Infractions routières : l'organisation du travail peut être mise en cause

Infractions routières : l'organisation du travail peut être mise en cause

29.11.2016

Gestion du personnel

Au 1er janvier 2017, l'employeur devra dénoncer le conducteur verbalisé par un appareil de contrôle automatique alors qu'il était au volant d'un véhicule appartenant à l'entreprise. Tour d'horizon des enjeux et conséquences pour les entreprises avec Sébastien Millet, avocat associé au sein du cabinet Ellipse-avocats.

Qu'est-ce que la loi du 18 novembre 2016 a changé concernant les infractions routières commises au volant d'un véhicule appartenant à l'entreprise ?

La loi Justice du XXIe siècle a opéré un changement important en ce qui concerne la répression des infractions constatées par un appareil automatique, dont l'exemple le plus fréquent est celui de l'excès de vitesse relevé par un radar automatique. Actuellement, lorsqu'une telle infraction est constatée sur un véhicule appartenant à une entreprise, l'employeur reçoit l'amende mais n'encourt pas de sanction s'il ne déclare pas l'identité de la personne qui conduisait le véhicule à ce moment-là. L'entreprise prend donc généralement en charge l'amende, puis s'arrange avec le conducteur du véhicule pour que le montant de cette amende soit remboursé. Dans cette situation, ni le chef d'entreprise, ni le salarié auteur de l'infraction ne subissent de retrait de points sur leur permis de conduire, ce qui conduit à une forme d'impunité des infractions routières.

En cas de non-divulgation de l'identité du salarié, c'est le chef d'entreprise qui engage sa responsabilité pénale

La loi "Justice du XXIe siècle" du 18 novembre 2016 prévoit une obligation pour le représentant de l'entreprise, sous peine d'amende, de dénoncer la personne qui se trouvait au volant du véhicule lorsque l'infraction a été constatée, dans les 45 jours de la réception de l'avis de contravention. Cette règle appelle deux observations. Premièrement, l'obligation pèsera sur le représentant de l'entreprise, et non sur l'entreprise en tant que personne morale. Cela signifie qu'à compter du 1er janvier 2017, en cas de non-divulgation de l'identité du salarié, le chef d'entreprise engagera sa responsabilité pénale personnelle et sera passible d'une contravention de 4e classe (amende d'au maximum 750 euros). Cette peine contraventionnelle qui incombe au dirigeant ne peut être prise en charge par l’entreprise et ne sera en tout état de cause pas déductible fiscalement. Seconde remarque, la personne dénoncée ne sera pas forcément un salarié ; la déclaration pourra viser, par exemple, le conjoint d'un salarié qui était au volant au moment de la constatation de l'infraction.

Le problème se posera en pratique surtout pour les véhicules de service, qui sont susceptibles d'être utilisés par plusieurs personnes, alors qu'un véhicule de fonction est rattaché clairement à un conducteur*. Une traçabilité documentaire sera nécessaire puisque dorénavant, il ne sera plus possible de prétendre ne pas être en mesure de savoir qui a utilisé le véhicule ...

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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L'employeur peut-il se dégager de son obligation en prouvant qu'il ne savait pas qui était au volant du véhicule ?

Les cas d'exonération sont très limités ; la loi prévoit trois cas dans lesquels le représentant de l'entreprise peut échapper à la sanction malgré la non-divulgation de l'identité du conducteur. Il peut établir la preuve que le véhicule a été volé, ou qu'il a été victime d'une usurpation de plaque d'immatriculation. Enfin, il peut également prouver la survenance de "tout autre événement de force majeure". Dans tous les cas, la charge de la preuve pèsera sur le représentant de l'entreprise, et l'exonération dépendra entièrement de l'appréciation du juge.

Il semble difficile de justifier un cas de force majeure par une impossibilité de connaître l'identité du conducteur du véhicule. L'entreprise doit être vigilante concernant la gestion des déplacements de sa flotte : elle doit être en mesure de savoir qui conduit quel véhicule, à tout instant. On peut toutefois imaginer une solution plus nuancée dans le cas par exemple où l'employeur pourrait prouver qu'un salarié n'a pas respecté une charte d'utilisation des véhicules mise en place dans l'entreprise, notamment dans le cas d'une urgence, rendant impossible son identification. Mais ce genre de situation doit rester de l'ordre de l'exception.

Également, l’hypothèse d’un sinistre pourrait par exemple constituer un cas de force majeure (pouvant notamment justifier un retard dans l'envoi de la déclaration) à condition d’en remplir les critères classiques que sont le caractère extérieur, imprévisible et insurmontable, ce qui limite le champ des possibles en termes de contestation.

Le représentant de l'entreprise qui décide de ne pas dénoncer le conducteur s'expose-t-il à d'autres sanctions que l'amende ?

A titre principal, le chef d’entreprise s’expose à une peine d’amende, mais celle-ci peut s’avérer « salée », puisqu’il peut y avoir autant de contraventions appliquées que de manquements relevés.

Lorsque l'organisation du travail pousse le salarié à la prise de risque, c'est l'entreprise qui sera mise en cause

Pour l’entreprise plus généralement, la question des contraventions pour excès de vitesse peut être « l’arbre qui cache la forêt ». Il faut bien considérer que le risque routier lié aux déplacements professionnels constitue une zone de responsabilité importante de l’employeur sur le terrain de l’obligation de sécurité de résultat. Par exemple, lorsque c'est l'organisation du travail qui pousse le salarié à la prise de risque, c'est l'entreprise qui sera mise en cause. La jurisprudence considère par exemple qu'un mode de rémunération variable basé sur le rendement peut être illicite s'il incite les salariés à dépasser les temps de conduite autorisés, et compromet leur sécurité. Une méthode de management qui pousse les salariés aux excès de vitesse pourrait donc potentiellement engager la responsabilité de l'employeur au titre de son obligation de sécurité de résultat, en cas d'accident mais pas uniquement.

Sur un autre terrain, le fait pour une entreprise de prendre à sa charge les amendes de ses salariés l'expose typiquement à un risque de redressement en cas de contrôle. En effet, l'Urssaf constatera, sous couvert de frais d'entreprise, l'existence d'avantages financiers non-déclarés, et opérera leur réintégration dans l'assiette de cotisation ; les répercussions financières peuvent alors être importantes.

Dans tous les cas, il est recommandé aux employeurs d'établir des consignes en matière de sécurité routière, en leur rappelant les règles et en les intégrant dans le règlement intérieur le cas échéant. Une communication avec les salariés sur cette thématique est indispensable. Face à cette nouvelle donne, les chefs d’entreprise ont fortement intérêt à veiller à la mise en place et à la tenue à jour d’une documentation sur le suivi de l'utilisation des véhicules de l'entreprise.

 

* Un véhicule de service est mis à disposition des salariés exclusivement pour réaliser des trajets en lien avec une mission professionnelle. Il doit en principe stationner chaque nuit au sein des locaux de l'entreprise. Au contraire, les véhicules de fonction ou de société sont attribués au salarié dans le cadre de ses fonctions en tant qu'outil de travail. Ils font partie de sa rémunération (avantages en nature) et peuvent être utilisés pour un usage personnel.

Laurie Mahé Desportes
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