[Grand angle] Quand la legal tech se penche sur les contrats (2)

[Grand angle] Quand la legal tech se penche sur les contrats (2)

04.05.2018

Gestion d'entreprise

Le marché de la digitalisation des contrats se transforme pour s’adapter aux besoins des services juridiques. Le 2ᵉ volet de notre enquête s’intéresse aux «smart contracts». L’avenir leur appartient-il ?

Il est possible de distinguer les smart contracts en deux catégories :

  • les programmes informatiques qui utilisent un réseau blockchain et
  • les projets cherchant à créer des ponts entre les contrats et le smart contract.

Dans le premier cas, « le smart contract fonctionne comme un distributeur automatique de boisson selon l’analogie de Nick Szabo, le père des smart contracts, quand on met le montant exact dans la machine, la livraison du produit est garantie, sauf en cas de faille matérielle », explique Xavier Lavayssière, à l’initiative de la Smart Contract Academy – programme collaboratif d’analyse juridique et économique relatif à l’impact des technologies blockchain organisé par Open Law, l’Ecan et Coala Lex - et co-auteur de l’ouvrage collectif dédié aux smart contracts. En résumé, une fois que les paramètres ont été fixés, le smart contract, programme informatique est exécuté de manière autonome par un réseau utilisant un protocole blockchain. Ce premier niveau existe bel et bien, la plateforme Ethereum en fournit l’exemple le plus mature selon Xavier Lavayssière.

Encore des progrès à faire

En revanche, les passerelles entre le contrat juridique et le programme informatique qui s’exécutent sur une blockchain semblent se faire attendre. Lorsque l’on interroge les fondateurs des startups qui ont fait de l’automatisation des contrats leur cœur de métier, ils répondent quasiment à l’unanimité que le smart contract est une suite envisageable notamment pour sécuriser les bases de contrats de leurs clients. « La question va se poser d’ici quelques mois, mais nous attendons la stabilisation de la technologie », résume Hamdi Ouaissi, avocat et co-fondateur de LexDev. D’ailleurs, précise Alexandre Grux, CEO & co-fondateur d’Hyperlex :

« le graal pour un juriste ce n’est pas le smart contract mais le contrat ricardien, c’est-à-dire un smart contract au sens informatique du terme, mais lisible par l’homme ».

Certes, des offres apparaissent sur le marché. Plus ou moins abouties. AXA Fizzy utilise la blockchain pour automatiser les remboursements des passagers en cas de retard de leur vol. L’assurance enregistre les transactions sur Ethereum via des smart contracts reliés aux données du trafic aérien. C’est l’information donnée par un tiers qui, une fois certifiée par les « oracles », déclenche l’exécution du contrat. Ici, le smart contract ne s’auto exécute pas lui-même. Il serait plutôt en mode veille, en attente de la donnée, son intérêt est de sécuriser et fiabiliser la procédure. L’usager n’a plus besoin d’entreprendre des démarches chronophages pour se faire rembourser en cas de retard.

La question de la blockchain

Dans une blockchain publique, les nœuds partageant et validant l’information sont généralement anonymes. Les fondateurs de la startup Deep Block ont donc créé leur propre blockchain - privée - afin de pouvoir mettre à la disposition de leurs clients un responsable de traitement, comme le RGPD l’impose. « Nous travaillons à l’élaboration de smart contract dans le secteur de la propriété industrielle et intellectuelle, soit en développant des smarts contracts en fonction du cahier des charges du client, soit en fournissant une API pour simplifier l’accès à des smarts contracts en stock », indique Christophe Lemée, président co-fondateur de Deep Block, qui commercialise une solution de contract management complète (archivage, signature électronique, ancrage, horodatage, smart contract).

D’autres se développent sur la blockchain publique, avec les interrogations juridiques que cette technologie soulève encore.

Véronique Méot

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