Indemnisation de la charge exorbitante causée par l'adoption d'une carte communale

08.07.2016

Immobilier

Le Conseil d'État reconnaît la responsabilité sans faute de la commune et de l'État en raison de la modification des règles d'urbanisme faisant peser sur un aménageur une charge spéciale et exorbitante.

Il y a 18 ans le Conseil d'État ajoutait une exception jurisprudentielle au principe de non-indemnisation des servitudes d'urbanisme posé par l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme (recodifié à l'article L. 105-1). Aux deux hypothèses d'indemnisation prévues par ce texte (en cas d'atteinte à des droits acquis ou de modification de l'état antérieur des lieux), l'arrêt Bitouzet adjoignait le cas exceptionnel d'une servitude faisant peser sur un propriétaire une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi (CE, 3 juill. 1998, n° 158592).

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Cette fenêtre d'indemnisation, certes bien étroite, trouve néanmoins application dans l'affaire commentée.

En l'espèce, une société acquiert des terrains pour y réaliser une vaste opération d'aménagement, en vue de laquelle la commune modifie son POS. Puis les deux parties concluent une convention mettant à la charge de l'aménageur, en toute illégalité, une participation financière pour la réalisation d'un réseau d'assainissement, la commune devant, pour sa part, réaliser le raccordement. Mais cette dernière ne réalise pas la canalisation prévue et, de ce fait, le projet ne peut pas aboutir. Quelques années plus tard, le conseil municipal abroge son POS et adopte une carte communale qui classe en zone naturelle inconstructible les terrains d'assiette de l'opération, compromettant ainsi définitivement le projet.

La société d'aménagement réclame alors le remboursement des sommes (conséquentes) indûment versées. Mais elle se heurte aux règles de prescription quinquennale de l'action en répétition de l'indû prévues par l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme, excepté pour un ultime versement d'un montant mineur (500 euros).

Elle demande, en outre, réparation du préjudice subi du fait de l'abrogation du POS et de l'approbation de la carte communale. Sur ce point, le Conseil d'État lui donne satisfaction. Il considère, en effet, que  le classement en zone inconstructible de la totalité des terrains de la société d'aménagement a eu pour effet d'amoindrir la valeur vénale de sa propriété et de compromettre définitivement ses projets d'aménagement qui bénéficiaient, à l'origine, du soutien de la commune et pour lesquels elle avait engagé d'importants travaux. Les dispositions de la carte ainsi adoptées "doivent être regardées comme ayant fait peser sur cette société, qui a été seule affectée par ce classement, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi".

La carte communale étant adoptée conjointement par le conseil municipal et le préfet, le juge suprême opère un partage de responsabilité à parts égales entre la commune et l'État. Il réduit, toutefois, de moitié le montant de l'indemnisation accordée estimant que le comportement fautif du requérant (notamment une inertie de plusieurs années) a contribué à la réalisation du préjudice.

Cependant, il faudra attendre encore quelques mois et les résultats de l'expertise diligentée pour connaître le montant de l'indemnisation au titre des dépenses exposées en pure perte pour la réalisation de l'opération et de la perte de valeur vénale des terrains.

Laurence Guittard, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
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