[Grand angle] Quand la legal tech se penche sur les contrats (1)

[Grand angle] Quand la legal tech se penche sur les contrats (1)

03.05.2018

Gestion d'entreprise

Le marché de la digitalisation des contrats couvre plusieurs fonctionnalités : création et rédaction, suivi, audit, analyse, exécution. Avec comme bénéfices, des gains de temps, la diminution du risque d’erreur et une plus grande vigilance dans la gestion. Voici le 1ᵉʳ volet de notre enquête : les outils d’automatisation arrivent sur le marché.

Le marché des outils dédiés à la gestion des contrats fourmille d’innovations. Des startups apparaissent qui utilisent le machine learning pour nourrir leur application et les enrichir de l’expérience. Rédaction, automatisation de la création de contrat, suivi, analyse, les fonctionnalités sont plus ou moins avancées. Après l’émergence d’outils juridiques dédiés aux TPE, la nouveauté, en 2018, est l’arrivée de solutions gérant des documents complexes. En phase de test ou de démarrage, la plupart commercialisent l’usage de leur plateforme sous forme d’abonnement.

Ainsi, la plateforme SaaS Gino propose une interface permettant à un juriste de robotiser lui-même ses propres contrats. « Nous ne vendons pas de contenu, mais un système », précise Philippe Ginestié, avocat fondateur de Gino LegalTech :

« la robotisation apporte une rupture dans le domaine de la rédaction des contrats, car elle permet aux juristes de capitaliser leur expertise en créant et développant des robots. A partir de cette expertise ainsi modélisée, Gino questionne les demandeurs de contrats et, en fonction de leurs réponses, rédige automatiquement les contrats souhaités ».

Contrat complexe

L’objectif ? « Déléguer la rédaction des contrats aux opérationnels et libérer du temps aux juristes », répond Philippe Ginestié. Grâce à ce système, assure-t-il, la production de contrats devient extrêmement rapide, comptez par exemple, 30 minutes pour un pacte d’actionnaires. La solution est commercialisée sous forme d’abonnement, avec un tarif différent en fonction des profils : les juristes créateurs et producteurs de contrats (250 euros/mois), les producteurs (120 euros/mois).

« Avocats, nous rédigeons des contrats complexes et lorsque nous avons souhaité nous équiper d’une solution digitale, aucune ne répondait à nos besoins », confie Hamdi Ouaissi, avocat et co-fondateur de la startup LexDev, hébergée par Station F. L’équipe de LexDev a créé son propre langage informatique, à la croisée de l’informatique et du droit, et a démarré en travaillant à la rédaction d’un contrat de travail (CDD) complexe (relevant d’une convention collective à multiples variables) à partir d’un modèle sous Word. « Il nous a fallu plusieurs mois pour l’automatiser, le décliner à d’autres conventions collectives, puis à d’autres domaines, aux baux commerciaux notamment », raconte Hamdi Ouaissi. Aujourd’hui, LexDev propose une solution d’automatisation sur mesure et cible les directions juridiques, les DRH, les experts-comptables, les avocats. L’utilisateur fournit le contrat sous Word, et l’équipe modélise, sous forme d’un arbre décisionnel, une première version. Un échange entre les deux parties permet de valider le projet d’automatisation puis LexDev code et ajoute les variables nécessaires.

Audit & analyse

A l’origine outil d’audit, le progiciel SoftLaw (créée en 2015 et vendu sous licence) s’est structuré pour réaliser du knowledge management et favoriser l’exploitation de la donnée juridique (avec des rubriques par dossiers, documents et clauses) et grâce à des algorithmes de recherche basés sur des mots clés, du traitement du langage naturel et du machine learning. Il propose également de l’aide à l’analyse et à la mise en conformité des contrats. « Notre progiciel intègre de l’intelligence juridique dont le champ d’application s’étend en continu. Il offre également une capacité d’apprentissage pour progresser encore dans le contexte particulier de nos clients que nous accompagnons dans l’appropriation de la technologie pour qu’ils l’intègrent au mieux dans leur pratique quotidienne », indique Sandrine Morard, présidente de Softlaw.

Fondé en 2017, Hyperlex développe une intelligence artificielle contractuelle capable de reconnaître le type de contrat, d’identifier les clauses et de les nommer, de repérer les éléments clés (date, montant, noms des parties, etc.). « Lors d’un audit, au lieu de travailler sur un échantillon de la base de données, la solution permet de passer tous les contrats de la base en revue et d’y débusquer les points saillants », explique Alexandre Grux, CEO et cofondateur. L’interface permet aussi d’effectuer le suivi des contrats, d’insérer des alertes et de partager ces rappels en mode collaboratif. Des fonctionnalités utiles en entreprise.

« A la différence des solutions traditionnelles, avec Hyperlex l’utilisateur n’a pas besoin de saisir les données, il valide des champs que nous avons pré saisis ».

Après des premiers cas d’utilisation dans le secteur de l’immobilier et de l’assurance, Hyperlex s’attaque aujourd’hui à tous les types de contrats. « Demain, l’intelligence pourra assister le juriste dans la rédaction et détecter que telle clause n’apparaît pas, qu’un "copier coller" malheureux a généré une erreur, etc. », ajoute Alexandre Grux.

Cognitiv+ se positionne également sur l’automatisation des contrats mais uniquement en langue anglaise. Implantée à Londres, la startup qui dispose d’une antenne en France, travaille sur différents types de contrats (service, finance, confidentialité, bail) et devrait intéresser les juristes qui travaillent sur des contrats internationaux.

 

Véronique Méot

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