-il. Quelle est l’ampleur de ce phénomène SAS lié au RSI ? Il est difficile de répondre à cette question car le choix d’un statut dépend de plusieurs paramètres. Toutefois, un symptôme est troublant. En 2016, pour la première fois, les créations de sociétés sont majoritairement des SAS, selon les dernières statistiques de l’Insee. Et l'engouement pour ces sociétés augmente d'année en année. En 2012, 19 % des nouvelles sociétés sont des SAS contre 77 % pour les SARL. En 2016, 56 % sont des SAS contre 40 % pour les SARL.

Auto-liquidation

Une autre proposition du RSI porte sur la mise en place, à horizon 2019, d’une sorte d’auto-liquidation optionnelle des cotisations. "Concrètement, à chaque échéance de ses cotisations provisionnelles (mois ou trimestre), grâce aux fonctionnalités du télé-service qui lui sera proposé, le travailleur indépendant calculera et acquittera le montant des cotisations résultant de la rémunération tirée de son activité professionnelle qu’il viendra de se verser, en lieu et place de l’échéance provisionnelle calculée à partir de la dernière déclaration annuelle de revenu de l’indépendant, précise le RSI. Le paiement de ce montant vaudra alors acquittement total de la cotisation provisionnelle au titre de l’échéance concernée. Si à l’échéance suivante, l’indépendant n’utilise pas le télé-service, il sera redevable de l’échéance provisionnelle calculée à partir de sa dernière déclaration ou estimation de revenu annuel", ajoute-t-il. Question : quel serait l’impact d’une telle mesure sur la trésorerie du RSI sachant qu’elle pourrait affecter son besoin en fonds de roulement soit à la hausse soit à la baisse ? Nous avons posé cette question hier au RSI. Elle est restée sans réponse.

Transfert des auto-entrepreneurs libéraux de la Cipav vers le RSI

Et cette question en appelle une autre, celle de la préparation de l’arrivée de nouveaux affiliés au RSI. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit le transfert au RSI, dans les années qui viennent, d’une partie des professions actuellement affiliées à la Cipav (caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales). "Le RSI remplacerait ainsi la Cipav comme régime «balai», affiliant l’ensemble des professions indépendantes qu’un texte ne rattacherait pas explicitement à un autre organisme de sécurité sociale pour leur assurance vieillesse", résume la Cour des comptes dans PDF iconun rapport publié au début du mois. Potentiellement, 320 000 auto-entrepreneurs affiliés à la Cipav pourraient se retrouver dans le RSI, selon les magistrats de la rue Cambon qui soulignent toutefois qu’un décret doit préciser les professions concernées. Ce même rapport critique l’absence d’études préalables à ce sujet. Et craint de nouveaux dysfonctionnements. "Cette réforme revient à transférer d’une caisse à la gestion défaillante — la Cipav — à un régime lui-même très fragile — le RSI — la gestion des droits des membres des professions libérales concernées", lance la Cour des comptes qui rappelle au passage que "la mise en place de l’interlocuteur social unique dans le cadre de la création du RSI a mis en lumière combien les modifications des règles de rattachement et de gestion de cette catégorie d’assurés sont délicates et doivent être très soigneusement préparées pour éviter tout risque d’une nouvelle «catastrophe industrielle» comme celle dont la Cour a analysé les origines et les conséquences".

Des doutes persistent sur la situation financière du RSI

Cette catastrophe industrielle s'est accompagnée d'une catastrophe comptable même si la situation s'améliore. Le RSI, qui est un organisme privé doté d’une mission de service public (voir l'ordonnance 2005-1528), a présenté des comptes faux pour les exercices 2008 à 2013, n'en déplaise à son directeur général, Stéphane Seiller, qui conteste notre affirmation. En effet, KPMG et Mazars, les deux commissaires aux comptes, ont refusé de certifier les comptes du RSI sur cette période. "La comptabilité de la caisse nationale du régime social des indépendants intègre les flux Isu transmis par l'Acoss et relatifs aux cotisations, restes à recouvrer et provisions sur créances, indiquent les auditeurs légaux au sujet des comptes PDF iconannuels et PDF iconcombinés 2013. Ces éléments sont contrôlés au sein de l'Acoss par la Cour des comptes. Une réserve de portée générale, exprimée par celle-ci, continue d'affecter en 2013 la réalité, l'exhaustivité et l'exactitude des prélèvements sociaux des travailleurs indépendants et cela en dépit des nouveaux progrès significatifs réalisés en 2013. Le maintien de cette réserve de portée générale constitue à lui seul un frein à la certification", résument-ils. Pour l’exercice 2014, les comptes sont certifiés mais avec 4 réserves. Pour 2015, ils le sont avec trois réserves. L’un des problèmes comptables qui n’est toujours pas résolu par le RSI porte sur son contrôle interne qui "ne couvre que partiellement les sous-processus afférents aux cotisations PL et aux modifications / radiations", relèvent Olivier Fontaine, de KPMG audit, et Lionel Gotlib, de Mazars, dans leurs rapports sur les comptes PDF iconannuels et PDF iconcombinés de l’exercice 2015. "S’agissant des prestations maladies […], la méthodologie d’audit déployée et la définition du référentiel utilisé restent imparfaites pour apprécier la qualité des contrôles effectués", ajoutent-ils. Et certaines activités sont comptabilisées dans les comptes annuels de la caisse centrale alors qu'elles ne relèvent pas de son objet social. La Cour des comptes PDF iconajoute que l'enregistrement des prélèvements sociaux des indépendants ne respecte pas le principe comptable des droits constatés. "Les prélèvements sociaux des travailleurs indépendants qui donnent lieu à des acomptes et à des régularisations au vu des revenus professionnels déclarés demeurent rattachés à l’exercice au cours duquel ils sont appelés, au lieu de l’exercice de génération du revenu correspondant, comme le prévoit le plan comptable". D'une certaine façon, le RSI, qui prétend avoir versé 18 milliards d'euros de prestations en 2016, a bénéficié d'une clémence. Quelle entreprise aurait survécu à un refus de certification de son (ses) commissaire (s) aux comptes pendant six exercices comptables consécutifs ? A ces doutes comptables s’ajoute un faible contentement des indépendants. 54 % des assurés sont satisfaits des missions du RSI, relève une enquête réalisée auprès de 3000 assurés en novembre 2016 par Mediamétrie. Un taux en trompe l’œil si l’on en croit les spécialistes du marketing. Selon eux, le minimuim requis tourne généralement autour de 80 % de satisfaits.

Ludovic Arbelet

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