Industrie 4.0 : "Le niveau des bouleversements est sous-estimé"

Industrie 4.0 : "Le niveau des bouleversements est sous-estimé"

08.12.2017

HSE

L’arrivée du numérique dans l’industrie modifie profondément les conditions de travail. Parce que les entreprises ont "une propension assez forte à expérimenter sans trop savoir où elles vont", Secafi vient de publier un guide à destination des élus CHSCT. La recette proposée est claire : se poser un maximum de questions.

Équilibre vie privée / vie professionnelle, droit à la déconnexion, ubérisation... on parle beaucoup de l'incidence du numérique sur les conditions du travail des activités du tertiaire, mais beaucoup moins dans l'industrie. Et pourtant, les conséquences n'y sont pas négligeables. Pour aider les élus CHSCT, le cabinet Secafi, spécialisé dans le conseil à destination des représentants du personnel, a publié il y a quelques mois un guide consacré à la question.  

"Nous sommes souvent confrontés à cette thématique", nous raconte Emmanuel Gastineau, auteur du document, qui constate "une accélération sur le terrain, certes, surtout dans les grands groupes". Parmi les problèmes rencontrés : les AGV (automated guided vehicles, sortes de transpalettes automatiques sans chauffeur) qui, si elles sont mal paramétrées, contraignent le salarié qui réceptionne à augmenter la cadence, ou des exosquelettes mal réglés. Il est donc important de laisser le paramétrage des outils à la main de l'opérateur. Mais "il faut être honnête, en matière de pénibilité physique, la transformation numérique apporte plutôt des gains".

 

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Toujours un sens à mon travail ?

En revanche, ce n'est pas forcément le cas en matière de pénibilité mentale. L'industrie dite 4.0 passe de la présence de gros robots, situés dans des environnements sécurisés, à part des salariés, à l'arrivée de "cobots", robots plus petits, parfois à taille humaine, qui détectent les défauts et s'adaptent au réel. Or, "Si mon voisin d'usine était humain, qu'il est remplacé par un robot, je peux me demander jusqu'à quand je suis là. Ce n'est pas neutre sur le sens de mon travail", remarque le consultant. De manière générale, les outils numériques riment parfois avec asservissement des opérateurs, qui ne se résument alors qu'à de la ressource physique.

Emmanuel Gastineau évoque également les conséquences, moins récentes, de l'arrivée de la méthode Agile sur les ingénieurs, qui a terrassé la Sigma, en place depuis des décennies. Comme on leur demande maintenant d'avancer dans le processus industriel sans valider l'étape précédente, ils doivent souvent faire des retours, ce qui leur ajoute une charge de travail supplémentaire. Or, "La boucle de retour n'est pas prévue dans le plan de charges. Les personnes sont consciencieuses, donc elles compensent avec leurs horaires de travail".

Ne pas partir tête baissée 

La recette avancée par Secafi ? Se poser les bonnes questions, avant, pendant, et après la mise en place du projet. Entre autres : comment un projet impacte-t-il l’environnement physique, la charge et l’intensité de l’activité ou encore les relations de travail ? Implique-t-il une perte de sens et d’intérêt ou est-ce qu’il permet au contraire de se concentrer sur des tâches plus importantes ? Quelles en sont les conséquences sur le rythme de travail, ou encore sur l’articulation vie professionnelle / vie personnelle ? Pourquoi ce projet de digitalisation est-il lancé ? Si le projet permet une augmentation de la productivité, que sera-t-il fait des gains obtenus ? 

Des questions que ne se posent pas forcément les entreprises concernées. "Il y a une propension assez forte à expérimenter sans trop savoir où on va. Mais qui paie cette transformation ? Ni les clients finaux, ni les actionnaires, mais les salariés", remarque Emmanuel Gastineau. S'il refuse de généraliser, il note souvent "une approche assez techno qui nie le bouleversement que cela provoque dans l'entreprise". Les projets numériques sont parfois commandés depuis la direction, sans concertation avec les salariés, directs et indirects. La conclusion est donc la même que pour tout changement dans l'entreprise : impliquer au maximum les salariés concernés. 

 

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HSE

Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement. 

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Pauline Chambost
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