Inaptitude : les dernières décisions sur l'obligation de reclassement

17.10.2017

Gestion du personnel

Une série d'arrêts illustre l'étendue de l'obligation de reclassement du salarié déclaré inapte. Comment s'articulent ces solutions avec le nouveau périmètre de reclassement défini par l'ordonnance Macron n° 2017-1387 ?

L'étendue de l'obligation de reclassement en présence d'un groupe
La notion de groupe dégagée par la jurisprudence est remise en question
Jusqu’à maintenant, en l’absence de précisions légales, le périmètre du reclassement était défini par la jurisprudence : les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte devaient être effectuées « au sein d’entreprises qui avaient des liens étroits entre elles y compris si elles n’appartenaient pas à un groupe dès lors que leur organisation permettait la permutation du personnel » (Cass. soc., 16 mars 2016, n°14-22.765). Il suffisait que l’entreprise remplisse ce critère pour que le périmètre du reclassement soit élargi au-delà du cadre de l’entreprise.
Ainsi, lorsque l’employeur exploitait un magasin sous une enseigne et que les sociétés exerçant sous cette enseigne avaient des activités économiques étroitement imbriquées, un schéma organisationnel avec des structures communes ainsi qu’une centralisation des offres d’emploi permettant une permutation du personnel entre elles, l’employeur devait rechercher un reclassement dans l’ensemble de ces sociétés et non limiter cette recherche au magasin où était employé le salarié (Cass. soc., 27 sept. 2017, n°16-19.998).
Cette jurisprudence est remise en cause par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 qui a restreint l’obligation de reclassement aux seules entreprises d’un groupe : aujourd'hui, le groupe est défini selon les critères de l’article L. 2331-1 du code du travail sur le comité de groupe (en cas d'inaptitude non professionnelle et lorsque l'entreprise dominante est en France en cas d'inaptitude professionnelle). Ces critères reposent sur les liens capitalistiques entre une entreprise dominante et d’autres entreprises.
Il en résulte que lorsque l’entreprise n’appartient pas à un groupe au sens du comité de groupe, les recherches de reclassement se limitent désormais à l’entreprise où est affecté le salarié et ne peut plus être étendu à d’autres entreprises y compris en présence d’une permutation du personnel. Ce qui exclut a priori les réseaux de franchise, les fédérations, les associations ou les ordres professionnels qui ne répondent pas aux critères du groupe défini à l’article L. 2331-1 du code du travail. Dans ces structures, le périmètre de reclassement est limité à l’entreprise d'affectation du salarié déclaré inapte.
Appliqué au cas d’espèce, il ne pourra plus être reproché à l’employeur d’avoir limité ses recherches de reclassement à son magasin.
Remarque : plus précisément, les articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail modifiés par  l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 précisent : « l’employeur… propose (au salarié) un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel... ". Ces articles précisent également la notion de groupe mais si, pour  l'article L.  1226-2 (inaptitude non professionnelle), " le groupe est défini conformément au I de l’article L. 2331-1 », pour l'article L. 1226-10 (inaptitude professionnelle), la notion de groupe est distincte selon que l 'entreprise dominante est en France ou non : " le groupe est défini, lorsque le siège social de l'entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l'article L. 2331-1 et, dans le cas contraire, comme constitué par l'ensemble des entreprises implantées sur le territoire français. ». Il semblerait donc, qu'en cas d'inaptitude d'origine professionnelle, si l'entreprise ne dépend pas d'une entreprise dominante située en France, la notion de groupe telle que définie par la jurisprudence pourrait continuer à s'appliquer. Cette modification du périmètre de l'obligation de reclassement est applicable pour les avis d'inaptitude notifiés depuis le 24 septembre 2017.
 
