21.09.2018
Action sociale
Professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université Paris Nanterre et fondateur de l’Observateur national de l’enfance en danger (Oned, devenu ONPE), Paul Durning est décédé cet été. Son collègue, le professeur Gilles Séraphin rend hommage à cet homme qui a marqué par son action, la politique publique de la protection de l’enfance des trente dernières années.
Le 30 juillet 2018 disparaissait Paul Durning, professeur émérite en sciences de l’éducation à l’université Paris Nanterre et fondateur de l’Observateur national de l’enfance en danger (Oned).
Paul Durning a profondément marqué le monde universitaire (avec le triptyque enseignement/recherche/formation doctorale) et de la mise en œuvre des politiques publiques. Portant une attention constante à la souffrance d’autrui, plus particulièrement des enfants, et guidé par le sens aigu du service public, il s’est tout particulièrement investi dans le domaine de l’enfance en danger, contribuant notamment aux travaux préparatoires aux lois de 1989 et de 2007.
En France, ses travaux de recherche sont pionniers en la matière, ce qui a permis à la protection de l’enfance de constituer un champ de recherche scientifique reconnu à part entière. Au sein de l’université de Paris Nanterre, il a œuvré pour structurer la recherche, en occupant les fonctions de vice-président en charge de la recherche et de directeur de l’école doctorale 139 « Connaissance, Langage, Modélisation ».
Par la publication de plus d’une dizaine d’ouvrages et de nombreux articles, sa participation à de nombreux réseaux de recherche comme professionnels, l’animation de l’équipe de recherche « Education familiale et interventions socio-éducatives » du Centre de recherches Education et Formation de Paris Nanterre, il a introduit et promu les recherches en « éducation familiale ».
L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.
L’éducation familiale est tout à la fois l’étude des processus éducatifs intra-familiaux et celle des interventions socio-éducatives en direction des familles, ces dernières s’appuyant sur ces processus éducatifs intra-familiaux. Pour que les interventions soient efficaces, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance, elles doivent prendre appui et intervenir sur les fonctionnements éducatifs déjà en œuvre au sein de la famille. Les enfants comme les familles sont ainsi entendues, écoutées et dans la mesure du possible, participent en étant acteurs de ces interventions socio-éducatives.
Ainsi, sur la base des principes de la co-éducation, Paul Durning a promu la « suppléance familiale », qu’il distinguait de la « substitution familiale ». Alors qu’une mesure de substitution familiale vise à opérer, pour l’enfant, un changement de famille (la principale mesure étant l’adoption), la mesure de suppléance familiale ambitionne, quant à elle, par le placement de l’enfant dans une autre famille (famille d’accueil principalement) ou en établissement, de manière provisoire, à renouer le dialogue et la relation avec la famille d’origine, par des actions en éducation familiale, ce qui la repositionne comme actrice du processus éducatif. La suppléance familiale bénéficie donc aussi bien à l’enfant que, in fine, à la famille d’origine, même si elle était initialement source de danger pour l’enfant.
Morceaux choisis d'un texte aux multiples facettes
Paul Durning, tirant parti par ses échanges constants avec les chercheurs d’autres disciplines et d’autres pays – il participait, souvent en tant que membre fondateur, à plusieurs réseaux de recherche et professionnels internationaux – a fortement travaillé à articuler les pratiques professionnelles et institutionnelles aux résultats de la recherche. Par exemple, il est ainsi l’un des spécialistes de l’évaluation des situations des enfants en danger, en amont de toute intervention sociale, qui s’appuie sur des références partagées et validées scientifiquement.
C’est pourquoi il a fortement milité pour que les acteurs de la protection de l’enfance, en premier lieu les conseils départementaux et les associations, puissent bénéficier des résultats de la recherche et qu’en retour, cette recherche s’alimente des pratiques professionnelles comme institutionnelles. Il a œuvré pour la création de l’Observatoire national de l’enfance en danger (Oned qui deviendra en 2016 l’Observatoire national de la protection de l’enfance) par la loi du 2 janvier 2004 qu’il a dirigé de 2004 à 2009.
Par la loi, l’Oned/ONPE a pour objectif de « mieux connaître le champ de l’enfance en danger pour mieux prévenir et mieux traiter ». Ses principales missions sont de mettre en cohérence des données chiffrées en protection de l’enfance, de recenser les pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge, dont les résultats ont été jugés concluants, de développer et soutenir les études et les recherches, de diffuser la documentation scientifique et d’animer le réseau des observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE).
Tous celles et ceux qui ont connu Paul Durning évoqueront certes ces apports importants à la recherche et à la politique publique de la protection de l’enfance. Ils se souviendront aussi du regard attentionné et de la subtilité qu’il déployait dans tout raisonnement comme dans toute relation humaine. Paul Durning, c’est l’élégance de l’honnête homme : élégance dans la pensée, élégance dans la relation, élégance dans son humanité.
Gilles Séraphin
Professeur des Universités Paris-Nanterre
Ancien directeur de l’Oned/ONPE
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