Interprofessionnalité et exercice en commun des professions

16.05.2017

Gestion d'entreprise

Depuis le 8 mai 2017, il est possible de constituer des SPE entre deux ou plusieurs professions du droit et du chiffre. Elle peut être constituée d'administrateur ou de mandataire judiciaires et des dispositions spécifiques leur sont applicables.

L’article 65, 2° de la loi « Macron »n° 2015-990 du 6 août 2015 visait à faciliter la création de sociétés ayant pour objet l’exercice en commun de plusieurs professions réglementées du droit et du chiffre. L’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 créant la société pluri-professionnelle d’exercice (SPE), insère l’ensemble des dispositions générales applicables dans un nouveau titre de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990. L’ordonnance prévoyait la publication de décrets d’application en vue de son application effective au 1er juillet 2017. En raison des échéances électorales, ces décrets ont été publiés au JO du 7 mai 2017.

Un premier décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 entré en vigueur le 8 mai définit les règles de constitution et de fonctionnement des SPE. Elles peuvent être constituées pour l’exercice en commun de deux ou plusieurs des professions libérales, juridiques et judiciaires parmi les avocats, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, commissaires-priseurs judiciaires, huissiers de justice, notaires administrateurs et mandataires judiciaires, conseils en propriété industrielle et les experts-comptables. Les administrateurs et mandataires judiciaires peuvent dès lors envisager de participer à des SPE (C. com., art. L. 811-7-1-A et L. 812-5-1-A créés par Ord. n° 2016-394, 31 mars 2016, art. 5). Toutefois, ils sont visés par des dispositions particulières au regard des spécificités de leurs professions.

Un second décret n° 2017-796 du 5 mai 2017, à l’instar des autres professions, prévoit les modalités de l’inscription des SPE sur les listes nationales des administrateurs et mandataires judiciaires. Il fixe au 8 mai 2017, l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 31 mars 2016 pour ce qui concerne la profession d’administrateur ou de mandataire judiciaire.

Inscription sur les listes nationales des administrateurs et des mandataires judiciaires

Le décret n° 2017-796 du 5 mai 2017 modifie les dispositions relatives à l’exercice des professions d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire. Il tire les conséquences de l’ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Il prévoit l’inscription sur la liste nationale des administrateurs judiciaires (C. com., art. L. 811-2) et sur la liste nationale des mandataires judiciaires (C. com., art. L. 812-2) des SPE, à l’instar des sociétés exerçant uniquement l’une de ces professions.

Les règles relatives à l’exercice de ces professions sont adaptées pour tenir compte aux SPE, notamment en ce qui concerne la composition de leur capital et l’exercice de leur activité. L’article R. 814-72 du code de commerce prévoit une règle, selon laquelle une valeur représentative d’une clientèle correspondant à l’activité d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire ne peut en aucun cas être inscrite à l’actif du bilan des soci��tés d’administrateur ou de mandataire judiciaires. Cette règle s’applique également à la SPE composé de ces professions (C. com., art. R. 814-72 mod. par D. n° 2017-796, 5 mai 2017, art. 1er, 9°).

L’article R. 814-83 relatif à la nomination d’une société pour l’accomplissement du mandat de justice est aménagé au fait qu’elle ne sera pas exclusivement constituée d’associés administrateur ou mandataire judiciaires.

Dans les SPE, la garantie offerte par la caisse de garantie ne couvre que les dommages survenus dans le cadre de l’exercice des professions d’administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire (C. com., art. R. 814-91 mod. par D. n° 2017-796, 5 mai 2017, art. 1er, 18°).

Constitution de la SPE

L’ordonnance du 31 mars 2016 soumet la SPE à certaines contraintes. En particulier, le capital n’est ouvert qu’aux professionnels exerçant effectivement la profession et le régime d���autorisation d’exercer continue à relever de chacune de ces professions.

Cependant, les vérifications nécessitées pour l’inscription initiale ou la nomination auprès des ordres professionnels sont simplifiées. Les pièces suivantes sont à fournir : liste des associés avec la précision de ceux exerçant au sein de la société, copie des actes de nomination dans un office ou d’inscription sur la liste ou au tableau des professions visées, copie des statuts et déclaration attestant l’absence de conflits d’intérêts (art. 2).

Lorsque la société exerce ou souhaite exercer l'activité d'administrateur judiciaire ou de mandataire judiciaire, une déclaration sur l'honneur de chaque associé déjà en exercice attestant de l'absence totale d'intérêt dans les mandats de justice en cours, doit accompagner les pièces justificatives prévues pour chaque profession (art. 2, 4°).

Fonctionnement de la SPE

Les modifications affectant la société devront faire l’objet d’une obligation d’information à l’ensemble des ordres et autorités compétentes.

