François Hommeril (CFE-CGC) : "ll faut définir l'objet social de l'entreprise"

François Hommeril (CFE-CGC) : "ll faut définir l'objet social de l'entreprise"

31.01.2018

Représentants du personnel

Ordonnances, CSE, RCC, assurance chômage et formation : en passant en revue hier l'actualité de ce début 2018, François Hommeril, le président de la CFE-CGC, a insisté sur la nécessité de définir un objet social de l'entreprise afin que celle-ci n'ait pas pour seul but l'enrichissement de ses actionnaires.

Une CFE-CGC en hausse (+ 83 000 voix, soit +17%) lors du dernier cycle électoral avec un nombre d'adhérents en croissance ("+1% à +3% depuis une dizaine d'années"), un syndicat de l'encadrement qui n'existe pas ailleurs et qui fait partie "des heureuses exceptions françaises", une organisation qui a décidé de "tourner la page" des ordonnances mais qui revendique une évolution de l'objet social des entreprises à l'occasion du futur projet de loi sur la croissance (Pacte), et qui veut jouer sa partition lors des négociations de l'assurance chômage, de la formation et de l'encadrement : c'est l'image qu'a voulu donner hier de son syndicat François Hommeril, le président de la CFE-CGC. 

Le mouvement unitaire syndical dans les Ephad est remarquable

 

En préambule, le successeur de Carole Couvert a salué hier la grève unitaire des agents des maisons de retraite : "Dans un secteur où la représentativité syndicale est très morcelée, l'unité syndicale du mouvement dans les Ephad est remarquable et exemplaire. Toutes les catégories sont représentées dans ce mouvement, y compris les directeurs d'établissements. Et cela nous dit quelque chose de la société d'aujourd'hui. Ne pas pouvoir faire correctement son travail entraîne une souffrance psychique grave. La mise sous contrainte budgétaire des objectifs de réduction des coûts, dont nous connaissons bien les effets dans l'économie marchande (stress, risques psychosociaux, etc.), atteint maintenant le monde des établissements ".

Les ordonnances et le CSE

Histoire de ne pas trop rester sur "du négatif", François Hommeril ne s'est pas appesanti sur les ordonnances Macron de septembre dernier. "Nous avons dit tout ce que nous avions à dire sur le sujet, avec la baisse des moyens pour la représentation syndicale. Nous avons tourné la page. Maintenant, tout va se passer dans les entreprises", indique le syndicaliste. Des entreprises, poursuit ce dernier, "qui risquent de se retrouver autant pénalisées que nous avec cette instance unique dont on va voir à quoi vont ressembler les ordres du jour qui devront traiter à la fois des conditions de travail dans les ateliers, du bilan comptable ou encore de de la formation". Le syndicaliste espère donc que les directions négocieront des dispositions plus avantageuses que le minima légal. "Après les premières expériences de mise en place du CSE, je fais le pari que le gouvernement aura la sagesse de faire évoluer le texte, par voie de décret", ajoute le président de la CFE-CGC.

 La RCC, c'est du court terme, pas de la GPEC

Quant aux ruptures conventionnelles collectives (RCC), dont la confédération condamne le principe, François Hommeril dit que son analyse n'a pas changé : "Après avoir parlé pendant des années de la nécessité d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), nous avons un outil qui exonère l'entreprise de toute motivation économique de son plan. C'est du court terme et il se peut d'ailleurs que cela conduise une entreprise à perdre des compétences". Mais pourquoi les syndicats -dont la CFE-CGC- en viennent-ils donc à signer un tel accord de RCC, comme chez PSA ? "Nous signons si nous considérons que l'entreprise développe des efforts suffisants pour que la RCC n'appauvrisse pas les compétences de l'entreprise". Et le syndicaliste de reconnaître à demi-mots que la position sur le terrain des syndicalistes n'est pas facile : "Il faut agir pour les gens qui partent et pour ceux qui restent. Et il y a toujours des gens qui veulent partir plus tôt. Les OS peuvent être des otages de tout cela".

L' objet social de l'entreprise, un chantier jugé déterminant

Dans les négociations et chantiers à venir, le dossier qui semble tenir le plus à coeur de François Hommeril concerne une possible définition de l'objet social de l'entreprise, qui supposerait une réécriture du code civil, dans le cadre du futur projet de loi pour la croissance (Pacte) préparé par Bruno Le Maire. Le président de la CFE-CGC juge cette question plus importante que celle d'une évolution vers davantage de représentation de salariés dans les conseils d'administration (voir aussi notre article sur l'approche de la CFDT).