Le critère jurisprudentiel de la permutation du personnel est codifié
L’employeur doit rechercher des possibilités de reclassement parmi l’ensemble des entreprises appartenant au même groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Ce critère de la permutation du personnel est utilisé depuis longtemps par la jurisprudence pour délimiter le périmètre de l’obligation de reclassement au sein d’un groupe et vient d’être confirmé (Cass. soc., 27 sept. 2017, n°15-28.605).
En l’espèce, l’employeur justifiait avoir respecté son obligation de reclassement par l’envoi de mails à 2 agences du groupe et à 3 entreprises comprises dans le secteur géographique suivi par leur réponse négative. Cela ne suffit pas pour la Cour de cassation. Les juges du fond auraient dû vérifier si l’employeur avait recherché des possibilités de reclassement parmi l’ensemble des entreprises appartenant au même groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation lui permettaient d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
La solution de cette jurisprudence est retranscrite dans le code du travail par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 : « l’employeur propose (au salarié) un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient… et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. » (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10 mod.)
La solution de cet arrêt reste donc applicable après le 24 septembre 2017, date d’entrée en vigueur des modifications apportées par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 sur l’obligation de reclassement. Mais à la différence de la situation antérieure, l’application de ce critère est limitée au groupe compris dans un sens restreint (voir ci-dessus) et ne permet plus d’étendre le périmètre du reclassement à des structures qui ne répondent pas à cette définition du groupe.
Le délai de reclassement
Le licenciement pour inaptitude en raison de l’impossibilité de reclassement est sans cause réelle et sérieuse si l’obligation de reclassement n’a pas été respectée. Tel est le cas lorsque les recherches de reclassement n’ont pas été loyales ni sérieuses au motif que l’employeur a engagé la procédure du licenciement pour inaptitude de manière trop hâtive, sans attendre la réponse du médecin du travail sur les aptitudes restantes du salarié (Cass. soc., 27 sept 2017, n°16-17.502).
En l’espèce, une salariée a été déclarée inapte le 10 novembre 2011, par le médecin du travail, au poste de secrétaire ainsi qu’à tout poste dans l’entreprise et sur les autres sites de l’entreprise. L’employeur a alors interrogé le médecin du travail le 20 novembre sur les aptitudes restantes de la salariée. Sans attendre sa réponse reçue le 25 novembre, l’employeur informe la salariée le 22 novembre de l’absence de poste compatible avec son état de santé puis la convoque le 24 novembre à un entretien préalable.
Pour la Cour de cassation, l’obligation de reclassement n’a pas été respectée et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Cette solution n’est pas remise en question par les ordonnances du 22 septembre 2017.
La portée de l’avis des délégués du personnel sur l’obligation de reclassement
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit proposer des postes de reclassement après avoir pris en compte l’avis des délégués du personnel (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10).
Toutefois, le sens de l’avis des délégués du personnel est sans conséquence sur l’obligation de reclassement de l’employeur. Plus précisément, le fait que « les délégués du personnel constatent l’impossibilité d’aménagement d’un poste de reclassement au sein de l’entreprise ou de permutabilité d’emploi compatible avec les restrictions médicales imposées concernant le salarié » n’exonère pas l’employeur de son obligation de rechercher un reclassement. En conséquence, si l’employeur licencie pour inaptitude dans un tel cas, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour absence de recherche de reclassement.
C’est ce que vient de confirmer la Cour de cassation (Cass. soc. 6 oct. 2017, n°16-14.544).
Remarque : cette solution n’est pas remise en cause par les ordonnances du 22 septembre 2017. A noter, toutefois, que ce ne sont plus les délégués du personnel (DP) qui seront consultés à plus ou moins brève échéance mais le Comité social et économique (CSE). Le CSE remplacera les DP, le CE et le CHSCT entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2020, selon la date d’expiration des mandats en cours.
L’incidence de la cessation totale d’activité sur l’obligation de reclassement

Comment s’articule la procédure de licenciement économique enclenchée par la cessation d’activité de l’entreprise avec l’obligation de reclassement résultant de l’avis d’inaptitude notifié à un salarié ? Pour répondre à cette question qui oppose deux procédures distinctes , la Cour de cassation a fait preuve de pragmatisme.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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L’employeur peut licencier pour motif économique un salarié déclaré inapte à la condition de mettre en œuvre la procédure liée à l’inaptitude prévue par les articles L. 1226-2 (en cas d’inaptitude non professionnelle) ou L. 1226-10 du code du travail (en cas d’inaptitude professionnelle) c’est-à-dire en respectant, notamment, l’obligation de reclassement (Cass. soc., 14 mars 2000, n° 98-41556 ; Cass. soc., 10 mai 2012, n°11-11.854).

Toutefois lorsque le motif économique du licenciement repose sur la cessation totale d’activité, la Cour de cassation, faisant preuve de pragmatisme, précise que l’impossibilité de reclassement du salarié déclaré inapte peut résulter de la cessation totale d’activité de l’entreprise mise en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité, sous réserve que l’entreprise n’appartienne pas à un groupe. Plus précisément, la cessation totale d’activité n’exonère pas l’employeur de son obligation de reclassement (Cass. soc., 7 mars 2007, n°05-43.872) mais lui permet de justifier l’impossibilité de reclassement. C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. soc., 4 oct. 2017, n°16-16.441).

En l’espèce, un salarié a été déclaré inapte le 13 mai 2014. Quinze jours après, a été prononcée la liquidation judiciaire de l’entreprise sans poursuite d’activité prononcée. Le salarié inapte a été convoqué, le lendemain, à un entretien préalable pour son licenciement pour motif économique. Ce licenciement est intervenu le 11 juin. Le salarié a alors demandé la nullité de son licenciement au motif que l’employeur n’avait pas respecté la procédure applicable suite à une inaptitude d’origine professionnelle, notamment l’obligation de rechercher un reclassement. Il estimait que les règles protectrices contre le licenciement des salariés victimes d’un accident du travail n’avaient pas été respectées.

Ses arguments sont rejetés. Pour la Cour de cassation, l’impossibilité de reclassement étant justifiée, le licenciement n’est pas nul.

Remarque : à noter qu’il a même été admis, lorsque le motif économique du licenciement résulte de la cessation totale d’activité d’une entreprise qui n’appartient pas à groupe, que la procédure d’inaptitude n’avait pas à s’appliquer jusqu’à son terme dans un cas particulier. Dans ce litige, le liquidateur judiciaire n’avait pas procédé à la convocation du salarié à un deuxième examen médical, alors qu’un double examen était exigé pour constater l’inaptitude à l’époque des faits car il était contraint de licencier pour motif économique dans un certain délai pour permettre la prise en charge des indemnités de rupture par l’AGS. Il (Cass. soc., 9 déc. 2014, n°13-12.535).

Cette solution n’est pas remise en cause par les ordonnances du 22 septembre 2017 et reste applicable.

Nathalie Lebreton, Dictionnaire permanent Social
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