Formation professionnelle : la négociation interprofessionnelle bloquée par l'apprentissage

Formation professionnelle : la négociation interprofessionnelle bloquée par l'apprentissage

26.01.2018

Gestion du personnel

Le différend entre le Medef, la CPME et l’Association des régions de France sur la question du financement de l’apprentissage perturbe les négociations. Au point où deux séances de discussions ont été annulées. Le gouvernement, qui reçoit les partenaires sociaux cette semaine, va-t-il réconcilier régions et patronat ?

Nœud gordien des négociations, la question du financement de l’apprentissage semble constituer un point de blocage inconciliable entre deux organisations patronales, le Medef et la CPME, et l’Association des régions des France (ARF). Le Medef a confirmé, mercredi, aux partenaires sociaux l’ajournement de la séance sur la réforme de la formation professionnelle qui devait se tenir aujourd’hui. Le mouvement de Pierre Gattaz avait déjà annulé la séance du 19 janvier. Souhaitant être le "seul pilote dans l’avion", c’est-à-dire piloter seule le système de l'apprentissage, via les branches professionnelles, l’organisation patronale soupçonne le gouvernement d’avoir accordé des contreparties aux régions pour les faire revenir à la table des discussions. L’Association des régions de France avait, en effet, claqué la porte de la concertation, en décembre, dénonçant une "privation de l’apprentissage" avant de renouer le dialogue, en début de semaine dernière. Pour Hervé Morin, président de l’ARF, cette proposition patronale met à mal "les enjeux d’aménagement du territoire et des populations pour lesquelles le coût de la formation est plus élevé, tout particulièrement dans les zones rurales et dans les quartiers sensibles".

Une compétence jusqu'ici dévolue aux régions

L’apprentissage est jusqu’ici une compétence confiée aux régions. Celles-ci décident, d’une part, de l’ouverture et de la fermeture des sections d’apprentissage sur le territoire et, d’autre part, subventionnent les centres de formation d’apprentis (CFA) en complément de la taxe d’apprentissage.

Le Medef réclame aujourd’hui que le pilotage et le financement de l’apprentissage soient confiés aux branches professionnelles, plutôt qu’aux régions, avec transfert de financement correspondant. L’idée directrice : les branches professionnelles seraient mieux placées que les régions pour connaître les besoins réels des entreprises.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Colère des partenaires sociaux

A la recherche d’une solution, le ministère du travail a organisé des réunions bilatérales, cette semaine, avec les huit organisations syndicales. En vain. Aucun compromis n’est, pour l'heure, apparu. Au point où les syndicats se disent inquiets par la désinvolture des opposants. "C’est incompréhensible. La formation est prise en otage par le bras de fer entre le patronat et les régions sur l’apprentissage, fulmine Jean-François Foucard, chef de file de la négociation pour la CFE-CGC. Manifestement, le patronat et les régions sont prêts à sacrifier l’employabilité des salariés et la compétitivité de la France, c’est-à-dire l’évolution nécessaire des outils de formation de 20 millions d’actifs du privé en se focalisant uniquement sur la problématique infra bac et bac, c’est-à-dire sur le chômage des jeunes".

Même déception du côté de l’U2P (Union des entreprises de proximité) qui se désolidarise ici des autres organisations patronales. "Interrompre les discussions sur une réforme d’une telle importance n’est pas à la hauteur des enjeux", explique l’organisation qui représente les entreprises de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales.

La dernière séance doit se conclure le 16 février pour se caler dans le calendrier du gouvernement qui prévoit une présentation du projet de loi sur la formation professionnelle, l’apprentissage et l’assurance chômage, au début du printemps. De son côté, le rapport de synthèse de la concertation sur l’apprentissage, présidée par Sylvie Brunet, présidente de la section travail du Conseil économique, social et environnemental, est attendu pour le 30 janvier.

Des positions divergentes

Les partenaires sociaux arriveront-ils à trouver une porte de sortie à cette discorde ? Ou ce rôle reviendra-t-il à l’Etat? Les syndicats reçus au ministère ont avancé leurs curseurs. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, souhaite que l’apprentissage soit piloté par les syndicats et le patronat, estimant que les régions ont "d’autres missions" importantes à gérer. De même, la CFE-CGC se dit favorable à un pilotage du système par les branches professionnelles afin "d’adapter l’offre aux besoins". L’Education nationale devant éviter que l’apprentissage soir "une orientation par défaut". "Les pays dans lesquels l’apprentissage fonctionne sont les pays où c’est la partie professionnelle qui gère le sujet", insiste Jean-François Foucard. Avec un principe "de financement au contrat", c’est-à-dire un financement dépendant du nombre de personnes inscrites dans un centre de formation d'apprentis.

Florence Poivey, cheffe de file de la négociation du Medef, interviewée le 23 janvier par BFM Business, ne dit pas autre chose. "Je persiste à dire que les entreprises connaissent mieux que les régions les besoins des territoires". Seule concession : "nous ne voulons qu’un seul pilote. Mais nous sommes ouverts à des co-pilotes qui aient le même plan de vol".

Moins catégorique, l’U2P considère, en revanche, que si "les branches professionnelles doivent avoir un rôle central, les régions ont tout leur place aussi dans le dispositif compte tenu des missions qui leur sont confiées en matière de formation, de développement économique et d’aménagement du territoire".

Les experts s'en mêlent

Dans la foulée, des experts se sont invités dans le débat. Dans une tribune publiée dans les Echos, Bertrand Martinot, ancien délégué à l’emploi et à la formation professionnelle, estime que "les régions sont mieux placées que les branches professionnelles pour diriger et financer l’apprentissage". "Les branches sauf exception, ne sont absolument pas structurées au niveau territorial. La région, en revanche, de par ses compétences générales en matière de développement économique, est l’acteur central". 

Entre ces deux positions, Jean-Marie Luttringer, directeur de JML Conseil, juriste en droit de la formation et Bernard Masingue, consultant partenaire d’Entreprise et Personnel, se prononcent, dans une chronique mise en ligne sur le site de JML, pour un ministère dédié. Concrètement "le pilotage stratégique serait assuré par le ministère, nourri par l’instance consultative composée des partenaires sociaux. Il disposerait d’un bras armé pour la mise en œuvre opérationnelle de la politique de formation professionnelle en alternance. Les Opca, qui remplissent d’ores et déjà une mission d’intérêt général/service public, sont les plus compétents pour assurer ce rôle".

ANI ou pas ANI?

Reste à savoir quelle solution sera retenue. Mais d’ores et déjà, plusieurs scénarios se profilent. Le premier, "c’est qu’il n’y ait pas d’accord national interprofessionnel, prédit Jean-François Foucard. Le dialogue social est en panne". Le second, "c’est que la montagne accouche d’une souris". C’est-à-dire que cette réforme, "qui devait porter une ambition équivalente à celle de 1970, ne soit qu’un habillage". Loin du grand soir prévu.

Anne Bariet
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