En matière de nomination ou d'inscription de la société ou de changement affectant la détention de ses actions ou de ses parts sociales, le décret renvoie aux procédures applicables, pour chaque profession exercée par la société, à la forme sociale choisie. En effet, l’ordonnance du 31 mars 2016 prévoit une liberté d’adoption du statut juridique à l’exception de celles qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçants (L. n° 90-1258, 31 déc. 1991, art. 31-3). En outre, les SPE pourront détenir des participations, y compris dans des sociétés de professionnels libéraux.

Restait en suspens la question de la société civile professionnelle (SCP), l’ordonnance du 31 mars 2016 ayant rétabli dans son article 4, l’article 27 de la loi du 29 novembre 1966 relative aux SCP et permettant de fixer la majorité requise pour transformer une SCP en SPE, pour chaque profession, par décret en Conseil d'Etat, à défaut de clause contraire des statuts. Ce décret est également publié (D. n° 2017-795, 5 mai 2017 ; v. « Transformation d’une SCP en SPE de certaines professions réglementées ».

Concernant une SPE exerçant la profession de commissaire-priseur judiciaire, le décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 exclut qu’elle puisse exercer la vente volontaire aux enchères publiques (art. 26).

La SPE est soumise aux obligations de tenue des comptabilités et de présentation des documents comptables et fait l’objet de contrôles et d’inspections par les autorités administratives ou professionnelles compétentes à l’égard de ses membres (art. 27 et suivants).

Un contrat d’assurance couvrant les risques relatifs à la responsabilité civile professionnelle est conclu dans le respect des dispositions propres à chacune des professions correspondant à l'objet social de la SPE (art. 30).

Exercice de l’activité et secret professionnel

Le régime de la SPE préserve le respect des règles propres à l’exercice de chacune des professions et notamment des obligations déontologiques de loyauté, confidentialité et de secret professionnel. De même, l’indépendance de l’exercice professionnel des associés et des salariés de chaque profession est garanti (L. n° 90-1258, 31 déc. 1990, art. 31-8 créé par Ord. n° 2016-394, 31 mars 2016).

Le décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 fixe les conditions dans lesquelles le secret professionnel est opposable. En particulier, sont prévues les clauses devant figurer dans le contrat conclu entre la société et son client (art. 25). Les obligations de confidentialité et de secret professionnel ne font pas obstacle à ce que le professionnel communique toute information nécessaire à l'accomplissement des actes professionnels et à l'organisation du travail au sein de la société dans l'intérêt du client.

Toutefois, le client doit avoir été préalablement informé de cette faculté de communication et y donné son accord. Cet accord mentionne, le cas échéant, la ou les professions constituant l'objet social de la société auxquelles le client s'adresse et entend limiter la communication des informations le concernant. Pour les administrateurs et mandataires judiciaires, cette communication doit s’opérer dans les limites de ce que leur permet le mandat de justice pour lequel ils ont été désignés (L. n° 90-1258, 31 déc. 1990, art. 31-10 créé par Ord. n° 2016-394, 31 mars 2016).

Cessation d’exercice et retrait de la SPE

Le décret n° 2017-794 du 5 mai 2017 consacre une section aux causes de cessation d’exercice d’une profession par la société ou un associé (art. 10 à 12). Concernant les administrateurs et mandataires judiciaires, il s’agit de l’interdiction temporaire, de la radiation ou du retrait de la liste et, pour les seules personnes physiques associées, du décès (art. 10, 4°).

Plus généralement, lorsque la société cesse d'exercer une profession, l'associé ou les associés exerçant cette profession se retirent de la société. L'associé concerné dispose d'un délai de six mois à compter de la date de prise d'effet de la cessation d'exercice de la profession par la société pour céder ses actions ou parts sociales à la société, à ses coassociés ou à un tiers. En cas d'interdiction d'exercice, ce délai court à compter du jour où la décision d'interdiction est devenue définitive (art. 11, I). Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque l’interdiction temporaire est inférieure à un an (art. 11, II).

Enfin, lorsqu'un associé ne remplit pas les conditions pour figurer au capital de la société pluri-professionnelle d'exercice, il ne bénéficie plus des droits afférents à la qualité d'associé, à l’exception des droits à rémunération (art. 13).

 

Les autres professionnels font l’objet des décrets n° 2017-800 du 5 mai 2017 pour l’exercice des professions d’huissier de justice, de notaire et de commissaire-priseur judiciaire, n° 2017-801 du 5 mai 2017 pour l’exercice de la profession d’avocat, n° 2017-798 du 5 mai 2017 pour l’exercice de la profession d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et n° 2017-799 du 5 mai 2017 pour l’exercice de la profession d’expert-comptable dans le cadre d’une SPE.

 

Catherine Cadic, Dictionnaire Permanent Difficultés des entreprises

Nos engagements