"Nous ne réglerons pas le problème de la compétition entre le capital humain et le capital financier en déportant simplement cette question dans le conseil d'administration des entreprises. Le sujet clé concerne la définition de l'objet social de l'entreprise, c'est à dire le bien commun. Dans l'entreprise, qui prend quelles décisions pour qui ?" lance-t-il en illustrant ainsi son propos : "Que fait General Electric en voyant que son cours de bourse baisse ? Il ferme trois centres de recherches. C'est une décision absurde, uniquement financière et court-termiste. Il faut créer les conditions pour qu'une telle décision ne soit plus possible". Le syndicaliste estime que l'écriture dans le code civil d'un objet social de l'entreprise est indispensable compte tenu de l'objectif, devenu unique depuis les années 90 dans les grandes entreprises, "d"une hausse de la valeur distribuée aux actionnaires". La CFE-CGC plaide dans ce dossier pour un changement concernant toutes les entreprises, et pas seulement pour la création d'un nouveau statut ("d'entreprise à mission") que les entreprises pourraient adopter de façon facultative, comme l'a proposé le groupe de travail qui a planché sur le sujet.

Chômage et formation : la CFE-CGC se veut optimiste

A propos des négociations sur l'assurance chômage, le syndicat des cadres défend l'idée d'un régime assurantiel et intercatégoriel géré par les partenaires sociaux. "Si on dépolluait le régime de toutes les charges indues, il serait à l'équilibre depuis 20 ans. Ce n'est pas un régime plus coûteux que les autres mis en place en Europe (..) Et la fraude ne concerne que de 0,4% à 1%", dit François Hommeril qui souligne l'effort de solidarité des cadres, qui apportent 42% des ressources du régime tout en n'en consommant que 15%. Sur la question du bonus malus autour des contrats courts, "une question très technique",  le président de la CFE-CGC semble ne pas exclure une approche par branches.

Une application sur un téléphone ne suffit pas

Sur la négociation de la formation, que la CFE-CGC souhaite voir débloquée, le syndicaliste n'exclut plus une fusion du CIF (congé individuel de la formation) et du CPF (compte personnel de formation) à condition que l'accompagnement, tel que celui qui existe pour mener à bien un projet professionnel dans le cadre du CIF, soit privilégié. "Il faut un accompagnement réel. C'est un fantasme de penser qu'on avoir une solution avec une application formation sur un téléphone", soutient François Hommeril qui préconise d'appréhender la formation professionnelle "comme un outil de compétitivité économique, la formation qualifiante d'un individu bénéficiant ensuite au collectif". Sur l'apprentissage, le syndicat des techniciens et cadres propose de l'ouvrir sans condition d'âge, afin que l'apprentissage ne soit pas seulement une formation initiale. Une formation que le président du syndicat des cadres appelle de ses voeux, notamment dans le secteur bancaire, afin d'anticiper les mutations de l'intelligence artificielle : "Il faut penser ces formations pour accompagner les salariés vers d'autres missions..."

Enfin, au sujet de la négociation sur l'encadrement, qui se déroule jusqu'au printemps, François Hommeril a jugé qu'il ne s'agissait pas seulement d'une question de définition d'un statut : "Il nous faut travailler sur un corpus de droits et devoirs attachés à la fonction d'encadrement, y compris sur des points comme la question du temps de travail, le droit au retrait".

 

La CFE-CGC prédit un retour en grâce des valeurs collectives et syndicales
"Nous ne constatons aucune montée de l'individualisme dans l'entreprise mais plutôt un phénomène de recherche de valeurs collectives, et notamment chez les plus jeunes", a estimé hier François Hommeril, qui voit dans ce phénomène un retour de balancier après une période où les entreprises avaient suggéré elles-mêmes aux salariés de ne pas "s'attacher". Par ailleurs, alors que beaucoup ont jugé les syndicats affaiblis après le feuilleton des ordonnances l'an dernier, le président de la CFE-CGC affirme ne redouter aucune crise de la représentation qui frapperait les organisations syndicales, après avoir atteint les organisations politiques en 2017 : "Les organisations syndicales sortiront renforcées de cette séquence. On va s'apercevoir que les propositions syndicales sont très modernes car directement ancrées sur le terrain".

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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