"Je demande que des états généraux de la profession du chiffre soient organisés"

"Je demande que des états généraux de la profession du chiffre soient organisés"

06.04.2018

Gestion d'entreprise

Retrouvez chaque semaine notre interview sur un sujet d’actualité. En raison de la possible remontée des seuils d’audit légal, Michel Tudel, président d’honneur de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, appelle à un sursaut de la profession comptable.

L’IGF recommande de relever les seuils d’audit légal au niveau préconisé par l’Union européenne. Qu’en pensez-vous ?

Comme toujours, il s’agit d’une mesure médiane qui ne prend pas en compte le tissu économique auquel elle s’applique. Le ministre de l’économie et des finances souhaite réorienter, via plusieurs pistes, l’épargne des français vers les entreprises. Il serait déraisonnable de ne pas donner aux épargnants la sécurité que procure le rapport du commissaire aux comptes. Il aurait été plus acceptable de dire que toute entité qui va recevoir des prêts participatifs devrait, quel que soit son chiffre d’affaires, avoir un commissaire aux comptes. Un particulier qui place 30 000 euros veut avoir de la sécurité. Donc la mesure préconisée par l’IGF n’est pas adaptée à la politique du gouvernement. Par analogie, quand on observe ce qui se passe dans le secteur non marchand on voit que la présence du Cac est obligatoire dès que l’on consomme de l’argent public. C’est le cas des associations qui reçoivent plus de 153 000 euros de subventions. Le gouvernement pourrait avoir le même souci de l’utilisation de l’épargne des français.

Quelle est votre opinion sur les seuils d’audit légal des Sarl et des SAS ?

Je ne m’arcboute pas sur les seuils préconisés par l’Europe, c’est-à-dire 4 millions d’euros de bilan, 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 50 salariés, s’agissant des sociétés de famille qui ne recourent pas à l’emprunt. Je ne suis pas contre ces seuils pour ceux qui utilisent leur propre argent. Mais le gouvernement doit être cohérent. S’il veut accompagner le développement des entreprises, il ne faut pas que les épargnants se retrouvent face à une situation sauvage. Le commissaire aux comptes sécurise un certain nombre de transactions.

Si les seuils sont relevés au niveau préconisé par l’Union européenne, pensez-vous que votre société puisse compenser la perte de chiffre d’affaires ?

Le système devient cohérent si on met en place la sécurité dont je vous parle en ce qui concerne l’épargne. Les commissaires aux comptes sont presque tous experts-comptables. Il ne faut pas tomber dans la schizophrénie. Cela ne me semble pas très logique de dire que d’un côté l’on va sérieusement tailler dans le chiffre d’affaires des Cac et que de l’autre côté l’expert-comptable doit aider à mettre en place le prélèvement à la source. Je demande que des Etats généraux de la profession du chiffre soient organisés.

C’est-à-dire ?

Que la profession, commissaire aux comptes et expert-comptable, fasse l’état de sa situation et en tire les conséquences en disant au gouvernement que son diagnostic a été établi sans avoir procédé à une analyse précise du tissu économique français. Il faut que la profession réagisse dans son ensemble à l’égard des deux tutelles. Dans le contexte actuel, je n’accompagnerai pas les entreprises pour mettre en place le prélèvement à la source. Vous me direz que je prends en otage les entreprises ! Mais j’utilise les transports tous les jours. Donc que le gouvernement fasse son œuvre.

 

Propos recueillis par Ludovic Arbelet

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