Gestion des ASC : les propositions chocs du Cercle Maurice Cohen

Gestion des ASC : les propositions chocs du Cercle Maurice Cohen

24.02.2017

Représentants du personnel

Pour davantage de solidarité entre les comités d'entreprise, le Cercle Maurice Cohen invite le législateur à contraindre les élus d'un même bassin d'emploi à mutualiser leur budget ASC. Il est aussi préconisé de diviser les élections professionnelles en deux scrutins distincts pour séparer strictement rôle économique et activités sociales et culturelles.

Le cercle de réflexion Maurice Cohen, institué fin 2015 en l'honneur du défunt auteur du fameux ouvrage "Le droit des comités d'entreprise et des comités de groupe", s'est réuni mercredi soir à la Bourse du travail de Paris pour débattre de l'avenir des activités sociales et culturelles du CE. Pour sortir de la logique de soutien au pouvoir d'achat des salariés, à travers la pratique dominante de distribution par les élus de bons d'achat et chèques-cadeaux, le think tank appelle le législateur à imposer un nouveau cadre de gestion radicalement différent.

"La gestion des ASC par le CE a connu de nombreuses évolutions"

À travers un bref rappel historique, l'avocat auprès des CE Christophe Baumgarten a d'abord interpellé la dizaine d'élus présents sur l'évolution de leur pratique : "La gestion des ASC par le comité d'entreprise n'est pas immuable. Après les "comités patates" centrés sur le ravitaillement et la restauration collective à la sortie de la guerre, puis l'élargissement monumental des offres de loisirs et de vacances à partir des années 80, l'évolution socio-économique des 20 dernières années a eu des conséquences importantes sur la conception et les modes de gestion des ASC : éclatement des collectifs de travail ; individualisme croissant des salariés ; multiplication des opérations financières de cessions et fusions qui ont réduit le sentiment d'appartenance à l'entreprise ; allongement du temps de trajet qui éloigne les CE du domicile des salariés et de leurs lieux de loisirs, énumère le vice-président du Cercle Maurice Cohen. Il faut y ajouter le développement d'une concurrence du secteur marchand qui complique la tâche du CE pour être compétitif au niveau des tarifs".

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Sortir de la compensation de perte de pouvoir d'achat

"On est passé de la culture au divertissement culturel, résume Catherine Bouillard, coordinatrice du réseau Cezam. Depuis la crise économique de 2008, on subit un discours selon lequel le comité d'entreprise doit amortir la perte de pouvoir d'achat. On est tombé dans deux pièges : celui de l'outil du chèque-cadeau, qui a permis des dérives, et la thématique du pouvoir d'achat. La formule même de "prestations du comité d'entreprise", retenue notamment par les Urssaf, est un piège si l'on se réfère à la définition de "service fourni" donnée par le dictionnaire. Parler d'activités ou d'actions du CE invite à une relation différente avec les salariés. Il faut faire attention aux mots employés", met-elle en garde.

De fait, reprend l'avocat Christophe Baumgarten, les comité d'entreprise sont devenus des intermédiaires entre l'employeur et les salariés pour distribuer un complément de rémunération : "Cela fait le bonheur des directions. Je me rappelle en particulier d'un comité d'entreprise récompensé d'un trophée sur un salon des comités d'entreprise à Paris pour avoir tout simplement divisé son enveloppe d'ASC à parts égales entre tous les salariés ! On sous-traite à des entreprises du secteur marchand une distribution massive de chèques-cadeaux. Mais où est le social dans la politique menée par ces élus ?"

"Le CE devrait être tenu d'intégrer un critère social aux ASC"

Le Cercle Maurice Cohen y voit un danger : "Mon analyse est assez radicale, prévient Christophe Baumgarten. Soit ça change, soit on se dirige de plus en vers une simple redistribution de pouvoir d'achat et la fin du monopole de gestion des ASC par le comité d'entreprise. Même les salariés vont finir par demander l'intégration du montant des bons d'achat du CE sur leur bulletin de paie". Il est dès lors proposé, a minima, que le comité d'entreprise soit tenu d'intégrer un critère social à l'attribution de ses avantages : "Ce qui est choquant, ce n'est pas que le directeur financier qui a l'un des plus gros salaires de l'entreprise vienne chercher à Noël son chèque cadeau de 50 euros comme tous les autres salariés. Mais plutôt que les élus n'aient pas mis en place de critère social permettant un minimum de cohérence pour la distribution des bons d'achat".

Le think tank espère également imposer aux élus la rédaction chaque année d'un projet culturel et social répondant à des orientations générales déterminées par la loi, et inciter au bénévolat et à une participation du plus grand nombre à l'organisation des activités sociales et culturelles. Quelle serait la sanction en cas de manquement des élus ? "Dès lors qu'il s'agit pour le comité d'entreprise de faire l'intermédiaire avec la politique de rémunération de l'entreprise, je pense que ces sommes devraient être soumises à cotisations sociales", est-il répondu.

Contraindre les CE à mutualiser leurs moyens financiers

Le vice-président du Cercle Maurice Cohen invite même le législateur à aller beaucoup plus loin : "Pour inverser l'évolution de ces dernières années, il faut à mon avis imposer une vraie refonte de la gestion des ASC par un système de mutualisation des moyens financiers dans un périmètre constitué par le bassin d'activité, expose Christophe Baumgarten. Je ne crois plus à la solidarité volontaire d'une grande majorité des comités d'entreprise. Une contrainte légale apparaît donc nécessaire". Concrètement, la mise en oeuvre de ce projet se ferait au niveau des établissements, entendus comme "une même collectivité de travail" et pouvant donc regrouper plusieurs entreprise (donneur d'ordre et sous-traitant, intervenants extérieurs, etc.).  Plusieurs avantages potentiels sont mis en avant :

  • permettre la rencontre de salariés d'entreprises et de secteurs différents, créer de nouvelles solidarités ;
  • tisser plus facilement des relations avec des acteurs locaux, par exemple les collectivités territoriales, pour s'appuyer sur des ressources de proximité disponibles et partager des patrimoines ;
  • résoudre la question de l'accès des salariés aux ASC dans les entreprises multi-sites.
Exclure les ASC des enjeux de représentativité syndicale

Enfin, il est préconisé par ces experts auprès des CE de dissocier les élections des membres du comité d'entreprise en deux scrutins : l'un dédié à l'exercice des prérogatives économiques et professionnelles, l'autre pour la gestion des activités sociales et culturelles : "La mesure de la représentativité syndicale ne se ferait que pour le vote "Rôle économique du CE" pour empêcher que la gestion des ASC ne soit un enjeu électoral, qui pénalise les organisations syndicales qui s'engagent dans une politique audacieuse, au risque de perdre leur représentativité, soutient Christophe Baumgarten. Cela permettrait également d'assurer une séparation réelle des budgets".

Une dernière proposition aussitôt approuvée par un élu de CE présent : "C'est vrai que je ne sais pas distinguer si le salarié qui vote pour moi le fait pour les revendications syndicales que je porte sur les salaires et l'emploi ou plutôt simplement parce que j'envoie ses enfants en vacances !". Mais également critiquée par un autre élu CCE : "Il est important pour moi de pouvoir mener au plan des ASC du comité d'entreprise la politique sociale que je défends chaque mois en réunion plénière devant l'employeur. C'est une question de cohérence. Je crains également que cette distinction proposée ne désengage encore davantage les syndicats dans la politique sociale au profit des travailleurs".

Julien François
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